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09/06/2016 | FRANCE | N°15MA03685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 15MA03685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur la demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux et de sa fille qu'elle lui a adressée le 12 janvier 2012.

Par un jugement n° 1304453 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 201

5, Mme D... épouseA..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur la demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux et de sa fille qu'elle lui a adressée le 12 janvier 2012.

Par un jugement n° 1304453 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2015, Mme D... épouseA..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'autoriser le regroupement familial ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Mazas en application des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision critiquée méconnaitrait la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- sa requête présentée devant le tribunal administratif n'est pas tardive ;

- la décision critiquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... épouse A...ne sont pas fondés.

Mme D... épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ouillon.

1. Considérant que Mme D... épouseA..., ressortissante marocaine née en 1977, qui réside en France sous couvert d'un titre de séjour avec deux de ses enfants, a présenté, le 12 janvier 2012, une demande de regroupement familial au bénéfice de son époux et de sa fille,B... ; que Mme D... épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande ; que, postérieurement à l'introduction de sa requête devant le tribunal administratif, par décision du 15 janvier 2014, le préfet de l'Hérault a expressément rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme D... épouse A...en raison de l'insuffisance de ses ressources ; que, par le jugement attaqué, le tribunal, après avoir considéré que les conclusions présentées par Mme D... épouse A...devaient être regardées comme dirigées contre la décision du 15 janvier 2014, a rejeté sa demande ;

Sur la décision de rejet de la demande de regroupement familial :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse A...est entrée en France en 2001, accompagnée de sa fille B...alors âgée de cinq ans, pour y rejoindre ses parents et sa fratrie, et y séjourne depuis lors sous couvert de titres de séjour temporaire régulièrement renouvelés ; que son époux, un compatriote qu'elle a épousé le 7 août 1994, l'a rejoint en 2002 ; que le couple a eu deux autres enfants nés en France en 2002 et en 2004 qui résident toujours sur le territoire national et y sont scolarisés ; que Mme D... épouse A...exerce un emploi d'agent d'entretien dans le cadre de plusieurs contrats à durée indéterminée à temps partiel ; que la jeuneB..., pour laquelle la requérante a demandé le bénéfice du regroupement familial, a vécu en France jusqu'à l'âge de seize ans avant de retourner au Maroc en 2012 et a toujours été scolarisée durant cette période ; qu'il n'est pas contesté que l'époux de la requérante, dont l'absence est à l'origine des problèmes scolaires des deux autres enfants de cette dernière, comme il ressort de rapports de psychologues, a vécu en France pendant neuf ans ; que, dans ces conditions, alors même que les ressources de Mme D... épouse A...n'étaient pas suffisantes sur la seule période des douze mois précédant sa demande de regroupement familial, le préfet de l'Hérault a porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant le bénéfice du regroupement familial ; que pour ce motif, la décision du 15 janvier 2014 du préfet de l'Hérault doit être annulée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que Mme D... épouse A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande " ; que, s'il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées, de statuer sur ces conclusions, en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée ;

6. Considérant que l'annulation de la décision de refus de regroupement familial du 15 janvier 2014 implique nécessairement, eu égard aux motifs mentionnés au point 3 du présent arrêt, que le préfet de l'Hérault délivre l'autorisation de regroupement familial sollicitée à l'époux de Mme D... épouse A...et à sa filleB... ; que, dès lors qu'en application de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'âge des bénéficiaires du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que la jeune B...née le 10 juillet 1996 soit devenue majeure à la date du présent arrêt demeure à cet égard sans influence ; que le préfet de l'Hérault ne fait état d'aucune circonstance de fait qui s'opposerait à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial à cette même date ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au préfet de prendre cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Mazas, avocat de Mme D... épouseA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1304453 du 29 décembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de l'Hérault du 15 janvier 2014 rejetant la demande de regroupement familial présentée par Mme D... épouse A...est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault d'autoriser le regroupement familial au profit de l'époux de Mme D... et de sa fille B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Mazas la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...épouseA..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juin 2016.

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N° 15MA3685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03685
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain OUILLON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCM MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-09;15ma03685 ?
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