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04/07/2016 | FRANCE | N°15MA04278

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2016, 15MA04278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AGL Services a demandé au tribunal administratif de Marseille, le 28 octobre 2008, d'annuler le marché conclu entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la société Croix Blanche pour la location de véhicules en longue durée, de condamner la région à l'indemniser pour un montant de 881 666,32 euros et d'ordonner en tant que de besoin une expertise complémentaire pour évaluer son manque à gagner.

Par un jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille

a annulé le marché et condamné la région au versement de la somme de 99 200 euros à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AGL Services a demandé au tribunal administratif de Marseille, le 28 octobre 2008, d'annuler le marché conclu entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la société Croix Blanche pour la location de véhicules en longue durée, de condamner la région à l'indemniser pour un montant de 881 666,32 euros et d'ordonner en tant que de besoin une expertise complémentaire pour évaluer son manque à gagner.

Par un jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé le marché et condamné la région au versement de la somme de 99 200 euros à titre d'indemnités à la société AGL Services.

Par un arrêt n° 12MA04778 du 21 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, porté à 717 400 euros le montant que la région est condamnée à payer à la société AGL Services, assorti des intérêts légaux à compter du 15 octobre 2008 et capitalisés annuellement à compter du 15 octobre 2009 et, d'autre part, rejeté l'appel incident de la région.

Par une décision n° 384787 du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 juillet 2014 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2012, 18 octobre 2013, 6 février 2014 et 27 mai 2016 la société AGL Services, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 833 543 euros ;

3°) d'assortir cette indemnisation des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 15 octobre 2009 et à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;

4°) d'ordonner en tant que de besoin une expertise sur la détermination du manque à gagner ;

5°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son manque à gagner aurait dû être calculé sur la base d'une perte de chiffre d'affaires de 3 718 000 euros, retenu par l'expert qu'elle avait mandaté, et non sur la base du montant minimal du marché ;

- le manque à gagner correspondant à cette perte de chiffre d'affaires, sous déduction des charges d'exploitation évaluées par l'expert, s'établit à 833 543 euros ;

- la plus-value réalisée sur les cessions de véhicules devait être intégrée au manque à gagner dès lors qu'elle résulte du niveau trop élevé des amortissements par rapport à la dépréciation effective des véhicules ;

- le tribunal ne pouvait se fonder sur le taux de marge nette constaté en 2006 alors que le manque à gagner pouvait être déterminé intrinsèquement sur le marché en cause ;

- le calcul de la marge nette sur le fondement du compte de résultat de l'exercice 2006 aboutit à la détermination d'un taux de 10,74 % et non de 3,1 % ;

- l'appel incident présenté par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur soulève un litige distinct et est donc irrecevable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 avril 2013, 11 décembre 2013, 25 avril 2016 et 3 juin 2016, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société AGL Services en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est tardive ;

- la société Croix Blanche disposait des capacités requises pour exécuter le marché ;

- la société requérante n'avait de chance sérieuse de remporter le marché et ne peut prétendre à une indemnisation ;

- les moyens soulevés par la société AGL Services ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;

- le règlement (CE) n° 1564/2005 du 7 septembre 2005 ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ouillon,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société AGL Services, et de Me A..., représentant la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

1. Considérant que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a lancé le 24 avril 2008 une procédure d'appel à la concurrence en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande de location de longue durée de véhicules pour son parc automobile ; que ce marché d'une durée de quatre ans comportait un montant minimal de prestations de 3 200 000 euros et maximal de

8 000 000 d'euros ; que par courrier du 27 juin 2008, la région a informé la société AGL Services, titulaire du précédent marché de location, du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Croix Blanche ; que le marché a été signé avec la société Croix Blanche le 11 août 2008 ; que par un jugement du 16 octobre 2012 rendu sur la demande de la société AGL Services, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce marché passé avec la société Croix Blanche locations et condamné la région au versement de la somme de 99 200 euros en réparation du préjudice subi par ce concurrent évincé ; que par un arrêt du 21 juillet 2014, la Cour administrative d'appel de Marseille, saisie par la société AGL Services, a porté de 99 200 euros à 717 440 euros le montant de l'indemnité à payer à cette société et a rejeté comme irrecevables les conclusions d'appel incident présentées par la région dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il annulait le marché litigieux, au motif que ces dernières conclusions soulevaient un litige distinct de l'appel principal formé par la société ; que par une décision du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat, sur pourvoi de la région Provence Alpes Côte d'Azur, a annulé l'arrêt du 21 juillet 2014 et renvoyé l'affaire devant la Cour au motif que l'appel incident présenté par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne soulevait pas, en tant qu'il contestait l'annulation du marché litigieux par le juge du contrat, un litige distinct des conclusions de l'appel principal présenté par la société AGL Services, qui portaient sur la réparation du préjudice résultant de son éviction du contrat ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la région Provence Alpes Côte d'Azur :

