Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...Le a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays d'éloignement ainsi que l'arrêté préfectoral du même jour le plaçant en rétention administrative.
Par un jugement n° 1408343 du 24 novembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. Le.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2014, M. Le, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les deux arrêtés du 19 novembre 2014 ;
3°) subsidiairement, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 19 novembre 2014, afin de lui permettre de régulariser sa situation administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) d'ordonner au préfet de communiquer l'ensemble des pièces sur lesquelles il s'est fondé pour prendre la décision contestée ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le préfet n'a pas transmis au tribunal les pièces sur lesquels il s'est fondé pour décider la mesure d'éloignement ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le préfet n'a pas vérifié la situation du marché de l'emploi avant de rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de salarié par décision du 22 août 2012 et de vérifier si l'emploi de cuisinier pouvait lui être proposé compte tenu de ses compétences avant de lui opposer la mesure d'éloignement ;
- il pouvait bénéficier de plein droit de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ;
- il justifie d'un droit au séjour au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et au titre du regroupement familial ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- la décision décidant son placement en rétention administrative est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 24 novembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. Le, de nationalité vietnamienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays d'éloignement ainsi que de l'arrêté préfectoral du même jour le plaçant en rétention administrative ; que M. Le relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ;
3. Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier ni, en tout état de cause, que le préfet n'aurait pas transmis au tribunal les pièces sur lesquelles il s'est appuyé pour édicter la mesure d'éloignement et qui n'auraient pas déjà été produites par M. Le, ni que le jugement serait fondé sur des pièces qui n'aurait pas été communiquées à M. Le ; que, par suite, le moyen tiré du non-respect du caractère contradictoire de la procédure ne peut être accueilli ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de séjour en date du 22 août 2012 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable ; que ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Le, né le 9 juillet 1987, est entré en France au mois de juillet 2012 sous couvert d'un visa touristique ; qu'il y a rejoint sa mère, qui a acquis en 2011 la nationalité française, dont il était séparé depuis le courant de l'année 2001 ; qu'il n'allègue pas être dépourvu d'attaches au Vietnam où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; que, d'autre part, dans le cadre de l'examen de la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" à titre exceptionnel, le préfet a opposé le caractère très récent de l'entrée sur le territoire français de l'intéressé, le fait que le métier de cuisinier, pour lequel la mère de M. Le, qui exploite un restaurant proposant une cuisine asiatique, a délivré une promesse d'embauche, ne figure pas sur la liste des métiers connaissant des difficultés de recrutement annexée à l'arrêté ministériel du 11 août 2011 et la possibilité qu'avait l'employeur d'utiliser la procédure d'introduction d'un travailleur étranger en France ; que, dans ces conditions, le rejet de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. Le n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, alors même que le préfet n'a pas vérifié la situation de l'emploi pour ce qui concerne le métier de cuisinier, M. Le ne justifiant au demeurant pas de sa qualification professionnelle ; qu'ainsi doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour en date du 22 août 2012 ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne les autres moyens :
8. Considérant, en premier lieu, qu'indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure que si l'étranger se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement forcée ; que M. Le ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il peut bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des dispositions du même code relatives au regroupement familial et à la carte de séjour portant la mention salarié dès lors que, en tout état de cause, ces titres ne relèvent pas des cas de délivrance de plein droit ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. Le ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 sur la situation personnelle et familiale de M. Le, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été édictée ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Sur la légalité de la décision portant placement en rétention administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Le s'est soustrait à une invitation à quitter le territoire français du 12 septembre 2012 et ne conteste pas ne pas justifier de la possession d'un document de voyage, qui, selon ses déclarations aux services de police lors de son interpellation, lui aurait été dérobé ; que, s'il produit dans l'instance une attestation d'hébergement établie par sa mère, il a déclaré aux mêmes services de police vivre chez un ami à Marseille et, dès lors, n'établit pas disposer d'un lieu de résidence permanent ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant que M. Le ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes et en le plaçant, pour ce motif, en rétention administrative ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet de communiquer l'ensemble des pièces sur lesquelles il s'est fondé, que M. Le n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que, en tout état de cause, celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. Le est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...Le et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juin 2016.
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N° 14MA04983
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