Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société JC Decaux France a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme totale de 294 830,19 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 10 avril 2008 sur la somme de 15 982,62 euros et à compter du 30 avril 2008 sur la somme de 278 847,57 euros, intérêts majorés de cinq points à compter du 1er juillet 2008, et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1305342 du 20 mars 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société JC Decaux France.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 1er juin 2015 et le 1er août 2016, la société JC Decaux France, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2015 ;
2°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme totale de 294 830,19 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 10 avril 2008 sur la somme de 15 982,62 euros et à compter du 30 avril 2008 sur la somme de 278 847,57 euros, intérêts majorés de cinq points à compter du 1er juillet 2008, et de la capitalisation des intérêts.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont irrégulièrement relevé d'office l'irrecevabilité de sa demande, sans préalablement soumettre ce moyen en défense au contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le caractère exécutoire des décisions prononcées par le juge administratif, consacré par les dispositions des articles L. 11 et R. 751-1 du code de justice administrative, ne fait pas obstacle à la recevabilité du recours indemnitaire formé par leur bénéficiaire à l'encontre de l'administration défaillante à les exécuter, qui engage à ce titre sa responsabilité ;
- l'existence de la procédure de mandatement d'office prévue à l'article L. 911-9 du code de justice administrative n'y fait pas davantage obstacle ;
- elle est fondée, au regard de ses autres moyens développés devant le tribunal administratif, à réclamer au département le paiement des sommes demandées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin et 23 août 2016, le département des Alpes-Maritimes conclut au sursis à statuer.
Il soutient que :
- la société JC Decaux France a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'astreinte pour l'exécution de sa décision du 10 avril 2008 ;
- elle a saisi le tribunal administratif de Nice d'un recours en annulation contre le refus du préfet des Alpes-Maritimes de procéder au mandatement d'office des sommes qu'elle réclame ;
- dans le souci d'une bonne administration de la justice, il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer dans l'attente, au moins, de la décision à venir du Conseil d'Etat.
Par un courrier du 7 septembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de fonder sa décision sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré tant de l'incompétence du tribunal administratif que de la sienne pour connaître du présent litige, au regard des dispositions de l'article R. 931-2 du même code.
La société JC Decaux France a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public par des courriers des 15 et 16 septembre 2016. Elle conclut, en outre, au sursis à statuer.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gautron,
- et les conclusions de M. Thiele, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite de l'annulation définitive du marché de mobilier urbain conclu le 6 octobre 1989 par le département des Alpes-Maritimes avec la société Decaux, aux droits de laquelle vient la société JC Decaux France dans la présente instance, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement n° 9302503 du 28 novembre 1997, condamné le département à payer à la société Decaux la somme de 7 729 000 francs (1 178 278,45 euros), en principal, en réparation de son préjudice consécutif à cette annulation ; que la Cour a, par des arrêts n° 98MA00414 des 22 janvier 2002 et 21 juin 2005, réformé le jugement du 28 novembre 1997 et condamné le département des Alpes-Maritimes à verser à la société Decaux, d'une part, la somme de 866 098,15 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et, d'autre part, la somme de 31 965,25 euros au titre des frais d'expertise ; que par une décision n° 244950 du 10 avril 2008, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts du 22 janvier 2002 et du 21 juin 2005 et condamné le département à verser à la société Decaux, d'une part, la somme de 1 121 672 euros au titre du remboursement des dépenses utiles exposées par elle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 1993 sur la somme de 1 113 956 euros capitalisés au 24 mai 1995 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1993 sur la somme de 293,50 euros capitalisés au 24 mai 1995 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 1995 sur la somme de 7 422,50 euros capitalisés au 2 septembre 1996 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, d'autre part, la moitié de la somme de 31 965,25 euros au titre des frais d'expertise ; qu'en exécution de cet arrêt, le département des Alpes-Maritimes a versé à la société Decaux, le 5 février 2009, la somme de 515 659,48 euros ; que la société JC Decaux France a formé auprès de lui, le 26 mai 2009, une demande préalable, notifiée le 2 juin 2009, en vue du versement, au même titre, d'une somme supplémentaire de 294 830,19 euros, devant être assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; que cette demande a été implicitement rejetée par le département ; que la société JC Decaux France relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2015, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation du département à lui verser la même somme, assortie des intérêts capitalisés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens soulevés par la société JC Decaux France ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 931-2 du code de justice administrative : " Les parties intéressées peuvent signaler à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat les difficultés qu'elles rencontrent pour obtenir l'exécution d'une décision rendue par le Conseil d'Etat ou par une juridiction administrative spéciale. (...) En cas de rejet d'une réclamation adressée à l'autorité administrative et tendant à obtenir l'exécution d'une décision d'une juridiction administrative, seule une décision expresse fait courir les délais de recours contentieux. " ;
3. Considérant qu'il est constant que le présent litige porte sur une difficulté d'exécution de la décision précitée du Conseil d'Etat du 10 avril 2008, laquelle a réglé l'affaire au fond après cassation, en présence d'un désaccord entre les parties quant au montant des sommes dues par le département, en vertu de cette décision, compte tenu des paiements déjà effectués ; que la société JC Decaux France n'y invoque pas de préjudice résultant de l'absence d'exécution de cette décision, distinct de celui consistant dans le défaut de paiement par le département des sommes qu'elle estime lui rester dues en exécution de la décision du 10 avril 2008 ; que ce litige relevait ainsi, en application des dispositions précitées, de la seule compétence du Conseil d'Etat ; que par suite, en s'estimant compétent pour y statuer, le tribunal administratif de Nice a entaché son jugement d'irrégularité ; que par suite, la société JC Decaux France est fondée à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société JC Decaux France devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur la demande présentée par la société JC Decaux devant le tribunal administratif :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par la société JC Decaux France ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La présente affaire est transmise au Conseil d'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société JC Decaux France et au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016 où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 3 octobre 2016.
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N° 15MA02211