Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier à titre principal, d'ordonner une expertise, à titre subsidiaire de condamner le centre hospitalier du bassin de Thau à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait des fautes commises lors de sa prise en charge le 14 juin 2011 et les jours suivants.
Par un jugement n° 1200570, 1305323 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2014, Mme B..., représentée par la Selarl d'avocats BCA Bernier et d'Alimonte, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 8 avril 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier du bassin de Thau à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du bassin de Thau le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- à titre principal, l'expertise demandée présente un caractère utile pour notamment déterminer et chiffrer ses préjudices en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier ;
- à titre subsidiaire, le centre hospitalier a commis une faute de surveillance dès lors qu'elle présentait une fragilité particulière connue ;
- le retard de prise en charge après sa chute du 14 juin 2011 est constitutif d'une faute ;
- le centre hospitalier n'a pas à tort requis les services du SAMU pour la conduire aux urgences.
Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2015, le centre hospitalier du bassin de Thau, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête.
Le centre hospitalier fait valoir que :
- la demande d'expertise n'est pas utile ;
- la requérante n'établit pas un manquement du centre hospitalier à son obligation de surveillance ;
- aucun retard de prise en charge ne peut être reproché au centre hospitalier ;
- la requérante n'établit pas que son transfert aux urgences de l'hôpital en taxi aurait eu des conséquences dommageables sur son état de santé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
1. Considérant que Mme B..., alors âgée de 97 ans, a fait une chute le 14 juin 2011 alors qu'elle séjournait temporairement, depuis le 4 mai 2011, dans l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du centre hospitalier de bassin de Thau à Marseillan; que cette chute lui a occasionné plusieurs traumatismes ; qu'elle a été admise le jour même aux urgences du centre hospitalier du bassin de Thau où des examens cliniques et radiologiques ont été pratiqués ; qu'elle a séjourné au sein du pôle gérontologique de l'hôpital du 16 juin 2011 au 31 août 2011 ; qu'estimant que la responsabilité du centre hospitalier était engagée pour défaut de surveillance de l'EHPAD et pour l'inadaptation de son transport après sa chute au centre hospitalier du bassin de Thau de nature à engager la responsabilité pour faute de cet hôpital, elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner une expertise et de réparer ses préjudices ; que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ; qu'en appel, Mme B... demande à la Cour à titre principal, d'ordonner une expertise, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier du bassin de Thau à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices ; que le centre hospitalier conclut au rejet de sa requête ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, régulièrement mise en cause, n'a pas produit d'observation ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...). "; qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision " ;
3. Considérant qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi ; qu'il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B... est entrée le 4 mai 2011 dans l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Claude Goudet à Marseillan relevant du centre hospitalier du bassin de Thau ; qu'un certificat du médecin de l'EHPAD du 27 décembre 2011 indique qu'à son entrée, l'examen clinique de la patiente ne présentait pas de particularité et que sa désorientation temporo-spatiale était en rapport avec la maladie d'Alzheimer ; que, pour établir que le personnel de l'établissement avait connaissance d'un état de santé présentant des risques prévisibles de chute, Mme B... produit notamment les pièces en sa possession de son dossier médical mentionnant son état de santé sept et cinq mois avant sa chute, une fiche "évaluation de l'autonomie" du 14 février 2011 indiquant dans la case cochée "déplacement intérieur : risques de chutes", qui ne porte pas le nom du malade et qui est dépourvue de signature, une indication chirurgicale datée du 31 mai 2011, deux semaines avant sa chute, de l'important prolapsus rectal dont elle était atteinte ; que la requérante soutient aussi que son transport en taxi plutôt que dans un véhicule médicalisé du SAMU, après sa chute le 14 juin 2011 de l'EHPAD de Marseillan aux urgences du centre hospitalier du bassin de Thau a eu des conséquences dommageables, eu égard notamment à son grand âge, sur son état de santé ; que si, en l'état du dossier, les éléments produits par la requérante ne permettent pas de retenir que le centre hospitalier a commis une faute de surveillance au regard du risque connu de chute et un retard de prise en charge adapté après la chute de l'intéressée susceptibles d'engager la responsabilité du centre hospitalier, ces éléments sont suffisants pour rendre utile, contrairement à ce que soutient l'hôpital, l'expertise demandée par Mme B... ; que la Cour n'étant pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments recueillis, il y a lieu d'ordonner une expertise dans les conditions et aux fins précisées ci-après :
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec le centre hospitalier du bassin de Thau et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault en vue de :
1°) l'expert se fera communiquer le dossier médical de Mme C...B...lors de son admission à l'EHPAD de Marseillan et tous documents relatifs à son état de santé et à sa prise en charge quotidienne pendant son séjour dans cet établissement ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme C...B... ;
2°) donner un avis motivé sur le point de savoir si compte tenu de l'état de santé de Mme B... et d'un risque de chute connu du personnel, elle a fait l'objet d'une surveillance diligente à l'EHPAD de Marseillan ou si des erreurs ou des manquements ont été commis ;
3°) de décrire les conditions de la chute du 14 juin 2011 et du transport aux urgences du centre hospitalier du bassin de Thau ; de dire, en particulier, si compte tenu de sa chute, les modalités et le délai de transport aux urgences du centre hospitalier du bassin de Thau ont été adaptés à l'état de santé de la patiente ou s'ils ont contribué à l'aggravation de cet état ; dans cette dernière hypothèse, de donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés ont fait perdre à Mme C... B...une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé ; donner son avis, le cas échéant, sur l'ampleur de la chance perdue par Mme B... d'éviter cette aggravation en la quantifiant ;
4°) de préciser si l'état de santé de Mme B... peut être considéré comme consolidé et dans l'affirmative, en fixer la date ;
5°) le cas échéant, décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme directement et exclusivement imputables aux manquements commis par le centre hospitalier du bassin de Thau dans la prise en charge de la chute de Mme B... le 14 juin 2011 ;
6°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. En application des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la prestation de serment et en notifiera une copie aux parties intéressées.
Article 3 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au centre hospitalier du bassin de Thau et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, où siégeaient :
- M. Laso, président assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mai 2016.
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N° 14MA02492