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09/05/2016 | FRANCE | N°15MA03687

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 mai 2016, 15MA03687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2014/340/540 du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014 par lequel celui-ci a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de renvoi ; d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexame

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2014/340/540 du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014 par lequel celui-ci a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de renvoi ; d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1405583 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2015, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser directement à Me A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en considérant que l'exposante n'établissait pas le caractère indispensable de sa présence en France auprès de son père, les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de droit au regard de la notion de tiers indispensable consacrée par la jurisprudence ;

- il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que l'exposante tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'exposante ;

- la décision octroyant à l'exposante un délai de départ volontaire de seulement trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gautron.

1. Considérant que Mme B..., née le 18 octobre 1972 à Tiflet (Maroc) et de nationalité marocaine, déclare être arrivée en France au cours de l'année 2009, sous couvert d'un visa de long séjour de type " Schengen " délivré le 21 mars de la même année par les autorités espagnoles à l'intéressée en sa qualité de " travailleur temporaire " et valable pour un durée de 120 jours à partir d'une entrée unique en Espagne entre le 15 mars et le 31 juillet suivant ; qu'elle a déjà fait l'objet, les 14 juin 2011 et 8 novembre 2012, de deux refus de séjour accompagnés de mesures d'éloignement, en suite de demandes présentées au titre de sa vie privée et familiale ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2015, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014, par lequel celui-ci lui a refusé une nouvelle fois la délivrance d'un tel titre et ordonné son éloignement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'en application de ces dernières stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le père de Mme B..., âgé de 84 ans et séjournant régulièrement sur le territoire national à la date de l'arrêté attaqué, souffre de nombreuses pathologies fortement invalidantes, notamment psychiatriques, lesquelles nécessitent que l'intéressé bénéficie d'une assistance permanente dans tous les actes de la vie quotidienne ; que si le frère et la belle-soeur de Mme B... séjournent eux aussi régulièrement en France, il leur est impossible de fournir eux-mêmes cette assistance à son père, compte tenu tant de l'état de santé physique du frère, reconnu invalide depuis le 12 février 2014, que des deux enfants en bas âge dont ce couple a, par ailleurs, la charge ; qu'enfin, il n'est pas établi qu'une assistance équivalente à celle fournie par sa fille résidant à domicile pourrait être procurée au père de Mme B... par une aide à domicile, laquelle n'aurait pas vocation à exercer sur l'intéressé une surveillance permanente ; que, dans ces conditions, et alors même que Mme B..., arrivée récemment sur le territoire national, sans emploi, célibataire et sans enfant, ne conteste pas conserver des attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans, sa présence permanente auprès de son père doit être regardée comme indispensable ; que dès lors, en rejetant sa demande d'admission au séjour, le préfet de l'Hérault a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale que celle-ci tient des stipulations et dispositions précitées une atteinte disproportionnée ; qu'il s'en suit que ses décisions faisant à l'intéressée obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont elles-mêmes entachées d'illégalité ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014 ; qu'elle est également fondée, par suite, à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'en l'absence de changement dans les circonstances de fait, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, au vu des motifs exposés au point 4, que le préfet de l'Hérault délivre à Mme B... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de sa notification ; qu'il y a lieu de le lui enjoindre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que Mme B... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 1 500 euros, à verser à Me A..., dont le paiement vaudra renonciation de sa part à la perception de la part contributive de l'Etat ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2015 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 septembre 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 500 (mille-cinq-cent) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, dont le paiement vaudra renonciation de sa part à la perception de la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2016 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Gautron, conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2016.

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N° 15MA03687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03687
Date de la décision : 09/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCM MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-09;15ma03687 ?
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