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09/05/2016 | FRANCE | N°15MA01074

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 mai 2016, 15MA01074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cathédrale d'images SARL a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune des Baux-de-Provence du 12 avril 2010 approuvant un projet de " délégation de service public " en vue de confier à la société Culturespaces la mise en valeur de carrières par une animation à caractère culturel et touristique et autorisant son maire à signer cette convention.

Par un jugement n° 1002698 du 15 février 2011, le tribunal administratif d

e Marseille a rejeté la demande de la société Cathédrale d'images comme irrecevable.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cathédrale d'images SARL a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune des Baux-de-Provence du 12 avril 2010 approuvant un projet de " délégation de service public " en vue de confier à la société Culturespaces la mise en valeur de carrières par une animation à caractère culturel et touristique et autorisant son maire à signer cette convention.

Par un jugement n° 1002698 du 15 février 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Cathédrale d'images comme irrecevable.

Par un arrêt n° 11MA01513 du 21 juillet 2014, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 février 2011 et a renvoyé audit tribunal l'affaire, pour qu'il soit statué sur la demande de la société Cathédrale d'images.

Par un jugement n° 1406473 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Cathédrale d'images.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 mars 2015 et le 8 mars 2016, la société Cathédrale d'images, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune des Baux-de-Provence du 12 avril 2010 ;

3°) de constater la nullité de la convention de délégation de service public et d'enjoindre aux parties, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à la résolution du contrat ou, à défaut, de saisir le juge du contrat à cette fin ;

4°) de mettre à la charge de la commune des Baux-de-Provence une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, faute de répondre au moyen, soulevé par l'exposante, tiré de l'irrégularité de la procédure de mise en concurrence ;

- la délibération attaquée est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, en l'absence de saisine préalable du comité technique paritaire ;

- la convention litigieuse ne porte pas sur l'exploitation d'un service public local, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, en l'absence d'intérêt public attaché à l'activité considérée, comme d'une initiative et d'un contrôle de la collectivité sur cette activité ;

- elle méconnaît le droit de la concurrence et notamment les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, en organisant un abus de position dominante au profit de la société Culturespaces ;

- l'exposante entend reprendre l'intégralité de ses autres moyens de première instance ;

- il résulte de ce qui précède que la délibération attaquée est illégale et la convention litigieuse entachée de nullité ;

- rien ne justifie le maintien de cette convention.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier et les 13 et 14 avril 2016, la société Culturespaces, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Cathédrale d'images, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de mise en concurrence n'est pas assorti des précisions et justifications permettant à la Cour, comme au tribunal administratif avant elle, d'en apprécier le bien-fondé ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce est irrecevable ;

- ces moyens et les autres moyens soulevés par cette société ne sont pas fondés ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier et le 5 avril 2016, la commune des Baux-de-Provence, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Cathédrale d'images, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et qu'une amende pour recours abusif soit infligée à la société Cathédrale d'images, sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du même code.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 est inopérant à l'encontre de la décision réglementaire attaquée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de ses obligations contractuelles par l'exposante est irrecevable dans le cadre du présent litige d'excès de pouvoir ;

- ce moyen et les autres moyens soulevés par la société Cathédrale d'images ne sont pas fondés ;

- le peu de sérieux de ces moyens caractérise l'intention de nuire à l'intérêt public fondant exclusivement l'action contentieuse de cette société.

Par courrier du 24 mars 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du moyen, soulevé par la société Cathédrale d'images, tiré du non-respect par la commune de ses obligations contractuelles.

Par courrier du 6 avril 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune des Baux-de-Provence tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

La société Cathédrale d'images a répondu à un moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 14 avril 2016.

Elle soutient que :

- la cour d'appel de Paris a jugé, par un arrêt du 1er décembre 2015, que les agissements de la société Culturespaces étaient constitutifs de parasitisme et l'a, en conséquence, condamnée à verser à l'exposante la somme de 300 000 euros en réparation de ses préjudices ;

- le moyen tiré de son droit au maintien dans les lieux, fondé non sur les stipulations du contrat de bail la liant à la commune mais sur les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, est recevable et fondé.

La commune des Baux-de-Provence a répondu à un moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 15 avril 2016.

Elle soutient que les moyens en défense opposés par la société Cathédrale d'images pour contester l'irrecevabilité de son moyen tiré du non-respect de ses obligations contractuelles par la commune, ne sont pas fondés.

Un nouveau mémoire a été enregistré le 18 avril 2016 pour La société Cathédrale d'images, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant la société Cathédrale d'images, de Me A... représentant la commune des Baux-de-Provence et de Me D... représentant la société Culturespaces.

