Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Prodex a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juillet 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé pour incompétence la décision de l'inspecteur du travail de la Loire du 30 janvier 2012 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier M. A..., et, d'autre part, refusé, à son tour, d'autoriser le licenciement.
Par un jugement n° 1203315 du 20 février 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, la société Prodex, représentée par la SELARL Sophia Legal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 février 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail ;
3°) d'annuler la décision du 27 juillet 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ;
- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que celui-ci a estimé que le non respect par l'employeur des délais prévus par l'article R. 2421-14 du code du travail entraînait l'irrégularité de la procédure de licenciement ;
- la décision du ministre est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que celui-ci a estimé que l'inspecteur du travail de la Loire était territorialement incompétent pour examiner la demande ;
- le dépassement du délai de l'article R. 2421-14 du code du travail n'a pas constitué, en l'espèce, une irrégularité substantielle ;
- la substitution de motif, invoquée à titre subsidiaire par le ministre, ne peut être accueillie dans la mesure où la mise à pied de M. A... n'ayant pas le caractère d'une sanction disciplinaire, son licenciement ne saurait être regardé comme une nouvelle sanction prise à raison des mêmes faits ;
- M. A... a commis une faute grave de nature à justifier son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la décision du ministre s'est substituée à celle de l'inspecteur du travail et les conclusions de la requête dirigées contre cette dernière décision sont irrecevables ;
- à titre principal, les moyen soulevés contre la décision du ministre ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, si la Cour devait faire droit à l'argumentation de la requérante, la décision contestée devrait être maintenue pour un nouveau motif tiré de ce que la mise à pied de M. A... ayant le caractère d'une sanction disciplinaire et non pas celui d'une mesure conservatoire, le licenciement doit être regardé comme une nouvelle sanction prise à raison des mêmes faits.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de ce que :
- les conclusions présentées pour la première fois en appel par la société Prodex, tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail, sont irrecevables ;
- la société Prodex est sans intérêt à demander l'annulation de l'article 2 de la décision du 27 juillet 2012 du ministre chargé du travail qui annule la décision de l'inspecteur du travail qui refuse l'autorisation de licenciement de M. A... et lui donne ainsi satisfaction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-547 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.
1. Considérant que, par une décision du 30 janvier 2012, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l'emploi d'Auvergne , saisi d'une demande présentée par la société Prodex, a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M. A..., qui exerçait les fonctions d'opérateur peintre sur le site de Saint-Martin-la-Plaine (Loire) et détenait un mandat de délégué du personnel ; que la société a saisi le 5 mars 2012 le ministre chargé du travail d'un recours hiérarchique contre cette décision ; que, par l'article 2 de sa décision du 27 juillet 2012, le ministre a annulé la décision du 30 janvier 2012 au motif que l'inspecteur du travail de la Loire n'était pas compétent territorialement pour examiner la demande et a refusé, à son tour, par l'article 3 de la même décision, d'autoriser le licenciement de M. A... ; que, la société a alors saisi le tribunal administratif de Nice pour demander l'annulation de cette décision du ministre du travail ; que, par jugement du 20 février 2015, le tribunal, après avoir accueilli une demande de substitution de motif formulée à titre subsidiaire par l'administration, a rejeté la demande de la société Prodex ; que celle-ci relève appel de ce jugement et demande outre l'annulation de la décision du ministre, celle de la décision de l'inspecteur du travail du 30 janvier 2012 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail :
2. Considérant que dans sa demande introduite devant le Tribunal administratif de Nice, la société Prodex se bornait à demander l'annulation de la décision du 27 juillet 2012 du ministre chargé du travail et ne présentait aucune conclusion contre la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a statué que sur cette demande d'annulation ; que, par suite, les conclusions présentées pour la première fois en appel par la société Prodex, tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que le tribunal administratif a rejeté la demande de la société Prodex, après avoir accueilli la demande de substitution de motifs présentée à titre subsidiaire par le ministre qui faisait valoir que le licenciement de M. A... constituait une double sanction pour les mêmes faits au motif invoqué que sa mise à pied présentait un caractère disciplinaire ; que le tribunal a ainsi relevé que le délai de cinq jours qui s'était écoulé entre la mise à pied notifiée à l'intéressé le 14 décembre 2011 et sa convocation à l'entretien préalable le 19 décembre suivant était excessif, circonstance qui lui avait fait perdre son caractère conservatoire ; que si le tribunal n'a pas relevé dans le jugement attaqué qu'un week-end s'intercalait entre la mise à pied intervenue un mercredi et la convocation adressée le lundi suivant, cette circonstance ne constitue pas un défaut de motivation ; que le jugement attaqué, qui mentionne les circonstances de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 27 juillet 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :
4. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ;
5. Considérant, en premier lieu, que le ministre chargé du travail a, par l'article 2 de la décision du 27 juillet 2012, sur demande formulée en ce sens par la société Prodex, annulé la décision du 30 janvier 2012 de l'inspecteur du travail qui refusait l'autorisation de licenciement de M. A..., au motif que l'inspecteur du travail de la Loire n'était pas territorialement compétent pour examiner la demande ; qu'ainsi la société Prodex, indépendamment des moyens qu'elle invoque, est sans intérêt à demander l'annulation de l'article 2 de cette décision, qui lui donne satisfaction ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la société Prodex est en revanche recevable à critiquer l'article 3 de la même décision qui lui refuse l'autorisation sollicitée, au motif qu'elle n'a pas respecté le délai maximum de huit jours prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail entre la mise à pied de l'intéressé et la présentation de la demande d'autorisation de licenciement ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. (...) " ;
8. Considérant que la décision du 27 juillet 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé à la société Prodex l'autorisation de licencier M. A..., après avoir rappelé de manière circonstanciée les conditions de la mise à pied de l'intéressé et de la demande d'autorisation de licenciement, mentionne que le dépassement du délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied prévu par les dispositions précitées de l'article R. 2421-14 est excessif au regard des circonstances de l'espèce et constitue un vice substantiel de procédure ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que s'il est soutenu que le ministre n'a pas " caractérisé les éléments objectifs rendant ce dépassement de nature à vicier la procédure ", la circonstance alléguée ne traduit pas une insuffisance de motivation ; qu'ainsi, le moyen tiré par la société requérante d'une telle insuffisante doit être écarté ;
9. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 2421-14 du code du travail , le chef d'entreprise a la faculté, en cas de faute grave, de prononcer la mise à pied immédiate d'un salarié protégé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé ; qu'en l'absence de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied ; que, si ce délai de huit jours n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure, il doit cependant être aussi court que possible, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;
10. Considérant qu'il est constant que la société Prodex était dépourvue de comité d'entreprise à la date du 14 décembre 2011 quand elle a prononcé la mise à pied de M. A..., laquelle a été notifiée verbalement à l'intéressé le même jour et confirmée par écrit le 19 décembre 2011 ; que, par suite, le délai de huit jours mentionné par les dispositions précitées courait à compter de la date de la mise à pied ; que la société n'a saisi l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement de M. A... que par un courrier du 9 janvier 2012, soit vingt-six jours après sa mise à pied ; que si la société se prévaut de la fermeture de son site pour congés annuel du vendredi 23 décembre 2011 au soir au mardi 3 janvier 2012 au matin, cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à expliquer la longueur excessive de ce délai, qui a, dès lors, entaché d'irrégularité la procédure ; que c'est, par suite, à bon droit que le ministre chargé du travail a, par l'article 3 de sa décision du 27 juillet 2012, refusé pour ce motif d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Prodex n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 20 février 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Prodex est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Prodex, à M. A... et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2016.
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N° 15MA01668
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