Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1202210 du 18 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 21 juin 2013 et régularisée par courrier le 26 juin suivant, et un mémoire enregistré le 11 décembre 2015, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2013 ;
2°) à titre principal, de prononcer la restitution des impositions contestées ;
3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise judiciaire à fin d'éclairer la Cour sur la nature et la qualité des actes pratiqués ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la législation des Etats membres traite de façon identique, au regard des exonérations prévues par le c) du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, les prestations rendues par les chiropracteurs et celles rendues par les professions médicales et paramédicales réglementées ;
- il convient de faire application des dispositions du décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011, du décret n° 2011-127 du 20 septembre 2011 et de l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2011 ;
- il remplit les conditions posées par le droit communautaire, dans la mesure où il produit des éléments attestant de la qualité de la formation qu'il a reçue, laquelle a été contrôlée par l'agence régionale de santé, et du diplôme qu'il a obtenu ;
- il justifie de la qualité des soins qu'il a prodigués à ses clients ;
- dès lors qu'il se trouve en concurrence avec des professions réglementées, la position retenue par l'administration entraîne une rupture d'égalité entre contribuables.
Par des mémoires en défense enregistrés le 7 janvier 2014, le 24 juillet 2014 et le 26 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
- le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;
- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui exerce une activité de chiropracteur, demande la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément déclarés et acquittés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 pour un montant total de 32 952 euros, en se prévalant du bénéfice des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, relatives à l'exonération de cette taxe ; qu'il relève appel du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de restitution ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui reprend les dispositions du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par les dispositions du c) du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
3. Considérant, toutefois, que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue au c) du 1 du A de l'article 13 de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;
5. Considérant que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et que le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'ont été publiés que le 21 septembre 2011 ; que, durant la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés pour ses prestations de chiropraxie, M. A...doit démontrer qu'il dispose, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ;
7. Considérant qu'il appartient, dès lors, à M.A..., pour mettre la Cour à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
8. Considérant que M. A...produit des documents attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui appartient également de fournir des éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; que, s'agissant de la nature des actes accomplis au cours de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, le requérant a communiqué à la Cour de nombreuses " fiches patients " établies en 2009 et 2010 correspondant à un nombre significatif de consultations, qui doivent dès lors être regardées comme représentatives de son activité ; que ces documents mentionnent les antécédents des patients et indiquent explicitement la nature des actes pratiqués ainsi que les zones du corps sur lesquelles ils ont porté ; qu'ils sont assortis d'une attestation d'un kinésithérapeute certifiant que les actes mis en oeuvre par M. A... " sont conformes aux données acquises par la science et sont d'une qualité au moins équivalente à ceux qui seraient mis en oeuvre par un médecin ou un kinésithérapeute pratiquant des actes de chiropraxie " ; qu'ainsi, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que les soins en cause n'étaient pas interdits et n'ont pas été donnés sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis, M. A...doit être regardé comme établissant, par les pièces qu'il produit, que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis au cours de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin ou un kinésithérapeute pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1202210 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Il sera restitué à M. A...la taxe sur la valeur ajoutée dont il s'est acquitté au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, d'un montant de 32 952 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 13MA02560
nc