La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2016 | FRANCE | N°14MA04766

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 14MA04766


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 7 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1402811 du 21 juillet 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2014, M. B..., représenté par Me C..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 21 juillet 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 7 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1402811 du 21 juillet 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2014, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 21 juillet 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa demande d'annulation ne pouvait pas être rejetée sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- si son audition par les services de police est intervenue dans le cadre d'une opération de police judiciaire, le préfet ne pouvait se fonder sur les éléments recueillis à cette occasion sans méconnaître les dispositions de l'article R. 156 du code de procédurale pénale ;

- si son audition est intervenue dans le cadre d'une opération de police administrative, les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'il n'a pas reçu notification de ses droits ;

- en ne visant pas l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ;

- il ne représente pas une charge pour le système d'assistance sociale ;

- la circonstance qu'il soit en recherche d'un emploi faisait obstacle à son éloignement du territoire français en application de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa présence en France ne constitue pas un abus de droit au sens du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 3 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,

- et les observations de Me C..., pour M. B....

1. Considérant que M. B..., de nationalité roumaine, fait appel de l'ordonnance en date du 21 juillet 2014 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 février 2014 l'ayant obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et ayant fixé le pays de destination ;

Sur la régularité de l'ordonnance du 21 juillet 2014 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;

3. Considérant que, pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault a relevé dans son arrêté du 7 février 2014 que les nombreux allers et retours de l'intéressé entre la France et son pays d'origine étaient constitutifs d'un abus de droit ; que, dans ses écritures de première instance, M. B... a soutenu que la situation d'abus de droit n'était pas caractérisée dès lors que l'administration ne rapportait pas la preuve que son comportement avait pour but de faire échec aux conditions requises par la loi pour qu'un ressortissant communautaire soit autorisé à séjourner en France durant plus de trois mois ; que ce moyen, qui n'était pas inopérant, était assorti des précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, la demande de M. B... ne pouvait être rejetée sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et devait être jugée par une formation collégiale ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... ;

Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2014 :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance que le préfet ait omis de viser dans son arrêté l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constitue pas la base légale de la décision litigieuse, est sans incidence sur sa légalité ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'acte en cause doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale (...) " ; que les dispositions du I de l'article L. 611-1-1 du même code prévoient que, lorsqu'un étranger n'a pas été en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France lors d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1, il peut être placé en retenue dans un local de la police ou de la gendarmerie aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français ; que, dans ce cas, l'étranger doit être informé des motifs de son placement en retenue, de la durée maximale de la mesure ainsi que de ses droits d'être assisté par un interprète, d'être assisté par un avocat, d'être examiné par un médecin, de prévenir sa famille et toute personne de son choix, enfin d'avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays ; qu'à l'issue de la procédure de vérification, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui ont justifié le contrôle, ainsi que la vérification du droit de circulation ou de séjour et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer ;

7. Considérant que les mesures de contrôle et de retenues que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de circuler ou de séjourner en France de l'étranger qui en fait l'objet ; qu'elles sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français ; que, si les prescriptions énumérées par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont imposées à peine de nullité, sous réserve des dispositions de l'article L. 552-13 du même code, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité du placement en retenue qui a, le cas échéant, précédé l'intervention d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière ; que, par suite, la circonstance que M. B... n'aurait pas été informé de ses droits lors de son audition par les services de police en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans influence sur la légalité de la décision d'éloignement contestée ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été entendu par les services de police dans le cadre d'une procédure criminelle, correctionnelle ou de police ; que, par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 156 du code de procédure pénale ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que, si l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les ressortissants communautaires entrés en France pour y rechercher un emploi ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l'irrégularité de leur séjour tant qu'ils sont en mesure de faire la preuve qu'ils continuent à rechercher un emploi et qu'ils ont des chances réelles d'être engagés, M. B... ne démontre pas être à la recherche d'un emploi en se bornant à produire la première page d'un formulaire de demande d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi incomplètement renseignée et non datée ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les conditions permettant à un citoyen de l'Union européenne de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois ; que l'une des conditions, mentionnée au 2° de cet article, est que l'intéressé dispose pour lui et pour les membres de sa famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; que l'article L. 121-4-1 autorise les mêmes personnes à séjourner en France pour une durée maximale de trois mois sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français, tant qu'elles ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ; que le 2° de l'article L. 511-3-1 du même code permet à l'autorité administrative compétente d'obliger, par décision motivée, un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne à quitter le territoire français lorsqu'elle constate que son séjour en France est constitutif d'un abus de droit défini comme étant, soit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies, soit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ;

11. Considérant que M. B..., qui vit notamment de la mendicité, ne justifie d'aucune ressource, ni d'une assurance maladie ; que, dès lors, il ne peut se prévaloir des dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il ne bénéficierait d'aucune prestation sociale en France ; qu'il ne conteste pas ne pas remplir les autres conditions prévues au même article L. 121-1 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il serait en droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ; qu'il a reconnu, lors de son audition par les services de police, multiplier les séjours de moins de trois mois sur le territoire français dans le but de s'y maintenir alors qu'il ne remplit pas les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'ainsi, en estimant que le séjour en France du requérant était constitutif d'un abus de droit, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, dès lors, M. B... ne peut utilement faire valoir qu'il ne représente pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 février 2014 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 21 juillet 2014 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... en première instance et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

''

''

''

''

3

N° 14MA04766

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04766
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;14ma04766 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award