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10/05/2016 | FRANCE | N°15MA00316

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 10 mai 2016, 15MA00316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts B...ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 6 janvier 2014 portant approbation du plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt de la commune de Carros.

Par un jugement n° 1400982 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2015 et le 14 janvier 2016, les consortsB..., repr

sentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts B...ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 6 janvier 2014 portant approbation du plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt de la commune de Carros.

Par un jugement n° 1400982 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2015 et le 14 janvier 2016, les consortsB..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de ce que des erreurs factuelles avaient conduit à un classement erroné de leurs parcelles en zone rouge ;

- la procédure est irrégulière faute pour les auteurs du plan d'avoir suffisamment associé à son élaboration la commune de Carros, la métropole Nice Côte d'Azur et le syndicat mixte d'étude et de suivi du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Nice Côte d'Azur ;

- la chambre d'agriculture s'est estimée à tort incompétente pour émettre un avis sur le projet de plan, sa réponse équivalant ainsi à une absence d'avis ;

- l'enquête publique est irrégulière dans la mesure où le commissaire enquêteur a tenu compte dans l'élaboration de son rapport d'enquête d'observations parvenues tardivement et a cru devoir annexer au registre d'enquête d'autres observations parvenues après l'envoi du procès-verbal de synthèse et y répondre ;

- des erreurs factuelles provenant d'une méconnaissance du terrain ont conduit à un classement erroné de leurs parcelles en zone rouge ;

- le plan, élaboré sur la base d'études anciennes, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement de leurs parcelles en zone rouge inconstructible porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par les consorts B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes a, par arrêté du 6 janvier 2014, approuvé le plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt (PPRIF) de la commune de Carros, lequel a classé les parcelles cadastrées D n° 265, 266, 267, 268 et 271, appartenant à M. et Mme B..., pour partie en zone rose RO et pour partie en zone rouge R, inconstructible ; que les intéressés relèvent appel du jugement du 18 novembre 2014, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en relevant que le niveau du risque prévisible resterait fort sur la partie des parcelles D 265 et D 266 et sur les parcelles D 267, D 268 et D 271 classées en zone rouge par les auteurs du plan, nonobstant les différents éléments de faits dont se prévalaient les requérants, même après réalisation des travaux de réduction de la vulnérabilité et, après avoir indiqué qu'eu égard à l'objet du plan tel qu'il est défini par l'article L 562-1 du code de l'environnement les intéressés ne pouvaient utilement soutenir que leurs terrains étaient en partie construits ou qu'ils accepteraient de procéder à tous travaux utiles, les premiers juges ont nécessairement écarté l'argument avancé par M. et Mme B... selon lesquels des erreurs factuelles avaient conduit à un classement erroné de leurs parcelles en zone rouge ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission de réponse à un moyen ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. / Sont associés à l'élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. / Après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier et après avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles il doit s'appliquer, le plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé par arrêté préfectoral. Au cours de cette enquête, sont entendus, après avis de leur conseil municipal, les maires des communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer. " ; qu'aux termes de l'article R. 562-7 du même code : " Le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles est soumis à l'avis des conseils municipaux des communes et des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l'élaboration des documents d'urbanisme dont le territoire est couvert, en tout ou partie, par le plan./ Si le projet de plan contient des mesures de prévention des incendies de forêt ou de leurs effets ou des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde relevant de la compétence des départements et des régions, ces dispositions sont soumises à l'avis des organes délibérants de ces collectivités territoriales. Les services départementaux d'incendie et de secours intéressés sont consultés sur les mesures de prévention des incendies de forêt ou de leurs effets./Si le projet de plan concerne des terrains agricoles ou forestiers, les dispositions relatives à ces terrains sont soumises à l'avis de la chambre d'agriculture et du centre national de la propriété forestière./Tout avis demandé en application des trois alinéas ci-dessus qui n'est pas rendu dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande est réputé favorable " ; que selon l'article R 562-9 dudit code : " A l'issue des consultations prévues aux articles R. 562-7 et R. 562-8, le plan, éventuellement modifié, est approuvé par arrêté préfectoral " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes a organisé préalablement à l'élaboration du plan de prévention en litige une concertation avec la commune de Carros et la métropole Nice Côte d'Azur ainsi que l'attestent les six réunions tenues notamment avec ces personnes publiques entre le 17 novembre 2011 et le 2 avril 2012 ; que le projet a été ensuite soumis pour avis au conseil municipal de Carros, au conseil de la métropole Nice Côte d'Azur ainsi qu'au syndicat mixte d'étude et de suivi du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Nice Côte d'Azur ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le 3 décembre 2012, date à laquelle ces personnes publiques ont été consultées, les études techniques du projet de plan étaient achevées ; que ni la circonstance que la commune de Carros et la métropole Nice Côte d'Azur ont relevé dans l'avis qu'elles ont émis des erreurs affectant la liste des voies de circulation défendues ou la carte des hydrants, ni le fait qu'elles aient émis, comme le syndicat mixte d'étude et de suivi du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Nice Côte d'Azur, un avis défavorable sur le projet de plan n'est de nature à établir que la concertation menée en application des dispositions précitées de l'article L. 562-3 du code de l'environnement aurait été insuffisante ou que ces dispositions auraient été méconnues ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le projet de plan a été soumis à la chambre d'agriculture le 3 décembre 2012 ; que, dans un courrier du 21 janvier 2013, celle-ci a émis un avis favorable sur le projet présenté après avoir relevé qu'il favorisait le maintien des activités agricoles ; que si la chambre d'agriculture a également relevé dans ce même courrier qu'elle n'avait pas " compétence pour juger des études conduisant à déterminer les différentes zones à risques ", cette observation n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'avis émis et n'est pas davantage susceptible de le faire regarder comme inexistant ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que conformément aux prévisions de l'arrêté portant ouverture de l'enquête publique relative au PPRIF de la commune de Carros, le commissaire enquêteur a clos l'enquête publique le 29 mars 2013 à 16 heures 30 ; qu'aucune règle ni aucun principe ne faisaient obstacle à ce qu'il annexe au registre de l'enquête publique trois courriers reçus le même jour par le service d'urbanisme de la mairie ; que s'il a également annexé à ce même registre trois autres courriers reçus le 4 avril 2013, postérieurement à la clôture de l'enquête, cette circonstance n'a, en tout état de cause, pas été de nature à exercer une quelconque influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur avait dès le 2 avril 2012, soit deux jours avant la réception de ces observations, adressé son procès-verbal de synthèse au service compétent et que celles-ci n'ont eu aucune incidence sur le sens de l'avis émis ;

