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07/07/2016 | FRANCE | N°14MA03626

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 14MA03626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Lustucru Riz, Panzani et Lustucru Frais ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'établissement public Réseau ferré de France, la Société nationale des chemins de fer français, l'Etat, Voies Navigables de France et la Compagnie Nationale du Rhône, à leur verser les sommes de 18 750 892 euros pour la société Lustucru Riz et de 14 246 463 euros pour la société Panzani en réparation des préjudices subis en raison des inondations qui ont touché, entre

le 1er et le 4 décembre 2003, notamment la commune d'Arles.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Lustucru Riz, Panzani et Lustucru Frais ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'établissement public Réseau ferré de France, la Société nationale des chemins de fer français, l'Etat, Voies Navigables de France et la Compagnie Nationale du Rhône, à leur verser les sommes de 18 750 892 euros pour la société Lustucru Riz et de 14 246 463 euros pour la société Panzani en réparation des préjudices subis en raison des inondations qui ont touché, entre le 1er et le 4 décembre 2003, notamment la commune d'Arles.

Par un jugement n° 0708331 du 23 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête des sociétés Lustucru Riz, Panzani et Lustucru Frais.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2014, et un mémoire enregistré le 28 août 2015, les sociétés Lustucru Riz et Panzani, représentées par Me G..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2014 ;

2°) de condamner solidairement l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF Mobilités, l'Etat, Voies Navigables de France et la Compagnie Nationale du Rhône à verser à la société Lustucru Riz la somme de 18 750 892 euros et à la société Panzani la somme de 14 246 463 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de la requête et les intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public Réseau ferré de France, de la Société nationale des chemins de fer français, de l'Etat, de Voies Navigables de France et de la Compagnie Nationale du Rhône la somme de 75 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leurs demandes indemnitaires sont recevables ;

- le jugement qui affirme que la crue aurait atteint une intensité exceptionnelle et imprévisible par sa hauteur et son débit et que la montée des eaux serait l'unique cause de la rupture des merlons de protection, est insuffisamment motivé sur ces points ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il refuse de déduire de la circonstance que le remblai avait assuré un rôle de protection, que la construction des trémies n'avait pas aggravé les conséquences dommageables des inondations ;

- la crue de décembre 2003 n'a pas revêtu le caractère d'un évènement de force majeure dès lors qu'elle n'était ni prévisible ni irrésistible, le Rhône n'étant pas à son débit maximal au moment de la rupture des merlons de protection des trémies par insuffisance de résistance mécanique et la SNCF ayant conscience des vices de conception des ouvrages publics dont elle avait la charge de l'entretien ;

- les dommages ont été aggravés par la présence même des trémies et la conception défectueuse des merlons de protection ainsi que par l'édification de ces ouvrages à une cote inférieure à celle du remblai ferroviaire.

Par un mémoire, enregistré le 12 février 2015, SNCF Mobilités, représentée par Me D..., et par deux mémoires, enregistrés le 26 août 2015 et le 30 octobre 2015, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, représentés par Me C... et Me D..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement l'association du dessèchement des marais d'Arles, la commune de Tarascon, la commune d'Arles, la Compagnie Nationale du Rhône, Voies Navigables de France, l'Etat, l'association des vidanges de Tarascon, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer à garantir SNCF Réseau des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 20 000 euros à verser à SNCF Réseau et la somme de 20 000 euros à verser à SNCF Mobilités en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- SNCF Mobilités doit être mis hors de cause ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- l'inondation présente un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible ;

- les conséquences dommageables de l'inondation n'ont pas été aggravées par l'ouvrage ferroviaire ;

- SNCF Réseau n'est pas propriétaire des merlons de protection qui appartiennent au domaine public routier ;

- ces ouvrages ne présentent aucun défaut de conception ni d'entretien ;

- les dommages sont aussi imputables à la commune de Tarascon, à l'association du dessèchement des marais d'Arles, à la commune d'Arles, à l'Etat, à VNF, à la CNR et au comportement des victimes ;

- l'existence et l'étendue des préjudices invoqués ne sont pas démontrées.

Par un mémoire, enregistré le 4 août 2015, la société anonyme d'intérêt général Compagnie Nationale du Rhône (CNR), représentée par Me E..., conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions présentées à son encontre par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des sociétés requérantes et de SNCF Mobilités et SNCF Réseau en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les inondations de 2003 ont revêtu un caractère de force majeure ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée au titre d'un défaut de résistance des merlons ;

- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations de concessionnaire d'aménagement du Rhône.

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2015, l'établissement public Voies Navigables de France (VNF), représenté par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des sociétés requérantes, de SNCF Mobilités ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions présentées à son encontre par la SNCF ne sont pas recevables ;

- elles ne sont pas fondées dès lors qu'il n'a commis aucun manquement à ses missions.