2. Considérant que le recours de pleine juridiction par lequel un concurrent évincé conteste la validité d'un contrat administratif doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 40 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " III. - En ce qui concerne les fournitures et les services : / (...) 2° Pour les achats d'un montant égal ou supérieur à 133 000 Euros HT pour l'Etat et 206 000 Euros HT pour les collectivités territoriales, le pouvoir adjudicateur est tenu de publier un avis d'appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne. (...). " ; qu'aux termes de l'article 85 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-Pour les marchés et les accords-cadres donnant lieu à l'une des procédures formalisées et pour les marchés de services relevant de l'article 30 d'un montant égal ou supérieur à 206 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur envoie pour publication, dans un délai maximal de quarante-huit jours à compter de la notification du marché ou de l'accord-cadre, un avis d'attribution. (...) II. - L'avis d'attribution est publié dans l'organe qui a assuré la publication de l'avis d'appel public à la concurrence et selon les mêmes modalités de transmission que celles définies à l'article 40 du présent code. (...). " ;

4. Considérant qu'en application des dispositions précitées des articles 40 et 85 du code des marchés publics, l'avis d'attribution du marché en cause, qui était un marché à bons de commandes d'un montant minimum de 3 200 000 euros, devait faire l'objet d'une publication au bulletin officiel des annonces des marchés publics ainsi qu'au journal officiel de l'Union européenne ; qu'il résulte de l'instruction que cet avis d'attribution a été publié au journal officiel de l'Union européenne le 21 août 2008 et au bulletin officiel des annonces de marchés publics le 28 août 2008 ; que le délai de recours n'a ainsi commencé à courir qu'à compter de cette dernière date ; que, par suite, la demande de première instance, introduite le 28 octobre 2008 par la société AGL Services devant le tribunal administratif de Marseille n'était pas tardive ;

Sur la validité du marché :

En ce concerne la recevabilité des conclusions incidentes présentées par la région Provence Alpes Côte d'Azur :

5. Considérant que la société AGL Services a saisi le tribunal administratif de Marseille, en sa qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif, d'un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ; que, lorsque le juge se prononce sur les différentes conclusions dont il peut être saisi dans le cadre d'un tel recours, qu'il s'agisse d'annuler totalement ou partiellement le contrat, d'en prononcer la résiliation ou de modifier certaines de ses clauses, ou encore de décider la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation, ou bien d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, ces mesures se rattachent toutes à un même litige ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société AGL Services, l'appel incident présenté par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en tant qu'il conteste l'annulation du marché en litige par le juge du contrat, ne soulève pas un litige distinct des conclusions de l'appel principal présenté par cette société, qui portent sur la réparation du préjudice résultant de cette éviction ; qu'en conséquence, ces conclusions d'appel incident sont recevables ;

En ce qui concerne l'appréciation de la capacité des candidats :

6. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (...) / III. - Pour justifier de ses capacités professionnelles, techniques et financières, le candidat, même s'il s'agit d'un groupement, peut demander que soient également prises en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre ces opérateurs et lui. Dans ce cas, il justifie des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché. (...). " ; qu'en application de ces dispositions, l'article 3.1 du règlement de la consultation prévoyait que " pour justifier de ses capacités professionnelles, techniques et financières, le candidat peut demander que soient également prises en compte les capacités(...) d'un ou plusieurs opérateurs économiques. Le candidat produit les mêmes documents concernant ces opérateurs que ceux qui lui sont demandés dans la première enveloppe. Le candidat produit un engagement écrit de ces opérateurs pour justifier qu'il dispose de leurs capacités économiques pour l'exécution du marché " ;

8. Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Croix Blanche, dont le capital était de 51 000 euros et le chiffre d'affaires réalisé en 2007 s'élevait à 357 905 euros pour un bénéfice de 11 087 euros, n'avait pas, à elle seule, la capacité professionnelle, technique et financière pour répondre aux besoins exprimés par la région Provence Alpes Côte d'Azur dans son appel d'offres d'avril 2008 et exécuter le marché en cause qui portait sur un montant de prestations compris entre 3 200 000 et 8 000 000 euros et visait à la mise à disposition de 166 véhicules neufs ; que la société Croix Blanche, qui exerçait son activité de location de véhicules sous l'enseigne commerciale " Car'Go " dans le cadre d'un contrat de franchise avec la société Agir, s'est prévalue du soutien du réseau " Car'Go " ; que, toutefois, la société Croix Blanche n'a produit, à l'appui dans son dossier de candidature, aucun document écrit justifiant qu'elle disposait des capacités du réseau en cause ou des entreprises participant à celui-ci, contrairement à ce qu'exigeait l'article 3.1 du règlement de la consultation ; que la production d'un simple document de présentation du réseau " Car'Go " et la seule appartenance de la société Croix Blanche à ce réseau, à défaut de toutes précisions sur les engagements contractuels du franchiseur à son égard, ne suffisent pas à établir que la société Croix Blanche aurait nécessairement bénéficié des capacités notamment financières de son franchisé ou d'autres sociétés du réseau, pour l'exécution du marché en cause ; que la lettre du 24 juillet 2008 adressée au conseil de la région, attestant du soutien du réseau " Car'Go " pour l'exécution de ce marché, est postérieure à la date de la réunion de la commission d'appel d'offres et de la décision d'attribution du marché et ne pouvait donc justifier, dans le cadre de la sélection des candidats déclarés aptes à concourir, de la capacité financière de la société Croix Blanche ; qu'ainsi la région Provence Alpes Côte d'Azur a méconnu les dispositions de l'article 45 III du code des marchés publics et celles de l'article 3-1 du règlement de la consultation en examinant l'offre de la société Croix Blanche ;