1. Considérant que la commune des Baux-de-Provence est propriétaire des carrières des Bringasses et des Grands Fonds, implantées sur une parcelle cadastrée AC n° 120 lui appartenant ; qu'elle a concédé l'exploitation de ces carrières à un maître carrier, par acte sous seing privé du 6 mars 1959, pour une durée de trente ans ; que, par une convention du 15 juin 1976, elle a transféré ces droits, cédés à elle par le titulaire selon acte du 18 août 1975, à la société Cathédrale d'images, en vue de permettre à cette dernière de se livrer à l'exploitation culturelle du site par des procédés audiovisuels ; qu'à l'expiration de cette convention, un bail commercial a été conclu le 5 septembre 1989 entre la commune et la société Cathédrale d'images, à la même fin ; que ce bail, expiré le 1er mars 1999, a été renouvelé par un avenant du 31 mars 2000 jusqu'au 28 février 2009 ; que, par un acte du 25 août 2008, la commune a signifié à la société Cathédrale d'images qu'elle mettait fin au bail et lui donnait congé à compter du 28 février 2009 ; que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 28 mars suivant, la commune a entendu lancer une procédure qualifiée de " délégation de service public portant sur la mise en valeur culturelle et touristique d'une partie des carrières de pierre des Bringasses et des Grands Fonds " ; que, par une délibération du 12 avril 2010, son conseil municipal a approuvé ce projet ainsi que son attribution à la société Culturespaces et autorisé son maire à signer la convention correspondante ; que le contrat a été signé le 23 avril 2010 ; que par un arrêt n° 11MA01513 du 21 juillet 2014, cette Cour a annulé le jugement n° 1002698 du tribunal administratif de Marseille du 15 février 2011, par lequel celui-ci avait rejeté comme irrecevable la demande présentée devant lui par la société Cathédrales d'images tendant, à titre principal, à l'annulation de cette délibération et lui a renvoyé l'affaire pour qu'il soit statué sur cette demande ; que la société Cathédrale d'images relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1406473 du 29 décembre 2014, par lequel celui-ci a rejeté sa demande au fond ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Cathédrale d'images soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen qu'elle soulevait devant eux, tiré de l'irrégularité de la procédure de mise en concurrence ; que ce moyen était effectivement invoqué dans la note en délibéré produite par cette société le 4 février 2011, après l'audience qui s'est tenue le 4 janvier précédent devant le tribunal administratif, dans l'affaire n° 1002698 ; que cette note en délibéré, visée et analysée par le jugement du 15 février 2011 rendu dans la même affaire, a été soumise au contradictoire par ledit tribunal, la société Culturespaces y ayant d'ailleurs répliqué dans une note en délibéré du 8 février de la même année ; qu'alors qu'il incombait au tribunal administratif, à l'issue de l'arrêt précité de cette Cour n° 11MA01513 du 21 juillet 2014, de répondre à l'ensemble des moyens invoqués par la société Cathédrale d'images devant lui, sauf à ce qu'ils fussent irrecevables ou inopérants, les premiers juges, dans leur jugement attaqué, qui ne vise ni n'analyse les écritures susmentionnées, n'ont pas explicitement répondu au moyen dont s'agit, lequel n'était ni irrecevable, ni inopérant au regard de ce qui est dit aux points 4 et suivants de la présente décision ; qu'ils ne peuvent davantage être regardés comme l'ayant implicitement écarté aux points 9 et 10 de leur jugement, relatifs aux moyens tirés des détournements de pouvoir et de procédure ; que, par suite, le moyen d'irrégularité du jugement doit être accueilli ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Cathédrale d'images devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande ;

Sur l'objet de la délibération attaquée :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. (...) " ; que d'autre part, lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la dévolution d'une mission de service public ; que son activité peut cependant se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le site de la carrière des Bringasses et des Grands Fonds a été utilisé à partir de 1970 pour une manifestation culturelle organisée par l'association " Gens d'image " et non par la commune des Baux-de-Provence ; que si la commune a ensuite envisagé d'y organiser des spectacles audio visuels, comme le montrent une étude menée en 1970 et la signature, en 1971, d'une convention avec la société du festival d'art-et-d'essai des Baux-de-Provence après délibération du conseil municipal, ce projet n'a pas été réalisé ; que l'activité d'animation culturelle et touristique du site n'a débuté qu'à compter de la conclusion de la convention du 15 juin 1976 entre la commune des Baux-de-Provence et la société Cathédrale d'images ; que si cette convention et les baux du 5 septembre 1989 et du 31 mars 2000 qui lui ont succédé prévoyaient que la commune percevrait une partie des droits d'entrée des spectacles et, à compter de 1989, la mise à disposition de la commune des carrières quelques jours dans l'année, ils ne prévoyaient aucun rôle de la commune dans la programmation et la tarification des activités d'animation ni aucun contrôle ou droit de regard de sa part sur l'organisation et les modalités de fonctionnement de la société ; qu'ainsi, alors même que l'activité de la société, qui contribuait à l'animation culturelle et touristique de la commune des Baux-de-Provence, revêtait un caractère d'intérêt général, la commune ne pouvait être regardée ni comme ayant organisé un service public et confié sa gestion à la société, ni comme ayant entendu reconnaître un caractère de service public à l'activité de la société ;