Par deux mémoires, enregistrés le 8 août 2015 et le 28 octobre 2015, la commune de Tarascon, représentée par Me I..., conclut :

1°) au rejet des conclusions présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que soit mise à la charge solidaire de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau et le cas échéant de toute autre partie perdante, la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions d'appel en garantie sont irrecevables ;

- la créance dont SNCF Réseau, SNCF Mobilités et l'Etat entendent se prévaloir à son encontre est prescrite ;

- ces conclusions sont dépourvues de fondement juridique ;

- la commune n'est pas propriétaire des remblais de protection ;

- l'ouverture d'une brèche dans le canal des Alpines n'a eu aucun effet aggravant ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'égalité des territoires, du logement et de la ruralité demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les inondations ont revêtu un caractère de force majeure ;

- l'Etat (service de la navigation Rhône-Saône) n'a pas commis de faute.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2015, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer (SYMADREM), représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) de mettre à la charge solidaire des sociétés requérantes ou de toute autre partie perdante la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à sa condamnation ne sont pas recevables ;

- le défaut d'entretien normal des ouvrages appartenant à SNCF Réseau résulte de ce que, mal étudiés et mal réalisés, ils n'ont fait l'objet d'aucun travail de renforcement ;

- l'Etat (service de la navigation) a commis des fautes dans la définition des prescriptions techniques destinées à garantir la protection des personnes et des biens contre les inondations ;

- il n'a commis aucune faute susceptible d'avoir provoqué les inondations ou d'en avoir aggravé les conséquences.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2015, la commune d'Arles, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) de mettre à la charge solidaire des sociétés requérantes ou de toute autre partie perdante la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à sa condamnation ne sont pas recevables ;

- le défaut d'entretien normal des ouvrages est caractérisé : mal étudiés, mal réalisés, ils n'ont pas fait l'objet de renforcement ;

- l'Etat (service de la navigation) a commis des fautes dans la définition des prescriptions techniques destinées à garantir la protection des personnes et des biens contre les inondations ;

- elle n'a commis aucune faute à l'occasion de l'instruction et de la délivrance des autorisations d'urbanisme, dans l'information et la protection des populations ou dans l'entretien d'ouvrages hydrauliques.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- les observations de :

* Me G... représentant la société Lustucru riz et la société Panzani,

* Me D...et Me C...représentant SNCF Mobilités et SNCF Réseau,

* Me F...de la SELARL Bazin et Cazelles représentant le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer,

* Me E...représentant la Compagnie Nationale du Rhône,

* Me B... représentant Voies Navigables de France,

* Me A... représentant la commune d'Arles et le syndicat mixte aménagement des digues du Rhône et de la mer,

* et de Me I...représentant la commune de Tarascon.

