La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2016 | FRANCE | N°15MA04170

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2016, 15MA04170


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 octobre 2015 et le 18 mai 2016, la société Probize, la société Exploitbize, la société Immobize, la société Immoginest 2, la société Immoginest 3, la société Immoginest 5, la société Immoginest 6, la société Immoginest 8 et la société Immoginest 9, représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2709T-2710T-2717T-2718T-2719T du 29 juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de leur déli

vrer l'autorisation préalable requise en vue de procéder, à Ginestas (Aude), d'une part à l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 octobre 2015 et le 18 mai 2016, la société Probize, la société Exploitbize, la société Immobize, la société Immoginest 2, la société Immoginest 3, la société Immoginest 5, la société Immoginest 6, la société Immoginest 8 et la société Immoginest 9, représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2709T-2710T-2717T-2718T-2719T du 29 juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de leur délivrer l'autorisation préalable requise en vue de procéder, à Ginestas (Aude), d'une part à la réalisation d'un ensemble commercial de 11 098 m2 par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Hyper U " d'une surface de vente de 3 511 m² et de sa galerie marchande composée de quatre cellules de 357 m² de surface de vente totale, de deux moyennes surfaces relevant du domaine du bricolage et de l'équipement de la maison de surfaces de vente respectives de 1 980 m² et 1 950 m², de huit boutiques pour une surface de vente totale de 2 900 m² et d'un centre auto de 400 m², d'autre part à la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, de 301 m² d'emprise au sol et comportant quatre pistes de ravitaillement.

2°) d'enjoindre au président de la Commission nationale d'aménagement commercial d'accomplir les formalités prévues par l'article R. 752-39 du code de commerce dans le cas où la décision serait annulée à raison de l'irrecevabilité des recours préalables, ou d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans le cas où la décision serait annulée pour un autre motif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge des sociétés Defari, Katev, Ludi et Rysba une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge des sociétés Prima, Selmur, Lezidis et Ninnath une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les recours administratifs préalables devant la Commission nationale d'aménagement commercial enregistrés sous les n° 2709T, 2710T et 2719T étaient irrecevables ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce, dès lors que seulement dix des douze membres titulaires de la commission ont été convoqués, et qu'aucun membre suppléant n'a été convoqué ;

- la décision méconnaît l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet était compatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- le projet n'est pas de nature à compromettre l'objectif d'aménagement du territoire, dès lors que la création du parc d'activité au sein duquel il s'implantera permettra de dynamiser cette partie du territoire et d'éviter l'évasion commerciale vers d'autres ensembles commerciaux plus distants, que la création d'un arrêt de bus au sein de la zone commerciale est prévue, et que la desserte routière sera assurée par un giratoire dont les modalités de réalisation et de financement ont fait l'objet d'un accord par les parties intéressées ;

- le projet n'est pas de nature à compromettre l'objectif de développement durable, dès lors qu'il bénéficiera d'une parfaite insertion paysagère.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2016, la société Ninnath et la société Lézidis, représentées par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 3 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés ;

- le projet aurait des effets négatifs au regard de l'objectif de protection du consommateur.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2016, la SAS Defari, la SA Katev, la SAS Ludi et la SAS Rysba, représentées par MeF..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacune des requérantes la somme de 2 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2016, la SAS Distribution Casino France, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés ;

- le projet aurait des effets négatifs au regard de l'objectif de protection du consommateur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Probize, la société Exploitbize, la société Immobize, la société Immoginest 2, la société Immoginest 3, la société Immoginest 5, la société Immoginest 6, la société Immoginest 8 et la société Immoginest 9, de Me F...pour la SAS Defari, la SA Katev, la SAS Ludi et la SAS Rysba, et de MeB..., substituant MeC..., pour la SAS Distribution Casino France.

1. Considérant que par une décision du 25 février 2015, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Aude a autorisé les sociétés Probize, Exploitbize, Immobize, Immoginest 2, Immoginest 3, Immoginest 5, Immoginest 6, Immoginest 8 et Immoginest 9 à procéder à Ginestas (Aude), d'une part à la réalisation d'un ensemble commercial de 11 098 m2 par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Hyper U " d'une surface de vente de 3 511 m² et de sa galerie marchande composée de quatre cellules de 357 m² de surface de vente totale, de deux moyennes surfaces relevant du domaine du bricolage et de l'équipement de la maison de surfaces de vente respectives de 1 980 m² et 1 950 m², de huit boutiques pour une surface de vente totale de 2 900 m² et d'un centre auto de 400 m², d'autre part à la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, de 301 m² d'emprise au sol et comportant quatre pistes de ravitaillement ; que, par une décision du 29 juillet 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis les recours présentés, en premier lieu, par la SAS Defari, la SAS Katev, la SAS Ludi et la SAS Rysba sous le n° 2709T, en deuxième lieu, par la SAS Distribution Casino France sous le n° 2710T et, enfin, par la société Lézidis et la SARL Ninnath sous le n° 2719T, et refusé d'autoriser ce projet ; que les sociétés Probize, Exploitbize, Immobize, Immoginest 2, Immoginest 3, Immoginest 5, Immoginest 6, Immoginest 8 et Immoginest 9 demandent l'annulation de cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

