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12/07/2016 | FRANCE | N°15MA03656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15MA03656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a saisi le tribunal administratif de Nice d'un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 14 février 2012 à l'encontre de la SCI Galaxy a raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Par un jugement n° 1305017 du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a constaté que l'action publique était prescrite, a condamné la SCI Galaxy à procéder à la dém

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a saisi le tribunal administratif de Nice d'un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 14 février 2012 à l'encontre de la SCI Galaxy a raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Par un jugement n° 1305017 du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a constaté que l'action publique était prescrite, a condamné la SCI Galaxy à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal du 14 février 2012, à la remise dans son état naturel du domaine public maritime et à l'évacuation des gravats hors du domaine public maritime vers un centre de traitement agréé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et a autorisé l'administration, le cas échéant, à procéder d'office aux travaux aux frais et risques de la contrevenante.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2015, la SCI Galaxy, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nice du 16 juillet 2015 ;

2°) de les relaxer des fins de la poursuite ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de faire procéder à la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété et de la décharger de toute obligation de démolition des ouvrages en cause dans l'attente de cette délimitation et, pour le débarcadère, dans l'attente des instructions de l'administration sur les conditions techniques à mettre en oeuvre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait procéder lui-même à la délimitation du domaine public maritime au seul vu des pièces du dossier sans ordonner une expertise ou se rendre sur place ;

- c'est le même juge qui a rejeté sa demande de référé et qui l'a condamnée pour contravention de grande voirie ;

- le tribunal s'est trompé sur le point de départ du délai de prescription ;

- le délai prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative n'a pas été respecté ;

- la matérialité des faits n'est pas établie en l'absence de délimitation administrative du domaine public maritime au droit de sa propriété ;

- l'action domaniale doit être écartée dès lors qu'elle repose sur une contravention prescrite ;

- elle n'a pas construit les installations litigieuses ;

- la terrasse et le cheminement incriminés ne sont pas atteints par les plus hautes eaux ;

- ces ouvrages ont été supprimés ;

- l'administration ne l'a pas mise en mesure de démonter l'embarcadère ;

- l'administration tolère la présence à proximité d'autres ouvrages implantés dans la mer plus importants que l'embarcadère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2016, la SCI Galaxy a précisé à la cour qu'elle n'entendait pas faire appel de l'article 1er du jugement du 16 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2004-309 du 29 mars 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour la SCI Galaxy.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI La Carrière a acquis le 27 janvier 2006 la villa " La Carrière " située à Saint-Jean-Cap-Ferrat, en bordure de mer ; que le précédent propriétaire bénéficiait d'une autorisation d'occuper le domaine public maritime pour l'implantation d'une piscine et d'un ouvrage d'accès à la mer ; que cette autorisation étant parvenue à expiration du fait du changement de propriétaire, l'administration a avisé la SCI La Carrière, par un courrier du 20 juin 2006, qu'elle devait obtenir à son tour une autorisation si elle entendait se maintenir sur le domaine public maritime ; que l'autorisation sollicitée a cependant été refusée ; que la SCI La Carrière a entrepris des travaux afin de déplacer la piscine sur sa propriété ; que ces travaux n'ont pas abouti toutefois à une libération de l'emprise antérieurement occupée dans la mesure où l'embarcadère n'a pas été détruit et l'ancienne piscine a été remplacée par une terrasse recouverte d'un plancher en bois ; que, par un courrier du 23 février 2011, le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a alors mis en demeure la SCI La Carrière de libérer le domaine public maritime en procédant à la démolition des ouvrages dans un délai de trois mois, sous peine de poursuites pour contravention de grande voirie ; que la société a revendu la villa à la SCI Galaxy le 5 juillet 2011 sans avoir déféré à la mise en demeure ; que, le 14 février 2012, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de la SCI Galaxy à raison de l'occupation, sans droit ni titre, du domaine public maritime résultant de la présence d'un plancher en bois, d'un cheminement et d'un embarcadère, pour une surface totale d'occupation d'environ 106 m² ; que, par un jugement du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice, après avoir constaté que l'action publique était prescrite, a condamné la SCI Galaxy à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal du 14 février 2012, à remettre dans son état naturel le domaine public maritime et à évacuer les gravats vers un centre de traitement agréé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; que la SCI Galaxy fait appel des articles 2 et 3 de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ; que, contrairement à ce que soutient la SCI Galaxy, le tribunal a pu, au seul vu des pièces qui lui étaient soumises, déterminer si les terrains sur lesquels sont implantés les ouvrages litigieux appartenaient au domaine public maritime ; qu'il n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'ordonner une expertise ou de procéder à des constatations sur place ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'à la suite du procès-verbal de contravention de grande voirie, la SCI Galaxy a demandé à la direction départementale des territoires et de la mer, par deux courriers en date du 5 décembre 2013 et du 20 janvier 2014, de lui indiquer dans quelle mesure et selon quelles modalités elle devait procéder à la démolition du débarcadère et à l'enlèvement des gravats ; que, devant le silence gardé par l'administration sur sa demande, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice afin qu'il soit ordonné au préfet des Alpes-Maritimes de donner suite à ses courriers ; que sa demande de référé a été rejetée par une ordonnance du 12 mars 2014 au motif que la condition de l'urgence n'était pas remplie ; que, dès lors que le juge des référés n'a pas pris parti sur le fond du litige qui lui était soumis, aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que le même magistrat ayant statué sur la demande de référé, se prononce ultérieurement sur les poursuites pour contravention de grande voirie engagée à l'encontre de la société requérante ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l'éventuelle erreur commise par le premier juge sur le point de départ du délai de prescription est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur la régularité de la procédure :