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.-L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, que les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les données des études menées pour l'élaboration du PPRIF de la commune de Carros ; que la seule circonstance que le plan a été prescrit en 1997 ne suffit pas à établir qu'il aurait été élaboré à partir d'études obsolètes ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant aux requérants, constituées d'anciennes terrasses de cultures, sont situées à l'interface d'une zone urbanisée et d'espaces naturels, dans la continuité d'un ensemble fortement boisé ; que le rapport de présentation du plan a recensé cent quarante cinq incendies sur le territoire de la commune de Carros depuis 1929 ayant conduit à la destruction de neuf cent trente six hectares ; que l'analyse spatiale des feux sur le territoire communal a mis en évidence qu'ils frappaient principalement les zones de contact entre milieu urbain et espaces naturels ; qu'il n'est pas contesté que les parcelles litigieuses sont situées sur des coteaux avec une pente exposée à l'ouest à proximité d'un vallon densément boisé en contre bas ; qu'en raison à la fois du volume, de la densité et de la combustibilité de la végétation existante, elles présentent une vulnérabilité importante au risque d'incendie de forêt ; qu'en outre, ces parcelles ne sont accessibles que par une voie étroite pénétrant dans la forêt communale et peu entretenue, rendant ainsi l'accès difficile aux véhicules de secours et augmentant cette vulnérabilité ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions du code de l'environnement citées au point 7 ci-dessus que le classement de terrains par un plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt en application du 1° du II de l'article L. 561-2 du code a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ; que si les requérants se prévalent de la présence de deux hydrants normalisés au droit de leur propriété, d'une aire de retournement naturelle pour les véhicules de secours, de deux bassins d'alimentation en eaux et de deux piscines, ces équipements ne peuvent constituer que des moyens d'appoint et d'une efficacité limitée dans la lutte contre les incendies ; qu'ils sont ainsi sans incidence sur le classement opéré au regard des objectifs poursuivis par le plan qui vise à prévenir les risques naturels d'incendies de forêt ; que le préfet n'a pas à tenir compte des aménagements susceptibles d'être réalisés mais qui n'existaient pas à la date de sa décision ; que, dès lors, la faculté de procéder à des aménagements pour limiter les risques d'incendie est sans incidence sur le classement opéré au regard des objectifs poursuivis par le plan qui vise à prévenir les risques naturels d'incendies de forêt ; que si des défrichements ont pu être opérés, il n'est nullement garanti, en tout état de cause, que leur propriétaire s'acquitterait en permanence et pour l'avenir de ses obligations en la matière ; que, dans ces conditions, eu égard à l'objectif de préservation retenu par les auteurs du plan litigieux concernant les massifs forestiers et compte tenu de la nature des terrains en cause et de leur topographie, le préfet des Alpes-Maritimes, en décidant de classer en zone rouge une partie des parcelles de M. et Mme B..., n'a " ni méconnu la réalité du terrain " ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le critère de distinction retenu pour le classement des parcelles litigieuses en zone rouge inconstructible, qui est adapté à l'objectif de prévention des risques d'incendie poursuivi par le plan et qui n'est pas entaché de disproportion manifeste, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 janvier 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts B...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la commune de Carros.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

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N° 15MA00316

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00316
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP AUGEREAU - CHIZAT - MONTMINY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-10;15ma00316 ?
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