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27/06/2016 | FRANCE | N°15MA02852

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 27 juin 2016, 15MA02852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Chimère a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré cessibles au profit de la Métropole Nice Côte d'Azur les immeubles dont l'acquisition est nécessaire à l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 juin 2012 portant déclaration d'utilité publique du projet de réalisation de la ligne Ouest-Est du tramway de Nice et des aménagements qui lui sont liés.

Par un jugement n° 150

1405 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Chimère a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré cessibles au profit de la Métropole Nice Côte d'Azur les immeubles dont l'acquisition est nécessaire à l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 juin 2012 portant déclaration d'utilité publique du projet de réalisation de la ligne Ouest-Est du tramway de Nice et des aménagements qui lui sont liés.

Par un jugement n° 1501405 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2015, sous le n° 15MA02852, la SARL La Chimère, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 30 novembre 2013 du préfet des Alpes-Maritimes précité.

Elle soutient que :

- elle est recevable à demander par voie d'action et, subsidiairement, par voie d'exception, l'annulation de l'arrêté de cessibilité en date du 30 novembre 2013 et de celui du 15 juin 2012 portant déclaration d'utilité publique ;

- ces arrêtés sont entachés d'illégalité dès lors qu'ils ne la désignent pas alors qu'elle est titulaire au sein de l'immeuble à exproprier d'un droit au bail qui constitue un démembrement du droit de propriété ;

- ils ne lui ont pas été notifiés ;

- l'expropriation de l'immeuble n'est pas nécessaire à la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique dès lors que cette acquisition répond, non pas à l'objet poursuivi par l'arrêté de cessibilité ou même de la déclaration d'utilité publique mais à un souci sécuritaire indémontrable sans lien avec l'utilité du projet ;

- cette expropriation n'est concevable que dans le cadre des pouvoirs de police du maire ou des autorités compétentes ;

- il s'agit d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2015, la Métropole Nice Côte d'Azur conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SARL La Chimère la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la déclaration d'utilité publique est un acte réglementaire qui n'avait pas à viser la SARL La Chimère comme destinataire ;

- l'immeuble dont s'agit a été exproprié car il se situe à un endroit où le tramway souterrain doit ressortir et il y a effectivement un risque de désordres pour l'immeuble et les administrés ;

- elle n'avait pas, en application de l'article L. 13-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à notifier l'arrêté de cessibilité aux locataires ;

- c'est en vain que la requérante invoque la théorie du bilan, l'utilité du projet devant s'apprécier dans le cadre du contrôle de la déclaration d'utilité publique ;

- il n'y a pas de détournement de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de la SARL La Chimère.

Il soutient qu'il reprend l'ensemble des écritures produites en première instance par le préfet des Alpes-Maritimes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la Métropole Nice Côte d'Azur.

1. Considérant que la SARL La Chimère relève appel du jugement en date du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 novembre 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré cessibles au profit de la Métropole Nice Côte d'Azur les immeubles dont l'acquisition est nécessaire à l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 juin 2012 portant déclaration d'utilité publique du projet de réalisation de la ligne Ouest-Est du tramway de Nice et des aménagements qui lui sont liés ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier si cette liste ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 13-2 de ce code : " En vue de la fixation des indemnités, l'expropriant notifie aux propriétaires et usufruitiers intéressés soit l'avis d'ouverture de l'enquête, soit l'acte déclarant l'utilité publique, soit l'arrêté de cessibilité, soit l'ordonnance d'expropriation. / Le propriétaire et l'usufruitier sont tenus d'appeler et de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 11-28 du même code : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. / Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955 (...) " ;

3. Considérant que la SARL La Chimère n'est pas fondée à soutenir que le considérant n° 3 du jugement attaqué est superflu dès lors que, par ce dernier, le tribunal a répondu au moyen soulevé devant lui par la requérante et tiré de ce que les arrêtés de cessibilité et portant déclaration d'utilité publique querellés seraient illégaux en ce qu'ils ne la viseraient pas ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". " ;

5. Considérant que si la SARL La Chimère soutient que la question de savoir si les " propriétaires commerciaux " doivent être mentionnés dans les actes qui font grief individuellement se discute et qu'elle se réserve le droit de déposer une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, il est constant qu'elle n'a pas déposé une telle question par un mémoire distinct tel que prévu par les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative ; qu'il s'en suit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes " ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SARL La Chimère, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de la mentionner, ainsi que son bail commercial, dans l'arrêté de cessibilité querellé dès lors que par ce dernier et l'arrêté portant déclaration d'utilité publique dont il découle, le préfet n'a nullement entendu autoriser l'expropriation de son bail commercial et des droits y afférents ; que l'absence de notification de l'arrêté de cessibilité contesté à la société requérante est sans incidence sur la légalité de cet acte ; que, par ailleurs la décision portant déclaration d'utilité publique, qui n'est pas une mesure individuelle et n'est déjà pas notifiée aux différents propriétaires concernés, n'a pas à l'être aux titulaires de droits susceptibles d'être remis en cause par l'expropriation ; que cette décision n'a pas davantage à les mentionner en l'absence de toute disposition législative et réglementaire en ce sens ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 13-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le propriétaire de l'immeuble exproprié est tenu d'appeler, et de faire connaître à l'expropriant, les locataires, lesquels sont informés de l'existence de l'expropriation, au cours de la procédure d'indemnisation ; que, dans ce cadre, l'appelante a pu ainsi prendre connaissance de l'existence des arrêtés de cessibilité et portant déclaration d'utilité publique litigieux et contester leur légalité devant le tribunal administratif de Nice puis devant la Cour et n'a, par suite, été privée d'aucun droit ; que, dans ces conditions, l'article L. 11-8 du même code n'est pas contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant que le projet déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral en date du 15 juin 2012 a pour objet la construction de la deuxième ligne du tramway de Nice sur un axe Ouest-Est ; que par l'arrêté querellé en date du 30 novembre 2013, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré cessible, en vue de cette opération, l'immeuble sis 22 rue Catherine Ségurane à Nice au sein duquel la SARL La Chimère est locataire en vertu d'un bail commercial conclu le 23 octobre 2007 ; que la Métropole Nice Côte d'Azur justifie l'utilité de cette expropriation par la circonstance que cet immeuble étant situé au niveau du débouché du parcours souterrain de la ligne de tramway, son acquisition permettra d'assurer la sécurité de l'ouvrage et celle des personnes ; que cette expropriation constitue, ainsi, une conséquence directe et nécessaire des travaux de construction de la ligne du tramway de Nice alors même qu'elle répondrait à un objectif de sécurité et sans qu'il soit besoin pour le maire de faire usage de ses pouvoirs de police administrative ; que la circonstance que l'immeuble en question ne serait pas détruit ou ne ferait pas l'objet de travaux à la date de l'arrêté de cessibilité querellé est sans incidence sur la légalité de ce dernier ; qu'ainsi, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation ; que pour les mêmes motifs, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur que la SARL La Chimère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 novembre 2013 du préfet des Alpes-Maritimes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la SARL La Chimère quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL La Chimère la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Métropole Nice Côte d'Azur et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL La Chimère est rejetée.

Article 2 : La SARL La Chimère versera à la Métropole Nice Côte d'Azur la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Chimère, à la Métropole Nice Côte d'Azur et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2016.

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N° 15MA02852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02852
Date de la décision : 27/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP AÏACHE-TIRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-27;15ma02852 ?
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