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27/06/2016 | FRANCE | N°15MA04280

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 27 juin 2016, 15MA04280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...J...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 8 juillet 2011 par laquelle le maire d'Aureille a exercé le droit de préemption sur la parcelle cadastrée section CH n° 11 sise lieu-dit " Derrière Saint-Jean " et la parcelle cadastrée section CE n° 1 sise lieu-dit " En bas du chemin de Saint-Jean " sur le territoire communal, et la décision en date du 17 août 2011 par laquelle cette même autorité a retiré cette décision en date du 8 juillet 2011 et

exercé à nouveau le droit de préemption sur ces mêmes parcelles.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...J...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 8 juillet 2011 par laquelle le maire d'Aureille a exercé le droit de préemption sur la parcelle cadastrée section CH n° 11 sise lieu-dit " Derrière Saint-Jean " et la parcelle cadastrée section CE n° 1 sise lieu-dit " En bas du chemin de Saint-Jean " sur le territoire communal, et la décision en date du 17 août 2011 par laquelle cette même autorité a retiré cette décision en date du 8 juillet 2011 et exercé à nouveau le droit de préemption sur ces mêmes parcelles.

Par un jugement n° 1105810 et n° 1106731 du 12 novembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du maire d'Aureille en date du 8 juillet 2011 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 13MA00168 du 5 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et MmeJ..., annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 novembre 2012 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre la décision du maire d'Aureille du 17 août 2011, ensemble cette décision.

Par une décision n° 375005 du 4 novembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la commune d'Aureille, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 5 décembre 2013 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, initialement enregistrée par le greffe de la Cour sous le n° 13MA00168 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 15MA04280, et un mémoire enregistré le 11 janvier 2013, M. et MmeJ..., représentés par MeI..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille en date du 12 novembre 2012 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire d'Aureille du 17 août 2011 ;

2°) d'annuler la décision du maire d'Aureille en date du 17 août 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aureille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- seul le syndicat mixte du parc naturel régional des Alpilles devait se substituer au département avant la commune ;

- il est impossible de régulariser l'absence de motivation de la décision de préemption du 8 juillet 2011 par la nouvelle décision du 17 août 2011 ;

- cette dernière décision est entachée d'erreurs de fait ;

- le droit de préemption a été en l'espèce exercé par la commune sur des fondements juridiques ne lui permettant pas d'intervenir, et a méconnu les articles L. 142-1, L. 142-3, L. 142-8 et L. 142-16 du code de l'urbanisme, la condition d'ouverture au public n'étant pas remplie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 septembre 2013 et le 1er décembre 2015, la commune d'Aureille, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux J...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme J...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision en date du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. G...Pocheron, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pocheron, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune d'Aureille.

1. Considérant que M. et Mme J...ont conclu avec M. F...et Mme H..., le 11 mai 2011, un compromis de vente par lequel ces derniers s'engageaient à leur céder deux terrains à usage d'oliveraie situés " Derrière-Saint-Jean " et " En-bas-du-chemin-de-Saint-Jean " à Aureille, inclus dans le périmètre d'une zone d'espaces naturels sensibles et dans le territoire du parc naturel régional des Alpilles, dans le département des Bouches-du-Rhône ; que, par lettre du 29 juin 2011, le vice-président du conseil général de ce département a renoncé à l'exercice du droit de préemption sur ces biens en précisant que la commune pouvait exercer ce droit par substitution au département ; que le maire d'Aureille, par une première décision du 8 juillet 2011, les a préemptés par substitution puis, par une seconde décision du 17 août 2011, a retiré cette décision et préempté à nouveau ces mêmes biens ; que M. et Mme J..., acquéreurs évincés, ont demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ; que, par un jugement du 12 novembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 8 juillet 2011 et rejeté le surplus de leur demande ; que, par un arrêt du 5 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'appel de M. et Mme J... et annulé pour excès de pouvoir la décision du 17 août 2011 ainsi que le jugement en tant qu'il avait rejeté leurs conclusions dirigées contre cette décision ; que, par décision du 4 novembre 2015, le Conseil d'Etat, sur pourvoi de la commune, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ; que, dans le dernier état de leurs écritures, M. et Mme J...sollicitent l'annulation du jugement en date du 12 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre la décision du 17 août 2011, ensemble cette décision ;

