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18/10/2016 | FRANCE | N°16MA01344

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 octobre 2016, 16MA01344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Sofral a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1002135 du 5 juillet 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12MA03705 du 14 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté

la requête de la SCI Sofral tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une décision n° 3864...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Sofral a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1002135 du 5 juillet 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12MA03705 du 14 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la SCI Sofral tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une décision n° 386456 du 30 mars 2016, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la SCI Sofral, annulé l'arrêt susmentionné en tant qu'il porte sur l'assujettissement de la SCI Sofral à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de l'opération de livraison à soi-même d'immeubles, sur le fondement du 7° de l'article 257 du code général des impôts, et a renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure.

Procédure après renvoi de l'affaire devant la Cour :

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet des conclusions de la requête en tant qu'elle porte sur le litige renvoyé devant la Cour.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2016, la SCI Sofral représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 juillet 2012 en tant qu'il porte sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une livraison à soi-même en application du 7° de l'article 257 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige à hauteur de 235 160 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions posées par le c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts ne sont pas réunies dès lors que la surface affectée à l'habitation de l'immeuble à raison duquel elle a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée est supérieure aux trois quarts de la surface totale et que cet immeuble n'est que très partiellement utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- en application de la doctrine administrative 3 D-1524 n° 13 du 2 novembre 1996, c'est sur une base excluant les locaux réservés à l'usage du constructeur que la livraison à soi-même aurait dû être imposée ;

- faute pour l'administration d'avoir déterminé les surfaces à prendre en compte pour le calcul de la base imposable au titre de la livraison à soi-même, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée doit être considéré comme infondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI Sofral a acquis, en 2001, un domaine viticole situé dans le Var, constitué de terres agricoles et d'un immeuble bâti sur lequel elle a réalisé, en 2004 et 2005, des travaux de rénovation ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces et d'une vérification de comptabilité, elle a été assujettie, à raison notamment de ces travaux, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ; que par un jugement du 5 juillet 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes ; que par un arrêt du 14 octobre 2014, la Cour a rejeté la requête présentée par la SCI Sofral tendant à l'annulation de ce jugement ; que sur le pourvoi de la SCI Sofral, le Conseil d'Etat a, par décision du 30 mars 2016, annulé cet arrêt en tant qu'il porte sur l'assujettissement de la société à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de l'opération de livraison à soi-même d'immeubles, sur le fondement du 7° de l'article 257 du code général des impôts, et a renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure ;

Sur l'application du 7° de l'article 257 du code général des impôts :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'en vertu du 7° de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, dont les livraisons à soi-même d'immeubles, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que toutefois, en vertu du c du 1 de ce 7°, " la livraison à soi-même d'immeubles affectés ou destinés à être affectés à l'habitation pour les trois quarts au moins de leur superficie totale et d'immeubles qui ne sont pas destinés à être utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée " n'est imposée que sous certaines conditions ; qu'il en résulte que lorsqu'un immeuble est affecté à l'habitation pour les trois quarts de sa superficie ou qu'il n'est pas destiné à être utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'il ne remplit aucune des conditions visées au c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts, la livraison à soi-même n'est pas imposable ;