5. Considérant que, si l'article L. 774-2 du code de justice administrative prévoit que le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal de contravention de grande voirie dans les dix jours qui suivent sa rédaction, l'observation de ce délai n'est pas prescrite à peine de nullité ; que la société requérante ne démontre pas, ni même n'allègue que la notification du procès-verbal le 7 août 2013, soit près de dix huit mois après son établissement, aurait eu pour effet de porter atteinte à ses droits de la défense ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du délai prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative est inopérant ;

Sur le bien-fondé de l'action domaniale :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent... " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende " ;

7. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit au point 3, il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le domaine public maritime situé au droit de la propriété de la société requérante n'aurait pas fait l'objet de la délimitation administrative prévue le décret du 29 mars 2004 relatif à la procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières, est inopérant ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l'action domaniale n'a pas pour fondement l'action publique exercée à l'encontre du contrevenant ; qu'elle est par ailleurs imprescriptible ; que, par suite, la prescription de l'action publique est sans incidence sur l'action domaniale ; que, dès lors, la SCI Galaxy ne peut utilement se prévaloir de la prescription des poursuites pénales engagées à son égard ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet ou l'ouvrage qui a été la cause de la contravention ; que, si la SCI Galaxy fait valoir qu'elle n'a pas construit les ouvrages incriminés, elle ne conteste pas dans ces écritures en avoir la garde ; qu'en tout état de cause, elle ne démontre pas être privée, sur ces ouvrages, du pouvoir de direction nécessaire à leur suppression ; qu'ainsi, l'obligation de procéder à la démolition des ouvrages a pu, à bon droit, être mise à sa charge ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que la terrasse et le cheminement incriminés sont situés à l'emplacement de l'ancienne piscine ayant bénéficié antérieurement d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime ; que ces ouvrages sont implantés en bord de mer au-delà des limites cadastrales de la parcelle supportant la villa " La Carrière " ; que, si la SCI Galaxy fait valoir qu'ils ne sont jamais recouverts par les flots, leur construction, en forme de saillie sur la mer, n'a été rendue possible que grâce à des travaux d'exondation ; que leur terrain d'assiette a ainsi été soustraits artificiellement à l'action du flot ; qu'ainsi, comme l'a jugé le tribunal et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, les ouvrages dont s'agit doivent être regardés comme étant implantés sur le domaine public maritime ; que la SCI Galaxy ne bénéficiait d'aucun droit ni titre pour cette occupation ; que, dès lors, la présence sur le domaine public maritime de la terrasse et du cheminement est constitutive d'une contravention de grande voirie ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que, si le procès-verbal de contravention de grande voirie fait mention d'un plancher en bois de 12 mètres de long et de 5 mètres de larges, il a entendu viser en réalité la terrasse couverte par ce plancher quel que soit son revêtement ; que, par suite, la circonstance que, postérieurement à l'établissement du procès-verbal, le plancher en bois ait été supprimé pour être remplacé par des galets blancs est sans incidence sur l'obligation pour la société requérante de remettre en état les lieux dès lors que la terrasse en elle-même subsiste ; qu'est également sans incidence la circonstance que le cheminement ait été ultérieurement couvert de plantations dès lors que la présence de ces dernières, qui demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés;

12. Considérant, en sixième lieu, que le procès-verbal du 14 février 2012 vise, au sud de la parcelle appartenant à la SCI Galaxy, un embarcadère de 8,50 mètres de long et de 3 mètres de large ; qu'il n'est pas contesté qu'était joint à ce procès-verbal, comme il en fait mention, une planche photographique permettant d'identifier l'embarcadère incriminé ; qu'ainsi, le procès-verbal notifié à la société requérante était suffisamment précis sur l'étendue de l'implantation irrégulière de cet ouvrage ; que la circonstance que l'administration n'ait pas donné suite aux courriers de la SCI Galaxy des 5 décembre 2013 et du 20 janvier 2014 ayant demandé des précisions sur les modalités de la démolition de l'embarcadère et d'évacuation des gravats vers un centre agréé, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur le bien-fondé de l'action domaniale ;

13. Considérant, en septième lieu, que la circonstance que l'administration tolérerait la présence à proximité d'autres ouvrages irrégulièrement implantés sur le domaine public maritime est sans incidence sur le bien-fondé de l'action domaniale exercée à l'encontre de la société requérante ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SCI Galaxy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée démolir les ouvrages visés dans le procès-verbal du 14 février 2012, à remettre dans son état naturel le domaine public maritime et à évacuer les gravats hors de ce domaine, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SCI Galaxy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Galaxy est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Galaxy et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15MA03656

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03656
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Faits constitutifs.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Poursuites.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP AUGEREAU - CHIZAT - MONTMINY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;15ma03656 ?
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