Sur la recevabilité des recours administratifs préalables devant la commission nationale :

2. Considérant, en premier lieu, que le recours n° 2709T a été notamment présenté par les sociétés Defari, et Katev, dont l'intérêt pour agir doit être reconnu dès lors qu'elles exploitent respectivement un magasin à l'enseigne " Bricomarché " et un magasin à l'enseigne " Intermarché " à l'intérieur de la zone de chalandise du projet et que ce dernier serait susceptible de concurrencer leur activité ; que, par suite, les sociétés requérantes ne peuvent utilement soutenir que, du fait que les sociétés Ludi et Rysba ne justifiaient pas de leur intérêt pour agir, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit en jugeant recevable le recours n° 2709T ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article R. 752-32 du code de commerce n'imposaient pas aux sociétés Defari, Katev, Ludi et Rysba de communiquer aux sociétés requérantes non seulement leur recours mais encore les pièces qui y sont annexées ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que font valoir les sociétés requérantes, la SAS Distribution Casino France, qui exploite à Sallèles d'Aude, et donc dans la zone de chalandise du projet, un supermarché à l'enseigne Casino, disposait, eu égard à la nature des activités exercées dans ce magasin, d'un intérêt pour agir devant la Commission nationale d'aménagement commercial ; que, par ailleurs, à supposer même que le recours n° 2710T que la SAS Distribution Casino a présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial n'ait pas été signé par une personne habilitée à la représenter, une telle circonstance ne peut constituer une cause d'irrecevabilité susceptible d'être opposée à la SAS Distribution Casino France dans le cadre de la présente procédure contentieuse, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale aurait adressé à cette société une invitation à régulariser son recours qui n'aurait pas été suivie d'effet ;

4. Considérant, en troisième lieu, que doit être écarté le moyen tiré de ce que la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit en jugeant recevable le recours n° 2719 T alors pourtant que la société Lezidis ne démontrait pas son intérêt pour agir, dès lors que ce recours a été également présenté par la société Ninnath, qui exploite un magasin à l'enseigne " Proxi " situé dans la zone de chalandise du projet et dont l'intérêt pour agir n'est au demeurant pas discuté ; que la communication de leur recours par les sociétés Lezidis et Ninnath aux neuf sociétés pétitionnaires par une lettre recommandée adressée à leur représentant commun répond aux exigences des dispositions de l'article R. 752-32 du code de commerce, lesquelles n'imposent par ailleurs pas, ainsi qu'il a été dit au point 2, que soient jointes les pièces annexées au recours ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que les moyens tirés de l'irrecevabilité des recours préalables n° 2709T, 2710T et 2719T doivent être écartés ;

Sur la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 751-6 du code de commerce : " La Commission nationale d'aménagement commercial se compose de : / 1° Un membre du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ; / 2° Un membre de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ; / 3° Un membre de l'inspection générale des finances désigné par le chef de ce service ; / 4° Un membre du corps des inspecteurs généraux de l'administration du développement durable désigné par le vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable ; / 5° Quatre personnalités désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'urbanisme, de développement durable, d'aménagement du territoire ou d'emploi à raison d'une par le président de l'Assemblée nationale, une par le président du Sénat, une par le ministre chargé du commerce et une par le ministre chargé de l'urbanisme ; / 6° Quatre représentants des élus locaux : un représentant les communes, un représentant les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, un représentant les départements, un représentant les régions (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 751-6 du même code : " Les quatre membres mentionnés au 6° de l'article L. 751-6 sont nommés sur propositions respectives des présidents de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des communautés de France, de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des régions de France. Leur mandat prend fin dès que cesse leur mandat d'élu. / Chaque autorité de nomination désigne, en même temps que le membre titulaire, un membre suppléant (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 751-9 de ce code : " En cas d'absence ou d'empêchement d'un membre titulaire, le membre suppléant est appelé à le remplacer. / (...) En cas de démission ou de décès d'un membre titulaire de la commission, un nouveau membre titulaire et un nouveau membre suppléant sont nommés pour la durée du mandat restant à courir (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 752-35 du même code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 752-37 de ce code : " La commission nationale ne peut délibérer que si au moins six de ses membres sont présents (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle ses membres ont été convoqués, la commission nationale ne comportait que dix membres, en raison de la démission de M. Gaeremynck, conseiller d'Etat, présentée le 31 mars 2015, et de la fin du mandat du M. E..., vice-président du conseil départemental de Lot-et-Garonne, à l'issue des élections départementales de mars 2015 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la commission nationale n'a convoqué que dix des douze membres qui la composent ne peut être accueilli ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que les membres suppléants de la commission nationale devraient être convoqués par le président de la commission nationale ; qu'en tout état de cause, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les convocations adressées aux membres titulaires invitaient ces derniers à avertir leurs suppléants en cas d'indisponibilité, que deux membres suppléants ont d'ailleurs siégé au cours de la séance du 29 juillet 2015, et que le quorum était atteint, le défaut de convocation des membres suppléants n'est pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision attaquée, et n'a effectivement privé les requérantes d'aucune garantie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 752-35 auraient été méconnues doit être écarté ;

