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22/11/2016 | FRANCE | N°15MA04691

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 22 novembre 2016, 15MA04691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...et M. C... A...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bonnieux à leur verser la somme de 35 843,10 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi et résultant de l'illégalité des arrêtés des 27 novembre et 2 décembre 2008 portant retrait et refus de permis de construire.

Par un jugement n° 1401463 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Bonnieux à verser à Mme E... et à M. A... la somme de 1

4 713,10 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...et M. C... A...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bonnieux à leur verser la somme de 35 843,10 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi et résultant de l'illégalité des arrêtés des 27 novembre et 2 décembre 2008 portant retrait et refus de permis de construire.

Par un jugement n° 1401463 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Bonnieux à verser à Mme E... et à M. A... la somme de 14 713,10 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2015, la commune de Bonnieux, représentée par la SCP d'avocats Margall-D'Albenas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les consorts E...et A...devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener la condamnation à de plus justes proportions ;

4°) de mettre à la charge des consorts E...et A...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les consorts E...et A...ne justifient pas que la nécessité de reprendre certains travaux est directement en lien avec l'interruption des travaux ;

- les intéressés ne justifient pas de la nécessité où ils se sont trouvés de conclure un avenant à leur contrat de construction ;

- les intéressés ne justifient pas du trouble de jouissance indemnisé par le tribunal administratif de Nîmes ni d'avoir envisagé de louer leur bien.

Par un mémoire, enregistré le 21 mars 2016, les consorts E...etA..., représentés par la SCP d'avocats Fortunet et associés, concluent au rejet de la requête, et, à titre d'appel incident, demandent à la Cour :

1°) de condamner la commune de Bonnieux à leur payer la somme globale de 35 843,10 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bonnieux la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les travaux dont ils demandent l'indemnisation et la nécessité de conclure un avenant au contrat de construction sont la conséquence de l'interruption des travaux ;

- ils justifient d'une perte de loyers sur une durée de 23 mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Bonnieux.

1. Considérant que, par arrêté du 8 septembre 2008, le maire de la commune de Bonnieux a délivré à Mme E... et M. A... un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle, au lieu dit Les Eyrolles Les Claparèdes ; que, par arrêtés des 27 novembre et 2 décembre 2008, le maire de la commune de Bonnieux a, d'une part, retiré ce permis de construire en raison de son illégalité, au motif que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune, dans sa rédaction alors applicable, exigeait qu'un terrain ait une superficie minimale de 5 000 m² pour pouvoir être bâti et, d'autre part, refusé le permis de construire sollicité ; que, par un jugement du 1er octobre 2010, devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés retirant puis refusant le permis de construire, au motif que le terrain d'assiette du projet comportait la superficie requise à la date de la délivrance du permis de construire ; qu'à la suite à ce jugement, les travaux de construction, qui avaient été interrompus, ont repris et ont été achevés en août 2011 ; que Mme E... et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bonnieux à les indemniser du préjudice résultant de l'illégalité fautive des arrêtés des 27 novembre et 2 décembre 2008 ; que par un jugement du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Bonnieux à leur verser une indemnité à ce titre de 14 713,10 euros ; que la commune de Bonnieux relève appel de ce jugement ; que, par la voie d'un appel incident, Mme E... et M. A... demandent la réformation de ce jugement et que le montant de leur indemnité soit portée à 35 843,10 euros ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la faute :

2. Considérant que l'illégalité des arrêtés des 27 novembre et 2 décembre 2008 du maire de la commune de Bonnieux portant retrait et refus de permis de construire, ayant entraîné leur annulation par le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 1er octobre 2010, devenu définitif, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bonnieux ;

En ce qui concerne le préjudice :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de la facture du 12 janvier 2011 versée au dossier, qui mentionne que les travaux de réhabilitation du plancher du rez-de-chaussée font suite à la demande d'interruption des travaux de construction le 16 décembre 2008 pour cause de suspension du permis de construire, que ces travaux supplémentaires étaient la conséquence directe de l'interruption de chantier intervenue à la suite du retrait illégal du permis de construire cité au point 1 ; que Mme E... et M. A... justifient ainsi des frais supportés pour remédier aux conséquences de l'arrêt du chantier pendant environ deux ans ; que la commune de Bonnieux ne conteste pas sérieusement le jugement attaqué en ce que les premiers juges ont estimé que les intéressés n'avaient pas à accomplir de diligences particulières afin d'éviter la dégradation de la construction pendant l'interruption de chantier ; que, dès lors, la commune de Bonnieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à indemniser les intéressés du montant de cette facture de 5 053,10 euros ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le contrat de construction d'une maison individuelle, conclu en 2008 par Mme E... et M. A... avec le constructeur " Au temps des Bastides ", ne comporte pas de révision du prix, il stipule que la durée des travaux sera de 10 mois ; qu'en signant le 28 janvier 2011, suite à l'annulation du retrait et du refus de permis de construire, un avenant avec le constructeur, les intéressés se sont bornés à prendre acte du délai écoulé depuis la signature du contrat initial, qui impliquait nécessairement de modifier le contrat pour réévaluer le prix de la construction ; que, par suite, la commune de Bonnieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser une somme de 4 660 euros correspondant au montant supplémentaire que les maîtres d'ouvrage ont dû acquitter, et qui est en lien de causalité directe avec la faute commise par la commune de Bonnieux ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les consorts E...etA... ont été privés de la jouissance de leur bien du fait des décisions illégales portant retrait et refus de permis de construire pendant une durée de vingt-trois mois ; que c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont évalué à 5 000 euros le préjudice de jouissance subi par Mme E... et M. A... ;

Sur l'appel incident :

6. Considérant, en premier lieu, que les consorts E...etA... ne justifient pas avoir envisagé de mettre en location la villa pour laquelle ils ont demandé la délivrance d'un permis de construire ; qu'ils ne sont pas fondés, dès lors, à demander la condamnation de la commune de Bonnieux à leur verser une indemnité à titre de réparation d'une perte de revenus locatifs ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration ; que, toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement; qu'il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les consorts E... et A...ont pu présenter une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Nîmes, dans le cadre de la procédure dirigée contre les décisions du maire de la commune de Bonnieux retirant leur permis de construire puis refusant la délivrance du permis de construire ; qu'alors même que, dans cette instance, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande, leur préjudice doit être regardé comme ayant été réparé par la décision prise par le tribunal administratif de Nîmes ; que les consorts E...et A...ne sont dès lors pas fondés à demander la condamnation de la commune de Bonnieux à les indemniser des frais de justice exposés dans le cadre de la procédure diligentée devant le tribunal administratif de Nîmes et relative au retrait et au refus de permis de construire ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bonnieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser une somme de 14 713,10 euros aux consorts E...etA... ; que, ces derniers ne sont pas fondés, pour leur part, à demander la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts E...et A...qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdant pour l'essentiel, la somme que la commune de Bonnieux demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bonnieux une somme de 2 000 euros à verser aux consorts E...et A...pris ensemble, au titre des frais qu'ils ont exposés non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Bonnieux est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident formées par les consorts E...et A...sont rejetées.

Article 3 : La commune de Bonnieux versera la somme de 2 000 euros aux consorts E...et A...pris ensemble en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bonnieux, à Mme B...E...et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2016.

5

N° 15MA04691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04691
Date de la décision : 22/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Frais et dépens - Remboursement des frais non compris dans les dépens.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP MARGALL - D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-22;15ma04691 ?
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