Sur la légalité de la décision du 17 août 2011 du maire d'Aureille :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non " ; qu'aux termes des premier, troisième, huitième et treizième alinéas de l'article L. 142-3 du même code, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies. / (...) / A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. / (...) / Au cas où le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est territorialement compétent, celui-ci ou, à défaut, la commune, peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas le droit de préemption. Sur le territoire d'un parc national ou d'un parc naturel régional et dans les réserves naturelles dont la gestion leur est confiée, l'établissement public chargé du parc national ou du parc naturel régional ou, à défaut, la commune peut se substituer au département et, le cas échéant, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, si ceux-ci n'exercent pas leur droit de préemption. Pour un parc naturel régional, l'exercice de ce droit de préemption est subordonné à l'accord explicite du département. Au cas où ni le conservatoire ni l'établissement public chargé d'un parc national ou d'un parc naturel régional n'est compétent, la commune peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas son droit de préemption. / (...) / Si, à son expiration, le décret de classement d'un parc naturel régional n'est pas renouvelé, les biens que ce parc a acquis par exercice de ce droit de préemption deviennent propriété du département " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'établissement public chargé d'un parc naturel régional ne peut se substituer au département, en cas de renonciation de celui-ci, pour l'exercice de son droit de préemption sur le territoire du parc, qu'avec son accord explicite ; que, lorsqu'il apparaît que le département n'entend pas donner un tel accord, la commune peut se substituer à lui pour l'exercice du droit de préemption, sans qu'il soit au préalable nécessaire que l'établissement public chargé du parc naturel régional ait été informé de la renonciation du département et ait lui-même expressément renoncé à l'exercice de ce droit ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le département des Bouches-du-Rhône avait informé la commune d'Aureille de sa renonciation à préempter les parcelles en cause et l'avait directement invitée à se substituer à lui, manifestant ainsi son intention de ne pas donner son accord à l'établissement public chargé du parc naturel régional des Alpilles ; que la commune d'Aureille avait ainsi compétence pour préempter les terrains concernés par substitution au département ; que, dès lors, le moyen tiré de qu'il appartenait au seul syndicat mixte du parc naturel régional des Alpilles de substituer le département doit être écarté ;

4. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision du 8 juillet 2011 aurait été insuffisamment motivée est inopérant à l'encontre de la décision en litige du 17 août 2011 et ne peut par suite qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant que la décision contestée vise l'article L. 142-1 précité du code de l'urbanisme et indique que les parcelles concernées se situent dans une zone naturelle sensible et remarquable qui a participé à leur intégration dans la zone Natura 2000 et dans la directive paysage, périmètres de protection de la nature (faune et flore) et des paysages, qu'elles se situent également en zone humide, milieu précieux en zone méditerranéenne sèche, qu'il convient de préserver la source implantée sur ces parcelles appelée " Fontaine Saint-Jean " qui alimente ce secteur, que ces parcelles sont situées à proximité du GR 6, l'un des passages du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, et qu'elles doivent à ce titre bénéficier d'une protection de nature à assurer le maintien de la faune et de la flore, de permettre leur entretien et leur aménagement dans l'intérêt public en organisant leur ouverture au public compatible avec la sauvegarde du site, des paysages et du milieu naturel ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision querellée serait entachée d'erreur de droit aux motifs qu'elle viserait le droit de préemption urbain et non la préemption au titre des espaces naturels sensibles et que le maire d'Aureille n'aurait en conséquence pas vérifié que les parcelles en cause étaient situées dans le périmètre des zones sensibles arrêtées par le préfet des Bouches-du-Rhône ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 142-1, L. 142-3 et L. 142-10 du code de l'urbanisme que les décisions de préemption qu'elles prévoient doivent être justifiées à la fois par la protection des espaces naturels sensibles et par l'ouverture ultérieure de ces espaces au public, sous réserve que la fragilité du milieu naturel ou des impératifs de sécurité n'y fassent pas obstacle ; que, toutefois, la collectivité titulaire du droit de préemption n'a pas à justifier de la réalité d'un projet d'aménagement à la date à laquelle elle exerce ce droit ;

7. Considérant qu'il ressort des motifs sus-rappelés de la décision en cause que la préemption concernée est justifiée par la protection des espaces naturels sensibles, et qu'elle prévoit un aménagement des parcelles destiné à une ouverture au public compatible avec la sauvegarde du site, des paysages et du milieu naturel ; que ce projet d'aménagement n'ayant pas à être justifié, les moyens tirés de l'erreur de fait et de la violation des articles L. 142-1, L. 142-8 et L. 142-10 du code de l'urbanisme en raison de l'absence de visa d'un aménagement particulier d'ouverture ultérieure au public doivent être écartés ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme J...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dirigée contre la décision du maire d'Aureille du 17 août 2011 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune d'Aureille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme J...la somme que ceux-ci réclament au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme J... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aureille et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme J...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme J...verseront à la commune d'Aureille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...épouseJ..., à M. D... J...et à la commune d'Aureille.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2016.

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N° 15MA04280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04280
Date de la décision : 27/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Parcs naturels - Parcs régionaux.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Espaces naturels sensibles - Régime issu de la loi du 18 juillet 1985.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SAYN-URPAR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-27;15ma04280 ?
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