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12/07/2016 | FRANCE | N°15MA00409

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15MA00409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 1300954 du 11 juillet 2014, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 17 juin 2016, M. B

..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 juillet 2014...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 1300954 du 11 juillet 2014, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 17 juin 2016, M. B..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 juillet 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la délivrance, au cours de l'instance en appel, d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ne rend pas sans objet sa demande d'annulation de la décision du préfet lui refusant un titre portant la mention " vie privée et familiale " ;

- le tribunal a estimé à tort que sa demande d'annulation était devenue sans objet en cours de première instance ;

- le refus de séjour n'est pas suffisamment motivé ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 mars 2011 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2016, le préfet de l'Hérault conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient que :

- la requête est devenue sans objet dès lors qu'il a délivré au requérant un titre séjour en qualité de salarié le 3 mars 2015, renouvelé le 3 mars 2016 ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance s'agissant des moyens soulevés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 2 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A... 'hôte, premier conseiller.

1. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, fait appel de l'ordonnance en date du 11 juillet 2014 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 octobre 2012 ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur le non-lieu à statuer :

2. Considérant que, le 29 mai 2012, M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par la décision contestée du 29 octobre 2012, le préfet de l'Hérault lui a opposé un refus ; que, dans ses écritures en appel, il fait valoir que le 3 mars 2015, il a délivré au requérant un titre de séjour portant la mention " salarié ", renouvelé le 3 mars 2016 ; que l'admission au séjour d'un étranger afin qu'il puisse exercer en France une activité salariée ne confère pas cependant à l'intéressé des droits équivalents et n'a pas sur sa situation les mêmes conséquences qu'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, par suite, le titre délivré à M. B... le 3 mars 2015 ne peut être regardé comme ayant eu pour effet de rapporter le refus qui lui a été opposé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi, l'octroi de ce titre ne rend pas sans objet la demande d'annulation présentée par le requérant ; que l'exception de non-lieu soulevée par le préfet doit être écartée ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

3. Considérant qu'en vertu du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux peuvent, par ordonnance, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

4. Considérant que le président de la 2ème chambre du tribunal a estimé que la demande d'annulation présentée par M. B... contre la décision du 29 octobre 2012 était devenue sans objet au motif qu'en cours d'instance, le préfet de l'Hérault avait délivré à l'intéressé un titre de séjour en qualité d'étudiant ; que toutefois, l'octroi de ce titre, intervenu le 22 février 2013 et non le 12 mars 2013 comme indiqué par erreur dans l'ordonnance, n'a pas conféré à M. B... des droits équivalents et n'a pas eu sur sa situation les mêmes conséquences qu'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, dès lors, c'est à tort que le premier juge a estimé que la demande d'annulation dont il était saisi était devenue sans objet et qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer ; qu'ainsi, l'ordonnance du 11 juillet 2014 est entachée d'irrégularité et doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de M. B... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2001, à l'âge de quatorze ans ; qu'il a été scolarisé dès septembre 2001 et entreprenait des études supérieures à la date de la décision contestée ; que, s'il n'a pas suivi de scolarité au cours de l'année 2005/2006 et des années 2007/2008 et 2008/2009, il n'est pas contesté qu'il a résidé en France durant ces périodes au cours desquelles, notamment, il a sollicité à deux reprises, sans succès, son inscription en brevet des métiers d'arts auprès de deux lycées professionnels et a obtenu un prix à un concours de bande dessinée organisé par la commune de Montpellier ; qu'ainsi, à la date du refus de séjour litigieux, il résidait de manière habituelle en France depuis onze ans ; que, si sa mère et ses frères et soeurs sont demeurés au Maroc, son père réside en France en situation régulière et il est hébergé chez son oncle, également en situation régulière, depuis l'année 2005 ; qu'il justifie d'une insertion réelle dans la société française ; que, dans ces circonstances, eu égard à l'ancienneté et aux conditions de son séjour en France, le préfet de l'Hérault n'a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que la décision contestée du 29 octobre 2012 a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant qu'eu égard à son motif et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressé, l'annulation par le présent arrêt de la décision du 29 octobre 2012 implique que le préfet de l'Hérault délivre au requérant un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un tel titre dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que M. B... a demandé et obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazas, avocate du requérant, renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Mazas au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2014 est annulée.

Article 2 : La décision du préfet de l'Hérault du 29 octobre 2012 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Mazas la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel présentées par M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15MA00409

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00409
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCM MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;15ma00409 ?
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