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30/06/2016 | FRANCE | N°15MA05021

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15MA05021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Multimodal Multicargo Leader a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 26 mars 2013 par laquelle l'inspectrice du travail des Bouches-du-Rhône lui a refusé l'autorisation de licencier Mme C..., ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 septembre 2013 ayant rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1307632 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rej

eté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Multimodal Multicargo Leader a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 26 mars 2013 par laquelle l'inspectrice du travail des Bouches-du-Rhône lui a refusé l'autorisation de licencier Mme C..., ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 septembre 2013 ayant rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1307632 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2015 et le 24 mars 2016, la SAS Multimodal Multicargo Leader, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 novembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, la cour doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence se soit prononcée sur l'appel formé par Mme C... contre le jugement du conseil de Prud'homme ayant qualifié en démission sa prise d'acte de rupture du contrat de travail formalisée le 23 août 2013 ;

- le grief relatif à l'extraction de coordonnées de clients est établi et suffisamment grave pour justifier le licenciement, indépendamment des intentions de la salariée quant à l'utilisation de ces données ;

- le grief relatif aux propos agressifs et injurieux de la salariée est également établi et suffisamment grave pour justifier le licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement ne peut pas être regardée comme étant dépourvue d'objet du fait de la prise d'acte de rupture du contrat de travail alors que la salariée a formulé une demande de réintégration dans l'entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, Mme C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'administration devait se déclarer incompétente pour autoriser le licenciement et rejeter la demande de la société requérante dès lors que le contrat était rompu depuis le 28 août 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant que, par un courrier du 31 janvier 2013, la SAS Multimodal Multicargo Leader a demandé l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme C..., employée en qualité d'exploitante import et par ailleurs représentante syndicale ; que, par une décision du 26 mars 2013, l'inspectrice du travail des Bouches-du-Rhône lui a opposé un refus, confirmé le 30 septembre 2013 par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que la SAS Multimodal Multicargo Leader fait appel du jugement en date du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions ;

Sur la légalité du refus d'autorisation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils assistent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;

3. Considérant que la SAS Multimodal Multicargo Leader fait grief, en premier lieu, à Mme C... d'avoir établi une liste manuscrite d'entreprises clientes, à partir des fichiers informatiques de la société, dans le but de la transmettre à un concurrent ; que, si la salariée ne conteste pas avoir dressé une telle liste, celle-ci ne comportait pas d'autres informations que la raison sociale et l'adresse des entreprises clientes et les pièces versées au dossier, notamment les témoignages produits, ne suffisent pas à établir que Mme C..., qui prétend avoir voulu en faire un usage strictement interne à l'entreprise, avait l'intention de la communiquer à des sociétés tierces ; que, si la demande d'autorisation de licenciement fait état à ce propos d'aveux devant témoins de l'intéressée, aucun témoignage n'est produit confirmant la reconnaissance par la salariée d'une intention de nuire aux intérêts de son employeur ; que la SAS Multimodal Multicargo Leader ne démontre pas en quoi l'établissement de cette liste serait par lui-même constitutif d'une faute quel que soit l'usage auquel elle était destiné ; qu'ainsi, comme l'a jugé le tribunal, l'administration a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que le caractère fautif des faits invoqués n'était pas établi ;

4. Considérant que la SAS Multimodal Multicargo Leader reproche, en deuxième lieu, à Mme C... d'avoir eu un comportement irrespectueux à l'égard de ses collègues ; qu'elle produit plusieurs témoignages ainsi qu'une pétition signée par six employés dont il ressort que l'intéressée avait un comportement agressif envers ses collègues, leur adressait des remarques désobligeantes et prenait note dans un carnet de leurs faits et gestes provoquant chez ces derniers le sentiment d'être épiés ; que, si ces documents attestent d'une attitude générale de l'intéressée inappropriée et que ne sauraient justifier les tensions existant avec son employeur, les témoignages produits sont insuffisamment précis et circonstanciés, notamment quant à la nature, la fréquence et le contexte des agissements de la salariée, pour permettre d'établir que le comportement de Mme C... à l'égard de ses collègues a revêtu le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le contrat de travail d'un salarié protégé est rompu dès la prise d'acte, par ce dernier, de la rupture de ce contrat, sans que puissent avoir une incidence sur cette rupture le comportement ultérieur du salarié ; que l'administration doit, dès lors, se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement du salarié lorsqu'elle se prononce postérieurement à la prise d'acte ; qu'il appartient, le cas échéant, au juge administratif de tirer, sans question préjudicielle, les conséquences de la prise d'acte explicite par un salarié protégé de la rupture de son contrat de travail, dès lors qu'elle ressort clairement des pièces du dossier ;

6. Considérant que, par une lettre du 23 août 2013, Mme C... a pris acte de la rupture de son contrat de travail conclu avec la SAS Multimodal Multicargo Leader ; que cette circonstance, postérieure à la décision prise par l'inspectrice du travail le 26 mars 2013, est cependant sans incidence, dès lors qu'à cette date le lien contractuel existant entre la salariée et son employeur n'était pas encore rompu ; qu'ainsi, au moment où elle s'est prononcée, l'inspectrice du travail était compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SAS Multimodal Multicargo Leader ; que, par ailleurs, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle l'inspecteur du travail s'est prononcé, soit, si la décision est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ; qu'ainsi, pour confirmer la décision de l'inspectrice du travail du 26 mars 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'avait pas à tenir compte de la prise d'acte par Mme C... de la rupture de son contrat de travail intervenue postérieurement à cette décision ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que la SAS Multimodal Multicargo Leader n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SAS Multimodal Multicargo Leader demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par Mme C... au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Multimodal Multicargo Leader est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... présentées au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Multimodal Multicargo Leader, à Mme C... et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. B... et M. A...'hôte, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

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N° 15MA05021 5

acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA05021
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation - Recours hiérarchique.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-30;15ma05021 ?
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