9. Considérant que l'irrégularité commise par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui n'a pas écarté l'offre de la société Croix Blanche a eu une incidence sur le choix de la société attributaire ; que cette irrégularité n'a toutefois pas entraîné un vice de consentement de la personne publique et n'affecte pas le bien-fondé des prestations de service objet du marché ; qu'en l'absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, elle ne justifie pas, à elle seule, que soit prononcée la résolution du marché ; que, par suite, la région Provence Alpes Côte d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé le contrat en cause ; que, toutefois, devant le tribunal administratif, la société AGL Services se prévalait d'autres motifs d'irrégularité affectant la procédure de passation de ce marché sur lesquels il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;

10. Considérant que l'avis d'appel public à la concurrence envoyé pour publication par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur courant avril 2008 devait être conforme au modèle standard pour les publications des avis d'appel public à la concurrence au Journal officiel de l'Union européenne établi par le règlement (CE) n°1564/2005 ; que, contrairement à ce que soutient la société AGL Services, cet avis mentionnait la durée du marché dans la rubrique II.3), qui était de quarante-huit mois à compter de la date d'attribution du contrat ; que la région n'était pas tenue d'indiquer en outre la date prévisible de commencement d'exécution de ce marché ; que, de même, les marchés à bons de commande au sens de l'article 77 du code des marchés publics devant être regardés comme des accords-cadres au sens de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, il ne peut être reproché à la région d'avoir renseigné la rubrique II.1.4. relative à ces accords-cadres ; qu'enfin, la rubrique VI.4.2 de cet avis, intitulée " Introduction des recours ", était suffisamment renseignée par la mention de l'existence de recours de type référé pré-contractuel prévu par les articles L. 551-1 et R. 551-1 et suivants du code de justice administrative pouvant être exercés avant la signature du marché ; que, toutefois, comme le soutient la requérante la section I, intitulée " Pouvoir adjudicateur ", de cet avis ne précisait pas, en méconnaissance des dispositions précitées, si le pouvoir adjudicateur agissait pour son propre compte ou pour le compte d'autres pouvoirs adjudicateurs ;

11. Considérant que l'article 4 du règlement de consultation prévoyait que le critère lié au niveau d'émission de CO2 serait déterminé par l'application d'un barème de note prenant en compte le taux d'émission de ce gaz, appliqué au modèle de véhicule proposé par le candidat pour chaque catégorie prévue dans le cahier des clauses techniques particulières ; que la société AGL Services soutient que ce barème était inexploitable et ambigu dès lors que pour les véhicules de fortes cylindrées proposés, les candidats ne pourraient pas obtenir de note positive ; que, toutefois, l'application de ce barème, dont la formulation n'était pas ambigüe, permettait de valoriser pour chaque catégorie de véhicules ceux qui étaient les moins polluants ; qu'il n'est pas contesté que pour les véhicules de moins fortes cylindrées devant être proposés dans le cadre du marché, les candidats pouvaient, par application de ce barème, se voir attribuer des notes positives, lesquelles notes étaient prise en compte pour la détermination de la note globale attribuée au critère lié au niveau d'émission de CO2 ; que la société AGL Services n'est donc pas fondée à soutenir que ce critère n'était pas exploitable ;

Sur les conséquences des irrégularités :

12. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer - le cas échéant, avec effet différé - la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

13. Considérant que les irrégularités relevées ci-dessus, non régularisables, n'ont pas entraîné un vice de consentement de la personne publique et n'affectent pas le bien-fondé des prestations de service objet de ces contrats ; qu'en l'absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, elles ne sont pas d'une gravité telle qu'elles justifieraient la résolution du marché ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que le marché en cause d'une durée de quatre ans à compter du 11 août 2008 est désormais entièrement exécuté à la date du présent arrêt et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur sa résiliation ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a annulé le marché conclu avec la société Croix Blanche ;

