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27/09/2016 | FRANCE | N°15MA01891

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15MA01891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté en date du 6 janvier 2014 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1400878 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire enregistrés respectivement les 7 mai 2015, 8 septembre 2015 et 28 janvier 2016, M. D..., représenté par Me C...B..., demande à la

Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 avril 2015 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté en date du 6 janvier 2014 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1400878 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire enregistrés respectivement les 7 mai 2015, 8 septembre 2015 et 28 janvier 2016, M. D..., représenté par Me C...B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 6 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le même service de l'inspection générale de la police nationale a effectué l'enquête administrative et l'enquête judiciaire au mépris du principe de la séparation des deux types d'enquêtes ;

- l'administration ne l'a pas mis à même de consulter son dossier en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- l'avis émis par le conseil de discipline est irrégulier dès lors que le quorum n'était pas atteint ;

- alors qu'il est présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'à ce que le juge pénal se prononce, ces faits ne peuvent fonder la sanction en litige ;

- les faits qui lui ont été reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction est disproportionnée aux faits reprochés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. D....

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant M.D....

1. Considérant que M. D... interjette appel du jugement en date du 17 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 janvier 2014 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation ;

2. Considérant que M. D..., alors brigadier-chef affecté à la brigade anti-criminalité Nord de la circonscription de sûreté publique de Marseille à la date des faits qui lui sont reprochés, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 5 octobre 2012 du chef de vol en bande organisée, extorsion en bande organisée, acquisition non autorisée, détention non autorisée et transport non autorisé de stupéfiants ; qu'il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire par ordonnance du 18 décembre 2012 avec interdiction d'exercer ses fonctions de fonctionnaire de police dans le seul département des Bouches-du-Rhône ; qu'à la suite de l'avis émis par le conseil de discipline le 18 décembre 2013, M. D... a été révoqué de ses fonctions par arrêté du ministre de l'intérieur du 6 janvier 2014, d'une part, pour avoir omis, à plusieurs reprises, de procéder à l'interpellation de personnes trouvées en possession de produits stupéfiants et les avoir laissées repartir avec lesdits produits sans procéder à la rédaction d'actes de procédure, et avoir procédé de la même manière lors de contrôles de vendeurs de cigarettes à la sauvette et, d'autre part, pour avoir, le 22 juin 2012, laissé partir un individu qui lui avait été signalé comme un vendeur de stupéfiants après avoir récupéré sa sacoche contenant 8 pochons d'herbe de cannabis et 10 à 15 barrettes de résine de cannabis sans rédiger la moindre procédure ni effectuer de compte-rendu hiérarchique et conservé 2 à 3 pochons qui ont été remis à un tiers de sa connaissance et, enfin, pour avoir le 24 juin 2012, conservé pour lui-même 5 ou 6 paquets de cigarettes récupérés lors d'une mission de police ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont, à juste titre, relevé les premiers juges, que l'enquête judiciaire le concernant a été menée dans le cadre de l'information judiciaire ouverte par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Marseille, par des agents de l'inspection générale de la police nationale relevant de la délégation interrégionale d'enquêtes de Marseille tandis que l'enquête administrative a été réalisée par des agents de l'inspection générale de la police nationale relevant de la délégation interrégionale de Lyon ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué qu'un ou plusieurs agents auraient participé aux deux enquêtes et fait preuve de partialité à l'égard du requérant ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les enquêtes judiciaire et administrative ne pouvaient être conduites par le même service de l'inspection générale de la police nationale manque en fait et doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... a été informé, par une lettre en date du 18 octobre 2013 dont il a reçu notification le 22 octobre suivant, qu'il pouvait obtenir la communication intégrale dudit dossier et devait, pour ce faire, prendre un rendez-vous au numéro de téléphone qui lui était indiqué ; que M. D... a ainsi été mis en mesure de prendre connaissance de son dossier ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 41 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. / En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents. / Lorsque les commissions administratives paritaires sont réunies en formation conjointe conformément au deuxième alinéa de l'article 7 du présent décret, le quorum s'apprécie sur la formation conjointe et non sur chaque commission la composant " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission administrative paritaire interdépartementale compétente à l'égard du corps d'encadrement et d'application de la police nationale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est réunie une première fois le 14 novembre 2013 ; que, toutefois, en l'absence des représentants du personnel, le quorum fixé, par l'article précité, à trois quarts au moins des membres n'a pas été atteint, la séance ayant dû, de ce fait, être reportée ; qu'il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline qui s'est tenue le 18 décembre 2013 que cinq membres sur les dix que comprend la commission étaient présents lors de cette seconde réunion ; qu'en application des dispositions précitées, ladite commission a siégé valablement dès lors que la moitié de ses membres étaient présents ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'avis de la commission siégeant en conseil de discipline aurait été irrégulier doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, la procédure disciplinaire étant indépendante de la procédure pénale, l'autorité administrative ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence, y compris dans l'hypothèse où c'est à raison des mêmes faits que sont engagées parallèlement les deux procédures, en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué ;

9. Considérant, en cinquième lieu, d'une part, qu'il ressort du rapport d'enquête du 12 septembre 2013 établi par l'inspection générale de la police nationale que M. D... a reconnu, lors de son audition, qu'il lui arrivait de laisser repartir, avec leurs produits, des personnes trouvées en possession de stupéfiants ou de cigarettes de contrebande sans rédiger le moindre acte de procédure ; que, d'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, le 22 juin 2012, M. D..., après avoir contrôlé un individu signalé comme vendeur de stupéfiants, l'a laissé libre au prétexte, selon ses dires non établis par le dossier et, notamment, par les déclarations du capitaine Verrechia, qu'il aurait reçu instruction de ne plus " faire de stups " ; qu'il a, par ailleurs, récupéré la sacoche dudit vendeur contenant 7 ou 8 pochons d'herbe de cannabis ainsi que 10 à 15 barrettes de résine de cannabis et a admis avoir pris, dans celle-ci, 2 ou 3 pochons ; que M. D... a également reconnu avoir remis lesdits pochons à son voisin qui serait, selon ses dires, susceptible de constituer un informateur ; qu'il ressort cependant de l'enquête effectuée par l'inspection générale de la police nationale que M. D... a, à 6 ou 7 reprises depuis 2010, remis à ce dernier de la drogue sans l'avoir jamais sollicité pour donner de quelconques informations ; qu'enfin, il ressort également des pièces du dossier que M. D... a reconnu avoir, à la suite d'un contrôle effectué le 24 juin 2012, conservé pour lui-même 5 à 6 paquets de cigarettes ; qu'il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à M. D... est établie ;

10. Considérant que l'ensemble de ces faits sont fautifs et de nature à justifier que soit prise à l'égard de M. D... une sanction disciplinaire ;

11. Considérant qu'eu égard aux motifs susmentionnés de la sanction attaquée, au grade du requérant, brigadier-chef chargé de missions d'encadrement, aux explications peu convaincantes fournies par celui-ci sur ses agissements ainsi qu'à la circonstance qu'il avait déjà, par décision du 6 septembre 2006, été sanctionné d'un blâme pour avoir interpellé un individu sans motif, le ministre de l'intérieur n'a pas, en dépit des bonnes évaluations de l'intéressé au titre des années 2010 à 2012, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 6 janvier 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2016.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01891
Date de la décision : 27/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : REYNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-09-27;15ma01891 ?
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