3. Considérant, en premier lieu, que la SCI Sofral a entrepris, sur le bâtiment mentionné au point 1, des travaux portant sur le réaménagement des locaux à usage viticole et la création de trois gîtes, respectivement de 74,70 m², 90 m² et 60 m², ainsi que d'un appartement de 331 m² destiné à son gérant ; qu'il résulte de l'instruction que ces travaux ont consisté en la création d'ouvertures nouvelles et l'agrandissement d'ouvertures existantes, la réfection de la toiture, la construction d'une mezzanine et d'une terrasse d'environ 10 m², la réalisation de plusieurs dalles en béton, la destruction des planchers, le réaménagement des cloisons internes, la modification des baies par démolition de murs en moellon de pierre, le changement des menuiseries extérieures, y compris les volets pour les gîtes, et la rénovation complète des installations sanitaires et électriques, du chauffage et de la plomberie ; que le vérificateur a en outre constaté qu'à l'issue des travaux, la surface habitable était passée de 200 m² à 556 m² ; que si la SCI Sofral conteste la réalité d'un accroissement substantiel de la surface habitable, qu'elle évalue dans ses écritures d'appel à 500 m² avant travaux, elle ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions qu'elle a portées sur la déclaration modèle H1 du 22 juin 1970 dont se prévaut l'administration, indiquant à cette date une surface habitable de 200 m², alors que, par ailleurs, dans ses écritures de première instance elle faisait elle-même état d'une surface habitable avant travaux d'environ 300 m² ; que la société requérante ne saurait utilement faire valoir que la surface totale de la construction n'a augmenté que de 30 m², dès lors qu'il est constant que l'accroissement de la surface habitable a résulté uniquement d'aménagements intérieurs ; que les plans qu'elle produit confirment en outre que certaines surfaces initialement non habitables ont été aménagées pour le devenir, notamment aux niveaux R+1 et R+2 ; que la circonstance que la société requérante n'ait pas déposé de demande de permis de construire est sans incidence sur la qualification des travaux réalisés au regard des dispositions du code général des impôts ; que, dans ces circonstances, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'administration a pu à bon droit estimer que les travaux effectués, par leur nature et leur importance, entraient dans le champ d'application du 7° de l'article 257 du code général des impôts ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des écritures mêmes de la SCI Sofral que la surface totale du bâtiment s'élève à 1 352 m² ; que la surface habitable après travaux étant de 556 m², la SCI Sofral n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'immeuble en litige serait affecté pour au moins les trois quarts de sa surface totale à l'habitation ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SCI Sofral a confié à la SARL Les Mûriers, par un bail signé le 8 janvier 2002 et enregistré le 12 avril suivant, l'exploitation de l'ensemble des parcelles du domaine viticole qu'elle avait acquis ; que, par un avenant signé le 26 mars 2004 et enregistré le 5 avril suivant, les parties ont étendu le bail au rez-de-chaussée du corps de bâtiment principal à usage de cave, caveaux et salle de stockage et à deux bâtiments indépendants, à savoir une bergerie et un garage ; que la SCI Sofral a exercé sur les biens visés par le bail du 8 janvier 2002 et l'avenant du 26 mars 2004 l'option prévue au 6° de l'article 260 du code général des impôts, qui permet aux personnes qui donnent en location, en vertu d'un bail enregistré, des terres et bâtiments d'exploitation à usage agricole, d'acquitter sur leur demande la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, l'immeuble en cause ne peut être regardé comme n'étant pas destiné à être utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au sens des dispositions du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la SCI Sofral n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait fait une inexacte application de ces dispositions ;

S'agissant de l'opposabilité de la doctrine administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ;

8. Considérant que la SCI Sofral se prévaut des énonciations de la documentation administrative référencée 3 D-1524 n° 13 du 2 novembre 1996, relative aux bailleurs d'immeubles, d'où il ressort que l'administration fiscale admet que l'imposition de la livraison à soi-même ne soit pas exigée au titre des locaux réservés à l'usage du constructeur, sauf dans l'hypothèse où la taxe ayant grevé les divers éléments du prix de revient de l'immeuble dans lequel ils sont situés a déjà fait l'objet de déduction ;

9. Considérant que, comme il a été dit précédemment, la surface habitable du bâtiment après travaux s'élève à 556 m² constituée par un appartement de 331 m² destiné au gérant de la SCI Sofral et de trois gîtes de 74,70 m², 90 m² et 60 m² ; qu'alors même qu'ils ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, les gîtes n'entrent pas dans les prévisions de la doctrine invoquée par la société requérante, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils sont destinés à la location ; qu'en revanche, doit être exclue de la base d'imposition de la livraison à soi-même la partie de l'immeuble destinée à l'habitation du gérant, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la SCI Sofral a accepté la remise en cause par l'administration de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les travaux de réfection et d'aménagement de cette partie habitable ;

10. Considérant qu'il suit de ce qui précède que la SCI Sofral est seulement fondée à soutenir que la partie habitable de l'immeuble en cause ne peut être imposée, à concurrence d'une surface de 331 m², à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la livraison à soi-même ;

En ce qui concerne la détermination de la base d'imposition :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " (...) / 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : / a. Pour les livraisons à soi-même, sur le prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport ; (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le prix de revient de la livraison à soi-même de l'immeuble dont il s'agit a été fixé à 2 180 196 euros, correspondant au prix du terrain, aux frais d'acquisition de l'immeuble, aux travaux immobiliers et aux intérêts d'emprunt ; que comme il a été dit précédemment, la surface totale du bâtiment s'élève à 1 352 m² et la surface destinée à l'habitation du gérant de la SCI Sofral s'élève à 331 m² ; que le prix de revient de la livraison à soi-même de la fraction de l'immeuble correspondant à la partie du bâtiment qui est destiné à être utilisée pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée doit en conséquence être évalué à 1 646 435 euros ; que, par suite, la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée en litige doit être réduite d'un montant de 533 761 euros ; que, dès lors, la société appelante est fondée à demander la réduction, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2005 correspondant à la réduction en base ci-dessus définie ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La base de la taxe sur la valeur ajoutée pour livraison à soi-même à laquelle la SCI Sofral a été assujettie au titre de l'année 2005 est réduite d'un montant de 533 761 euros. La SCI Sofral est déchargée des droits et pénalités correspondant à la base d'imposition ainsi définie.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SCI Sofral au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Sofral et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 octobre 2016.

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N° 16MA01344

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01344
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : AXTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-18;16ma01344 ?
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