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06/10/2016 | FRANCE | N°15MA00501

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 15MA00501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS SAIT (Société Alpine d'Isolation Thermique) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il inscrit sur cette liste son centre d'exploitation de Château-Arnoux-Saint-Auban pour la période de 1981 à 1996 et son établiss

ement Isolation Haute-Provence (IHP) pour la période de 1976 à 1996.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS SAIT (Société Alpine d'Isolation Thermique) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en tant qu'il inscrit sur cette liste son centre d'exploitation de Château-Arnoux-Saint-Auban pour la période de 1981 à 1996 et son établissement Isolation Haute-Provence (IHP) pour la période de 1976 à 1996.

Par un jugement n° 1304717 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 10 mai 2013 en tant qu'il inscrit l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban pour la période de 1981 à 1996 et 1'établissement IHP pour la période de 1995 à 1996.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 09 février 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS SAIT devant le tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que la part des activités liées à l'amiante au sein des établissements de la SAS SAIT doit être regardée comme significative au sens des dispositions l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour les périodes en cause, les premiers juges ayant commis une erreur de qualification juridique sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2015, la SAS SAIT, représentée par Me B..., CMS Bureau Lefebvre Lyon, conclut au rejet du recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le moyen du recours n'est pas fondé ;

- à titre subsidiaire, le ministre n'a pas procédé à l'information préalable de l'entreprise au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- les obligations de motivation et de respect de la procédure contradictoire, prévues respectivement par les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ont été méconnues ;

- en l'absence de maladie professionnelle déclarée par les salariés des deux établissements concernés, l'arrêté ministériel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, notamment son article 41 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SAS SAIT.

1. Considérant que, par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille, sur demande de la SAS SAIT, a annulé l'arrêté interministériel du 10 mai 2013 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante en tant qu'il inscrit sur cette liste l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban pour la période de 1981 à 1996 et 1'établissement IHP pour la période de 1995 à 1996 ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 : " Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête de l'inspecteur du travail en date du 30 septembre 2011, que l'entreprise IHP, rachetée par la SAS SAIT en 2002, a exercé à compter de 1976 une activité de calorifugeage à l'amiante en qualité de sous-traitante pour le compte de l'usine chimique Arkema de Saint-Auban ; que des produits amiantés ont été trouvés sur le site en 1991 ; que l'établissement Arkema de Saint-Auban est inscrit sur la liste des établissements de calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1962 à 1994 ; que, toutefois, si l'entreprise IHP a poursuivi jusqu'en 2000 une activité de calorifugeage sur ce site, aucun élément versé au débat ne permet d'établir que l'amiante aurait été utilisé au-delà de l'année 1994 ; que, par suite, le ministre chargé du travail et de l'emploi n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 13 mai 2013 en tant qu'il inscrit l'établissement IHP de la SAS SAIT sur la liste en cause pour les années 1995 et 1996 ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort également des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'enquête de l'inspecteur du travail en date du 26 avril 2011, que l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban de la SAS SAIT a aussi exercé à compter de 1981 une activité de calorifugeage en qualité de sous-traitant pour le compte de l'usine chimique Arkema de Saint-Auban ; qu'en admettant même que l'usine Arkema n'aurait pas été, contrairement à ce que relève le rapport d'enquête en reprenant les déclarations des salariés, quasiment l'unique client de l'établissement, la SAS SAIT a en tout état de cause reconnu dans un courrier rédigé dans le cadre de l'enquête que c'était un client important ; que les salariés manipulaient l'amiante sous forme de calorifugeages, de tresses, de ballots ou bourre d'amiante, de plaques isolantes, de joints et parfois de " matelas " ; que, comme il a déjà été dit, le rapport de l'inspecteur du travail mentionne que des produits amiantés ont été trouvés sur le site en 1991 et l'établissement Arkema de Saint-Auban est inscrit sur la liste des établissements de calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1962 à 1994 ; que la seule circonstance que les témoignages des salariés ne soient pas joints au rapport d'enquête de l'inspecteur du travail n'est pas de nature à retirer toute valeur probante à ce rapport ; que l'attestation sur l'honneur en date du 27 février 2013 du directeur puis président de la SAS SAIT de 1980 à 2012, indiquant que la société n'a jamais utilisé l'amiante dans son activité d'isolation thermique industrielle, notamment de calorifugeage de tuyauteries, de colonnes et de cuves, plusieurs marchés ayant même dû être refusés pour ce motif, est insuffisante à elle seule pour établir que les salariés de l'entreprise n'utilisaient pas l'amiante sur le site de l'usine Arkema ; que dès lors que l'isolation thermique est l'activité principale de la SAS SAIT et que l'usine Arkema est un client important de l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban, l'activité de calorifugeage à l'amiante de cet établissement doit être regardée comme présentant un caractère significatif, au sens des dispositions du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pendant la période de 1981 à 1994 ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'amiante aurait été utilisé au-delà de l'année 1994 ; que, dans ces conditions, le ministre chargé du travail et de l'emploi est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le caractère significatif de l'activité de calorifugeage à l'amiante de l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban pour la période de 1981 à 1994 n'était pas démontré ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS SAIT tant en première instance qu'en appel pour ce qui concerne l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du V. bis de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 : " L'inscription des établissements (...) visés au I sur la liste donnant droit aux salariés à bénéficier d'une cessation anticipée d'activité et de l'allocation correspondante ou la modification d'une telle inscription ne peut intervenir qu'après information de l'employeur concerné (...) " ;

7. Considérant que par courrier du 28 janvier 2013 accompagné d'un projet d'arrêté, le ministre a informé le directeur de la SAS SAIT de la procédure engagée en vue de l'inscription de l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban sur la liste des établissements de calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, en indiquant que des observations pouvaient être présentées dans le délai d'un mois ; qu'ainsi et alors même que ni le rapport d'enquête, ni aucun autre élément de fait justifiant l'inscription n'étaient joints à ce courrier, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du V. bis de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ne peut être accueilli ;

8. Considérant, d'autre part, que l'arrêté interministériel procédant à l'inscription d'un établissement sur la liste des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 n'a pas le caractère d'un acte individuel ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation, en violation des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable, et du défaut de procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur, doivent être écartés comme inopérants ;

9. Considérant, enfin, que l'absence de maladie professionnelle déclarée en lien avec l'exposition à l'amiante dans l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban, à la supposer établie, n'a aucune influence sur la légalité de l'inscription sur la liste en cause pour la période de 1981 à 1994, la loi n'ayant entendu permettre une telle inscription, susceptible d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité à l'intégralité des salariés de l'établissement concerné, qu'à raison du caractère significatif de la part de l'activité consacrée aux opérations de calorifugeage et de flocage à l'amiante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 13 mai 2013 en tant qu'il inscrit l''établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban de la SAS SAIT sur la liste des établissements de calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1981 à 1994 ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la SAS SAIT et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 décembre 2014 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 13 mai 2013 en tant qu'il inscrit l'établissement de Château-Arnoux-Saint-Auban de la SAS SAIT sur la liste des établissements de calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1981 à 1994.

Article 2 : La demande de première instance de la SAS SAIT est, dans cette mesure, rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la SAS SAIT présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la SAS SAIT (Société Alpine d'Isolation Thermique).

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2016.

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N° 15MA00501

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00501
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 Travail et emploi. Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-06;15ma00501 ?
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