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Considérant que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ; que si tel est le cas, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la société AGL Services, qui était attributaire du précédent marché de location de véhicules avec la région, a été classée, au regard des critères de sélection, en deuxième position par la commission d'appel d'offres ; que, par suite, la société AGL Services avait, si l'offre de la société Croix Blanche avait été écartée, des chances sérieuses de remporter le marché en cause ; que la région soutient que, compte tenu de la nature et du montant du marché, elle aurait pu, dans le cas de l'élimination de l'offre de la société attributaire, abandonner la procédure de passation du marché pour un motif d'intérêt général tiré notamment d'une mise en concurrence réduite ; que, toutefois, elle n'apporte à l'appui de ces allégations aucun élément permettant d'établir qu'elle aurait, dans ces circonstances, renoncé à conclure ce marché ; que la société AGL Services peut prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre ;

17. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. / Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum. (...) " ;

18. Considérant, d'une part, que le manque à gagner de la société AGL Services ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur la valeur minimale du marché ; que, dès lors, le manque à gagner doit être calculé sur la base de ce montant, soit, en l'espèce, 3 200 000 euros et non sur le montant de 3 718 000 euros correspondant au total général du détail quantitatif estimatif fourni par la société en réponse à l'appel d'offres et ne revêtant qu'un caractère estimatif ;

19. Considérant, d'autre part, que l'expert mandaté par la société AGL Services a, sur la base d'une perte de chiffre d'affaires de 3 718 000 euros et d'une estimation des charges d'exploitation, évalué le montant du bénéfice net que la société aurait pu retirer de l'exécution du marché à la somme de 833 542,99 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation effectuée par l'expert, qui tient compte d'éléments tirés des données d'exploitation de la société AGL Services, serait imprécise ou manquerait de rigueur ; que l'expert intègre à juste titre dans le bénéfice de la société AGL Services les plus-values réalisées à l'occasion de la cession des véhicules objets du marché dès lors que celles-ci viennent corriger le niveau excessif des amortissements constatés par rapport à la dépréciation réelle des véhicules et participent à l'économie globale du marché ; que de même l'expert a pu à bon droit prendre en compte, pour déterminer le chiffre d'affaires, le montant d'une prime dite de volume versée par des constructeurs automobiles au terme d'un accord conclu avec la société AGL Services pour l'achat de certains véhicules utilisés dans le cadre du marché, dès lors que cette prime participe également à l'équilibre économique général du marché ; que, contrairement à ce que soutient la région, l'expert n'a pas intégré dans le chiffre d'affaires le montant de la taxe professionnelle puis de la contribution économique territoriale que la société AGL Services aurait supporté au cours des années d'exécution du marché mais a pris en compte le montant de ces impôts pour déterminer les charges d'exploitation ; que la région ne conteste ni que ces impôts pouvaient être compris dans les charges déductibles de la société AGL Services ni le montant de ces impôts ; que, contrairement à ce que soutient la région, l'expert, pour déterminer le montant des charges d'exploitation, a retenu une durée d'amortissement des véhicules de quatre ans qui correspond à la pratique comptable ; qu'enfin, la mention, dans l'annexe 16 du rapport d'expertise, d'un calcul des amortissements sur la base de 116 véhicules au lieu de 166 constitue une simple erreur matérielle dès lors qu'il ressort des mentions du rapport même et particulièrement de la rubrique " amortissement ", que les amortissements ont été déterminés sur une base de 166 véhicules ; qu'en conséquence, il y a lieu de retenir le taux de marge nette sur la perte de chiffre d'affaires résultant de l'évaluation de l'expert, soit 22,42 %, et de l'appliquer au montant de 3 200 000 euros correspondant au montant minimal du marché ; que le manque à gagner de la société AGL Services s'établit ainsi à 717 440 euros ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AGL Services est seulement fondée à soutenir que son manque à gagner s'établit à 717 440 euros, et que c'est à tort que, dans cette mesure, le tribunal administratif de Marseille n'a fait droit à sa demande indemnitaire qu'à hauteur de 99 200 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

21. Considérant qu'en application de l'article 1153 du code civil, il y a lieu d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008, date de réception de la réclamation indemnitaire de la société ; qu'en application de l'article 1154 du même code, il y a lieu de dire que ces intérêts seront capitalisés le 15 octobre 2009 et à chaque anniversaire de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 2 000 euros à verser à la société AGL Services, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société AGL Services, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2012 est annulé.

Article 2 : Le montant de l'indemnité que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a été condamnée à payer à la société AGL Services est porté de 99 200 euros à 717 440 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008. Les intérêts seront capitalisés le 15 octobre 2009 et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à la société AGL Services une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société AGL Services et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société AGL Services et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 juillet 2016.

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N° 15MA04278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04278
Date de la décision : 04/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Sylvain OUILLON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : MAMELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-04;15ma04278 ?
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