1. Considérant que, du 30 novembre au 3 décembre 2003, de fortes pluies faisant suite à d'exceptionnelles précipitations les jours précédents se sont abattues sur la vallée du Rhône, entraînant d'importantes crues du fleuve Rhône notamment dans le secteur de la commune d'Arles ; qu'à cet événement pluviométrique d'une particulière intensité, s'est ajoutée, dans la nuit du 3 au 4 décembre 2003, une tempête marine qui a eu pour effet de freiner le déversement des eaux du fleuve dans la mer ; que, dans la soirée du 3 décembre, les merlons latéraux de protection des trémies du remblai supportant la ligne ferroviaire Tarascon-Arles situées au " Mas Teissier " et " aux Ségonnaux " ont cédé, vraisemblablement pour les premiers entre 18 heures 15 et 21 heures 30 et, pour les seconds, vers 21 heures 30 ; qu'environ neuf heures après la rupture de ces ouvrages, les eaux s'engouffrant sous les trémies sont parvenues dans la zone nord d'Arles et ont inondé les quartiers du Trébon et de Monplaisir, occasionnant d'importants dommages ; que la commune d'Arles a fait l'objet d'un arrêté de constatation de l'état de catastrophe naturelle le 12 décembre 2003 ; que les sociétés Lustucru Riz et Panzani ont présenté une requête en réparation de leurs préjudices devant le tribunal administratif de Marseille, qui l'a rejetée ; que les intéressées qui font appel de ce jugement, demandent la condamnation solidaire de l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF Mobilités, l'Etat, Voies Navigables de France et la Compagnie Nationale du Rhône à verser à la société Lustucru Riz la somme de 18 750 892 euros et à la société Panzani la somme de 14 246 463 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif de Marseille, après avoir rappelé les éléments pluviométrique et marin exposés au point précédent, a indiqué, aux points 12 et 13 du jugement attaqué, que la crue du Rhône de décembre 2003 s'est caractérisée par un débit de 11 500 mètres cubes par seconde correspondant à une période de retour légèrement supérieure à cent ans, que la hauteur de l'eau au droit des ouvrages en cause excédait de manière significative le niveau de la crue centennale et que la hauteur d'eau atteinte à Beaucaire était sans précédent historique répertorié ; qu'ainsi, il a suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a estimé que la crue de décembre 2003 présentait le caractère d'un événement de force majeure ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, n'ont pas insuffisamment motivé le jugement attaqué sur le défaut de conception et d'entretien des ouvrages dès lors qu'ils ont indiqué, au point 13, que la rupture de ceux-ci résidait exclusivement dans la montée des eaux ; qu'enfin, en indiquant, au point 14 du jugement attaqué, que les conséquences dommageables des inondations n'ont pas été aggravées par les merlons de protection des trémies par rapport à ce qu'elles auraient été en leur absence, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen invoqué ; que, dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation du jugement sur ces différents points ne peuvent qu'être écartés ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur les responsabilités :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, se fondant sur une synthèse hydrologique de la crue du Rhône de décembre 2003 réalisée par la Compagnie Nationale du Rhône en septembre 2004, qu'à la fin du mois de novembre 2003 des précipitations exceptionnelles ont saturé les sols et les ouvrages hydrauliques sur le quart sud-est de la France ; que, ainsi qu'il ressort des travaux de la conférence de consensus, initiée par le ministère de l'écologie et du développement durable et chargée d'étudier l'importance de cette crue du Rhône, dont les conclusions ont été rendues publiques le 25 octobre 2005, l'événement de décembre 2003 a été caractérisé par une situation météorologique peu courante avec une forte extension spatiale des pluies supérieures à 150 mm et qu'il est sans précédent pluviométrique historique connu ; que cet événement, qui est au nombre des trois plus grands des deux derniers siècles, a été qualifié de plus important depuis deux cents ans, pour un phénomène météorologique dit " méditerranéen extensif ", par le rapport relatif à " la sécurité des digues du delta du Rhône - politique de constructibilité derrière les digues " établi en octobre 2004 par le même ministère ; qu'à cet événement météorologique d'une particulière intensité, s'est ajouté, comme indiqué au point 1, un phénomène marin freinant le déversement des eaux du Rhône résultant d'une tempête marine ayant débuté dans la nuit du 3 au 4 décembre 2003 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions, non sérieusement contestées , de la conférence de consensus auxquelles fait directement référence le collège d'experts désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que le débit de cette crue du Rhône, alors même qu'il est resté inférieur à celui des crues de 1840 et de 1856, était particulièrement fort, ayant été estimé à Beaucaire, à 11 500 mètres cubes par seconde correspondant à une période de retour légèrement supérieure à cent ans ; qu'en outre la hauteur de la crue observée au droit des ouvrages en cause, soit 10 mètres NGF aux Ségonnaux et 10,34 mètres NGF au " Mas Teissier ", a été nettement supérieure à celle mesurée lors de la crue de référence de 1856 à 9,66 mètres NGF au Mas Teissier, au droit du PK Rhône 271,800, soit 68 centimètres au-dessous du niveau d'eau atteint en décembre 2003 ;

4. Considérant que si la crue de 2003 a fait suite à six crues fortes en dix ans, il n'est pas établi ni même allégué que celles-ci, dont l'occurrence était décennale, auraient été similaires, par leurs caractéristiques, leurs effets et leur localisation, à la crue centennale de 2003 ; que la circonstance que le fleuve n'ait atteint son débit maximum que plusieurs heures après la rupture des trémies manque en fait ; que dans ces conditions, et alors même que la SNCF avait exprimé au mois de mars 2003 l'intention d'élaborer un projet de confortement des merlons, cette crue a présenté, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, qui pouvait valablement se fonder sur l'ensemble des pièces soumises au débat contradictoire, à raison de son intensité exceptionnelle et imprévisible par rapport à tous les précédents connus, un caractère irrésistible constituant un cas de force majeure ;

