Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Narbonne et l'Office national des forêts à lui verser la somme totale de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant de son accident dû à la chute d'une branche d'arbre le 4 mai 2010 à Narbonne.
Par un jugement n° 1200246 du 22 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2014 et par deux mémoires complémentaires enregistrés les 17 juillet 2014 et 27 août 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner la commune de Narbonne et l'Office national des forêts à lui verser la somme totale de 112 664,31 euros en réparation de son préjudice ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Narbonne et de l'Office national des forêts le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la chute de la branche d'arbre à l'origine de son dommage révèle un défaut d'entretien normal de la voie publique ;
- la responsabilité de la commune de Narbonne et de l'Office national des forêts est ainsi engagée ;
- la force majeure ne peut pas être retenue en l'espèce.
Par un mémoire enregistré le 28 mai 2014, l'Office national des forêts, représenté par la SCP d'avocats Coste-Berger-Pons-Daudé-Vallet, conclut à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions de la caisse du régime social des indépendants (RSI) du Languedoc-Roussillon et de la commune de Narbonne dirigées à son encontre, à titre subsidiaire, à ce que la demande indemnitaire du requérant soit ramenée à de plus justes proportions et en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge du requérant le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des entiers dépens.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la chute de la branche constitue un cas de force majeure ;
- le défaut d'entretien par la commune n'est pas établi ;
- il n'a pas commis de faute dans l'exécution du marché de vérification de l'état des arbres qui lui a été confié par la commune de Narbonne ;
- à titre subsidiaire, la demande indemnitaire du requérant est excessive ;
- les pertes financières et l'incidence professionnelle ne sont pas établies.
Par deux mémoires enregistrés les 7 mai 2015 et 22 décembre 2015, la commune de Narbonne, représentée par la SELARL d'avocats Phelip et associés, conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la demande indemnitaire du requérant soit ramenée à de plus justes proportions, à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de l'Office national des forêts à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, et, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge du requérant le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle établit l'entretien des arbres bordant la voie publique ;
- l'expert conclut que c'est la force du vent qui a déclenché la rupture de la branche ;
- les sommes réclamées par le requérant sont excessives ;
- l'Office national des forêts devra la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Par courrier du 5 avril 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur les conclusions dirigées contre l'Office national des forêts, qui n'exerce pas en l'espèce de prérogatives de puissance publique.
Par des mémoires enregistrés respectivement les 7 avril 2016 et 22 avril 2016, 8 avril 2016 et 18 avril 2016, la commune de Narbonne, M. C... et l'Office national des forêts ont répondu à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code forestier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me A...pour M.C....
1. Considérant que M. C... a été victime le 4 mai 2010 alors qu'il circulait au volant de son véhicule, de la chute d'une branche de platane boulevard du Général de Gaulle à Narbonne ; que cet accident lui a causé plusieurs traumatismes ; que saisi à sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert médical qui a déposé un premier rapport le 10 septembre 2010 et un second rapport, après consolidation de l'état de santé de la victime, le 17 novembre 2011 ; que l'expert forestier désigné par le même juge aux fins de déterminer notamment l'état sanitaire de l'arbre a déposé son rapport le 7 novembre 2011 ; qu'estimant que la responsabilité de la commune de Narbonne et de l'Office national des forêts (ONF) chargé notamment de vérifier l'état sanitaire et sécuritaire des arbres en application d'un marché public passé le 14 septembre 2007 avec la ville, était engagée pour défaut d'entretien de la voie publique, M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation solidaire de la commune de Narbonne et de l'ONF à réparer ses préjudices ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ; que M. C... demande en appel que la commune de Narbonne et l'ONF soient condamnés à l'indemniser à hauteur de 112 664,31 euros au titre de la réparation de son préjudice ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du cahier des clauses techniques particulières du marché passé le 14 septembre 2007 entre la commune et l'ONF, qu'en confiant à l'ONF la mission de vérifier le contrôle phytosanitaire des arbres bordant les artères principales de la ville, la commune de Narbonne ne lui a confié aucune prérogative de puissance publique ; qu'il s'ensuit que, ainsi que les parties en ont été informées, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des conclusions de M. C... tendant à la condamnation de l'Office à indemniser ses préjudices ; que, par suite, le jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. C... dirigées contre l'Office national des forêts ; qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur la responsabilité :
4. Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que lors de son accident, M. C... était usager de la voie publique dont l'arbre constitue une dépendance ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du cahier des clauses techniques particulières du marché que l'ONF, dans le cadre de son inspection des arbres, effectue un premier tri permettant, sur un secteur de la ville, de séparer les arbres dangereux et ceux qui ne présentent pas de signe avant coureur visible présentant un risque ; qu'une fois ce premier tri validé par la commune, seuls les arbres retenus font l'objet d'un diagnostic détaillé avec notamment visite du houppier et sondage au résistographe permettant d'analyser la gravité des défauts repérés ; que l'expert forestier désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a estimé que ce tri était "de bon sens" eu égard au nombre important d'arbres gérés par la ville, dès lors qu'une inspection approfondie de chaque sujet ne se justifiait pas systématiquement ; que l'arbre dont la branche a chuté sur le véhicule de M. C... a été écarté en 2008 lors du premier tri de l'ONF et a fait l'objet d'un diagnostic à partir du sol au motif que son examen visuel n'avait décelé aucune anomalie apparente justifiant le recours à une expertise détaillée ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert forestier désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que la partie ouest de ce platane était atteinte par un champignon dangereux à l'origine de la pourriture de la branche qui a rompu sous l'effet du vent violent qui soufflait par rafale de 110 km par heure le jour de l'accident ; que l'expert indique que si le champignon était déjà certainement présent sur la branche lors du contrôle opéré en 2008 par l'ONF, il ne peut affirmer que les symptômes de sa contamination fongique étaient visibles du bas de l'arbre en 2008 ; que le requérant ne conteste pas utilement que l'aspect extérieur de l'arbre ne permettait pas de déceler son mauvais état interne en se bornant à soutenir que les deux cavités, relevées par l'homme de l'art au cours de ses opérations d'expertise en 2011, sur les branches charpentières du platane aurait dû alerter les agents de l'ONF lors de leur inspection en 2008 ; qu'en outre, les photographies de l'arbre après sa chute montrent qu'il portait des feuilles et avait l'apparence d'un arbre sain ; qu'ainsi, la commune de Narbonne apporte la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de l'arbre à l'origine des dommages subis par le requérant ; que, dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune de Narbonne est engagée sur ce fondement ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Narbonne, qui n'est pas la partie perdante au litige, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. C... à verser à la commune de Narbonne la somme que la commune demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de l'Office national des forêts.
Article 2 : Les conclusions de M. C... dirigées contre l'Office national des forêts sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune de Narbonne, à l'Office national des forêts et à la caisse du régime social des indépendants.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, où siégeaient :
- M. Laso, président assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mai 2016.
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N°14MA00347
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