Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Esccom a demandé au tribunal administratif de Marseille :
- d'annuler le lot n° 3 du marché de services d'insertion professionnelle auprès des demandeurs d'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur présentant des difficultés d'ordre social et personnel conclu le 28 mai 2010 par Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
- de condamner Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 518 360 euros en réparation des préjudices résultant de son éviction.
Par une ordonnance n° 1004797 du 29 septembre 2014, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2014 et le 21 juin 2016, la société Esccom, représentée par la SCP Gerbaud-Aoudiani-Canellas-Charmasson-Cotte, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2014 ;
2°) d'annuler le lot n° 3 du marché de services d'insertion professionnelle auprès des demandeurs d'emploi présentant des difficultés d'ordre social et personnel conclu le 28 mai 2010 par la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi ;
3°) de condamner la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi à lui verser la somme de 142 531,90 euros en réparation des préjudices résultant de son éviction ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de vérifier le montant de son manque à gagner ;
5°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'était pas tenue de produire le contrat signé ;
- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires ;
- elle produit le contrat signé ;
- Pôle Emploi aurait dû respecter un délai raisonnable entre la notification du rejet des candidatures et la signature du contrat ;
- la décision notifiant le rejet de son offre est illégale comme ayant exclu la possibilité de présenter un recours sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ;
- le motif de rejet de sa candidature n'est pas fondé ;
- elle disposait de chances sérieuses de remporter le marché ;
- son préjudice est constitué par son manque à gagner et par la perte d'une chance sérieuse d'obtenir le marché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Esccom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation du marché sont irrecevables ;
- les autres moyens soulevés par la société Esccom ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de commerce ;
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
- le décret n° 2005-742 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Esccom, et de Me A..., représentant la direction régionale Pôle Emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
1. Considérant que la direction régionale Pôle Emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a lancé en février 2010 une procédure de mise en concurrence pour l'exécution d'un marché à bons de commandes portant sur la mise en oeuvre de prestations de services d'insertion professionnelle de type " mobilisation vers l'emploi " auprès des demandeurs d'emploi présentant des difficultés d'ordre social et personnel ; qu'à l'issue de cette procédure, la candidature présentée au titre du lot n° 3 par le groupement momentané d'opérateurs économiques dont le mandataire était la société Esccom a été rejetée et le marché a été attribué à la société Acopad ; que la société Esccom relève appel de l'ordonnance du 29 septembre 2014 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché et à la réparation des préjudices résultant de son éviction ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs et des cours peuvent, par ordonnance :/ (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 412-1 de ce code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) " ;
3. Considérant que la société Esccom a produit à l'appui de sa demande le courrier du 1er juin 2010 lui notifiant le rejet de sa candidature, l'avis d'attribution du marché, le règlement de la consultation ainsi qu'un exemplaire du contrat non signé ; que malgré la demande de régularisation qui lui a été adressée par le greffe du tribunal administratif de Marseille le 3 septembre 2014, elle n'a pas produit le marché signé ; qu'elle ne justifie pas, en se bornant à affirmer que seule la direction régionale Pôle Emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur est en possession de ce contrat, qu'elle en aurait sollicité la communication ou que la direction régionale de Pôle Emploi aurait refusé de lui transmettre une copie dudit contrat ; que, par suite, elle n'a pas satisfait aux exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille était fondé à rejeter ses conclusions à fin d'annulation comme irrecevables, en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
4. Considérant, toutefois, que, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le contrat ne l'autorisait pas à rejeter par voie de conséquence les conclusions indemnitaires présentées par la société Esccom ; que, par suite, la société Esccom est fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
5. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Esccom devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ces clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que les conclusions indemnitaires ne sont pas irrecevables du seul fait de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le contrat, y compris lorsque l'ensemble de ces conclusions sont présentées dans la même requête ;
7. Considérant que le marché a été passé selon des modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur, conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ; que la direction régionale Pôle Emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur n'était, par suite, pas tenue de respecter l'obligation de respect d'un délai de dix jours entre l'information du candidat évincé et la signature du contrat prévue par l'article 46 du décret du 30 décembre 2005, ce même article n'imposant cette obligation qu'aux " marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées " ;
8. Considérant que la circonstance qu'a été indiqué sur la décision de rejet de l'offre que le recours au référé précontractuel n'était pas ouvert à la société Esccom est, en tout état de cause, sans incidence sur la validité du contrat ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 6 juin 2005 : " Les personnes admises au redressement judiciaire au sens de l'article L. 620-1 du code de commerce (...) doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible d'exécution du marché " ; que le règlement de consultation dispose dans son article III.2.1) que, pour justifier de sa capacité, le candidat en redressement judiciaire devait produire copie du ou des jugements l'autorisant à poursuivre son activité pendant toute la durée d'exécution du marché, reconductions comprises ; que le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 9 mars 2004 arrêtant le plan de redressement par continuité de la société UFCM Européenne de Formation fixe la durée du plan à 7 ans, soit jusqu'en mars 2011, avant la fin de la période d'exécution du marché, fixée au 31 mai 2012 ; que l'attestation établie le 10 juin 2010 par le commissaire à l'exécution du plan de redressement ne comporte aucun élément de nature à justifier que cette société était autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée fixée par le jugement du 9 mars 2004 ; que la société UFCM Européenne de Formation ne justifiant pas de sa capacité à exécuter le marché jusqu'à son terme, la direction régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi était dès lors fondée à rejeter la candidature du groupement dont elle était membre ;
10. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses de remporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
11. Considérant que la société Esccom, dont l'offre a été écartée à bon droit par la direction régionale Pôle Emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur, était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, par suite, elle n'est fondée à demander ni l'indemnisation de son manque à gagner, ni des frais de présentation de son offre ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société est seulement fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté sa demande indemnitaire ; que le surplus des conclusions de la demande de la société Esccom et de ses conclusions d'appel doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Esccom, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la direction régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi et de mettre à la charge de la société Esccom la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 19 septembre 2014 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions indemnitaires de la société Esccom.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de la société Esccom et de ses conclusions d'appel est rejeté.
Article 3 : La société Esccom versera la somme de 2 000 euros à la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Esccom et à la direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur de Pôle Emploi.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 juillet 2016.
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N° 14MA04724