5. Considérant que les merlons de protection des trémies du remblai supportant la ligne ferroviaire, situés au " Mas Teissier " et aux " Ségonnaux " ont, de fait, comme le remblai lui-même dont ils assurent la continuité, une fonction de défense contre les inondations causées par les crues du Rhône sans pouvoir pour autant être qualifiés de digues ; que la responsabilité du maître de ces ouvrages ou de la personne chargée de leur entretien ne peut être retenue que pour autant que les conséquences dommageables de l'événement de force majeure retenu au point 4 ont été aggravées par le défaut de conception ou le mauvais état d'entretien de l'ouvrage ; qu'en outre, la responsabilité de l'Etat, de Voies Navigables de France et de la Compagnie Nationale du Rhône n'est susceptible d'être engagée que dans le cas où leurs services ont commis des fautes ayant pu avoir pour conséquence d'aggraver les dommages subis par les victimes ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des plans d'ensemble des ouvrages que la SNCF a conçu et réalisé ces ouvrages selon les cotes altimétriques de 10,10 mètres NGF " aux Ségonnaux " et 10,30 mètres NGF au " Mas Teissier ", conformément à l'étude d'impact réalisée par la société du canal de Provence en décembre 1979, qui fixait les cotes altimétriques théoriques de protection à 10,10 mètres NGF " aux Ségonnaux " et à 10,36 mètres NGF au " PN 450 ", correspondant au point kilométrique 766,965 et non précisément au point kilométrique 766,899 qui situe le Mas Tessier ; que ces cotes altimétriques, ainsi d'ailleurs que les cotes d'efficacité des merlons, sont supérieures aux hauteurs d'eau des crues centennales estimées à 9,32 mètres NGF " aux Ségonnaux " et à 9,64 mètres NGF au " Mas Teissier " et à la hauteur d'eau relevée lors de la crue de 1856 estimée à 9,66 mètres NGF au " Mas Teissier " ; que si les experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif ont retenu que les merlons avaient cédé en raison d'insuffisances de dimensionnement et de conception mécanique, ces conclusions techniquement peu étayées sont fondées sur les dimensions du remblai ferroviaire et sur des prescriptions applicables aux digues et alors que ni le remblai ni les merlons latéraux de protection n'ont été conçus ni aménagés comme des digues ; qu'en outre, ces conclusions sont remises en cause par les rapports des expertises techniques du cabinet Sogreah et de MM. J... et K...qui, s'ils ont été commandés par la SNCF et par RFF, sont particulièrement argumentés et indiquent que la rupture des merlons est intervenue par surverse, les ouvrages ayant été submergés par une lame d'eau après plusieurs heures de chargement des talus extérieurs des ouvrages ; que, dès lors, les circonstances que les merlons n'aient été conçus ni comme des digues ni pour résister à un événement d'une telle ampleur et qu'ils n'aient pas été arasés à la cote de la plateforme ferroviaire ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à révéler un défaut de conception des ouvrages ; que par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille que, contrairement à ce qui est allégué, la rupture des merlons n'est pas consécutive à un défaut d'entretien ; qu'il ne saurait davantage être déduit de la seule circonstance que la SNCF ait envisagé, en mars 2003, d'élaborer un projet de confortement des merlons que ceux-ci auraient présenté un manque d'entretien qui serait à l'origine des brèches ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les conséquences dommageables de la crue de décembre 2003 ont été provoquées ou aggravées par une insuffisance de conception ou un défaut d'entretien des merlons latéraux de protection des trémies situées au " Mas Teissier " et " aux Ségonnaux " ;

7. Considérant que si les sociétés requérantes persistent à soutenir que le service de la navigation Rhône-Saône, consulté par la SNCF lors de la conception des merlons, a émis le 20 novembre 1979 un avis relatif au dimensionnement des ouvrages à la cote d'efficacité de 9,90 mètres NGF lequel serait entaché d'une erreur de diagnostic technique au regard des conclusions de l'étude d'impact effectuée en décembre 1979 par la société du canal de Provence, dans le cadre de l'enquête publique, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point précédent, qu'en tout état de cause les plans d'ensemble des ouvrages ont été conçus en prenant en compte des hauteurs d'eau correspondant à une crue centennale ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le service de la navigation n'avait pas commis de faute ayant pu avoir pour conséquence de provoquer ou d'aggraver les dommages subis par les victimes et d'engager la responsabilité de l'Etat ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Lustucru Riz et Panzani ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'établissement Réseau ferré de France, la Société nationale des chemins de fer français, l'Etat, Voies Navigables de France et la Compagnie Nationale du Rhône à leur verser des indemnités en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de SNCF Mobilités, de SNCF Réseau, de l'Etat, de Voies Navigables de France et de la Compagnie Nationale du Rhône qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société CNR, l'établissement public VNF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, l'Etat, la commune de Tarascon, la commune d'Arles et le SYMADREM au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Lustucru Riz et Panzani est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société CNR, l'établissement public VNF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, l'Etat, la commune de Tarascon, la commune d'Arles et le SYMADREM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lustucru Riz, à la société Panzani, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, au ministre du logement et de l'habitat durable, à SNCF Réseau, à SNCF Mobilités, à la société Compagnie Nationale du Rhône, à l'établissement public Voies Navigables de France, à la commune de Tarascon, à la commune d'Arles et au Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer, à l'association de desséchement des marais d'Arles et à l'association des vidanges de Tarascon.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Laso, président-assesseur,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

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