Sur l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement commercial :

8. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi susvisée du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi " ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale (...) est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche (...) 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) " ;

9. Considérant que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 précité du code de commerce ;

10. Considérant, en premier lieu, que la commission nationale a notamment relevé que le projet, situé en dehors de tout tissu urbain, absorbera une superficie importante et renforcera le mitage du paysage agricole dans un secteur caractérisé par la présence du vignoble du Minervois, tout en entraînant l'imperméabilisation d'une superficie importante de terres agricoles ; que les circonstances que le projet aura pour effet de dynamiser le territoire concerné et que les espaces seraient utilisés de façon rationnelle sont insuffisantes pour conduire à estimer que le projet, qui s'implantera au sein d'une région viticole, sur une surface supérieure à 103 000 m², ne porterait pas atteinte aux objectifs légaux tenant, d'une part, à la localisation du projet et à son intégration urbaine, et d'autre part, à la consommation économe de l'espace ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission nationale a notamment relevé que le projet, situé à plus de 3 kilomètres du centre-ville de Ginestas, risque de déstabiliser l'animation des villages ruraux environnants, en entraînant la délocalisation des petits commerces et services de ces centre-bourgs vers la galerie marchande projetée ; qu'en admettant même que la réalisation du projet permette d'éviter l'évasion vers les pôles commerciaux de Lézignan-Corbières, Narbonne et Béziers, ces éléments ne sont pas davantage suffisants pour amener à considérer que, contrairement à ce qu'ont estimé le ministre chargé du commerce et le ministre chargé de l'urbanisme, la création projetée d'un centre commercial de 11 098 m², comportant notamment une galerie marchande et deux moyennes surfaces spécialisées dans le bricolage et l'équipement de la maison, ne porterait pas atteinte par son importance et ses caractéristiques à l'animation des villages ruraux de Ginestas, Bize Minervois et Sainte-Valière, qui comptent moins de 3 000 habitants ; que, par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial, qui au demeurant n'a pas fondé son refus sur l'impact du projet sur les commerces concurrents, a pu légalement considérer que le projet, eu égard à son ampleur et à la situation excentrée du site d'implantation, aurait des effets négatifs sur l'animation de la vie locale ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le site d'implantation n'est pas desservi par les transports en commun et qu'il ne dispose d'aucun aménagement spécifique aux modes de déplacements doux et, d'autre part, qu'à la date à laquelle la commission nationale s'est prononcée, la création d'un giratoire sur la route départementale 607, dont le caractère indispensable n'est pas contesté, n'apparaissait pas certaine à l'ouverture de l'ensemble commercial projeté, en l'absence d'approbation par le département de l'Aude de la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage devant permettre à la commune de Ginestas de réaliser les travaux routiers en cause ; que, dès lors, la commission nationale, qui n'a pas exclusivement fondé son refus sur l'absence de desserte du site par les transports en commun, a pu légalement estimer que le projet aurait des effets négatifs sur les flux de transports et porterait atteinte à l'objectif légal tenant à son accessibilité par les transports collectifs ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'à supposer même que la Commission nationale d'aménagement commercial ait fondé à tort sa décision sur le caractère non satisfaisant de l'insertion paysagère du projet dans son environnement et sur la circonstance qu'il ne serait pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale de la Narbonnaise, il résulte de l'instruction que la commission nationale aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls motifs analysés aux points 10 à 12, qui justifiaient légalement le refus de l'autorisation sollicitée ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Probize, Exploitbize, Immobize, Immoginest 2, Immoginest 3, Immoginest 5, Immoginest 6, Immoginest 8 et Immoginest 9 ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérantes, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction de la requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, la SAS Defari, la SAS Katev, la SAS Ludi, la SAS Rysba, la SAS Distribution Casino France, la société Lézidis, la SARL Ninnath, la société Prima et la société Selmur, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés sur leur fondement ; qu'il y a lieu, cependant, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Probize et autres la somme globale de 1 000 euros à verser aux sociétés Ninnath et Lézidis, la somme globale de 1 000 euros à verser aux sociétés Defari, Katev, Ludi et Rysba, et la somme globale de 1 000 euros à verser à la SAS Distribution Casino France ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Probize et autres est rejetée.

Article 2 : La société Probize et autres verseront, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 1 000 euros aux sociétés Ninnath et Lézidis, une somme globale de 1 000 euros aux sociétés Defari, Katev, Ludi et Rysba, et une somme globale de 1 000 euros à la SAS Distribution Casino France.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Probize, à la société Exploitbize, à la société Immobize, à la société Immoginest 2, à la société Immoginest 3, à la société Immoginest 5, à la société Immoginest 6, à la société Immoginest 8, à la société Immoginest 9, à la SAS Defari, à la SAS Katev, à la SAS Ludi, à la SAS Rysba, à la SAS Distribution Casino France, à la société Lézidis, à la SARL Ninnath et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.

''

''

''

''

N° 15MA04170 2

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04170
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-04;15ma04170 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award