6. Considérant, toutefois, en premier lieu, que par une délibération du 10 mars 2009 abrogeant et remplaçant une précédente délibération du 25 septembre 2008, le conseil municipal des Baux-de-Provence a adopté le principe d'une délégation de service public, pour l'organisation et la gestion, au sein des carrières susnommées, d'une " animation qui soit ouverte à tout public et qui s'inscrive dans le cadre de la politique culturelle et touristique communale " ; que la même délibération précise notamment que " les principales caractéristiques de la convention de délégation envisagée sont les suivantes : positionnement essentiellement artistique du projet d'exploitation, thématique renouvelée chaque année, animation accessible à toute clientèle, y compris la clientèle étrangère, offre adaptée pour les groupes et pour les scolaires " et que " le délégataire (...) sera contraint d'accueillir sur le site certains évènements organisés par la Collectivité " ;

7. Considérant, en second lieu, que l'article 2 de la convention approuvée par la délibération attaquée prévoit notamment que " La Collectivité souhaite que ce site exceptionnel soit valorisé par une animation à caractère culturel et touristique ouverte à tous et qui s'inscrive dans la politique culturelle et touristique de la Commune " et qu'elle confie, à cette fin, à son cocontractant " qui l'accepte, une mission de mise en valeur, d'animation et de gestion du site des carrières des Bringasses et des Grands Fonts, situées dans le Val d'Enfer, par un projet culturel et touristique " ; que le même article prévoit également le versement à la commune par ce cocontractant d'une redevance " liée à la valeur d'usage du site " ; que l'article 5 de la même convention fixe sa durée à dix ans et permet sa prorogation dans les conditions prévues par l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; que son article 6 octroie à la commune un pouvoir d'approbation de toute modification substantielle du projet culturel et touristique initialement convenu entre les parties et son article 26, celui d'approuver le règlement intérieur du site, tandis que ses articles 8, 9, 10, 12 et 13 consacrent à son profit un droit d'opposition aux initiatives, communications promotionnelles, spectacles culturels accueillis, mises à disposition d'espaces pour l'accueil d'évènements privés et activités annexes du cocontractant et que son article 28 lui accorde un droit de regard sur l'ensemble des contrats conclus par ce dernier pour les besoins de son activité ; qu'en vertu de son article 8, l'opposition de la commune à une initiative de son cocontractant impose, en outre, à ce dernier la mise en place d'une solution de remplacement ; que l'article 15 de cette convention met à la charge dudit cocontractant des obligations minimales d'investissement, notamment en ce qui concerne l'accès au site ; que son article 22 lui impose des jours et horaires minimaux d'ouverture, son article 23 une obligation de continuité de son activité et son article 31, des maxima tarifaires ; que son article 34 prévoit le versement à la commune par son cocontractant d'une redevance annuelle d'un montant fixe de 120 000 euros majoré d'un intéressement aux produits des entrées, d'une redevance pour l'occupation du site mis à sa disposition par la commune et d'une " redevance de contrôle " d'un montant maximal de 10 000 euros ; que les articles 39 à 41 de ladite convention consacrent un droit d'information et de contrôle permanent de la commune, tandis que son article 46 lui permet d'infliger des sanctions pécuniaires à son cocontractant et son article 47 de procéder, dans les cas les plus graves, à une mise en régie provisoire de son activité ; qu'enfin, l'article 57 de cette convention permet à la commune de prononcer la résiliation de la convention dans l'intérêt général ;

8. Considérant, d'une part, qu'alors même qu'elle ne serait pas à l'initiative de l'activité, dont l'intérêt public n'est pas sérieusement contesté par la société Cathédrale d'images, de mise en valeur culturelle et touristique des carrières de Bringasses et des Grands Fonds, la commune des Baux-de-Provence doit être regardée comme ayant entendu, dans le cadre de la convention susmentionnée, attacher diverses obligations de service public à cette activité et exercer un pouvoir de contrôle et, le cas échéant, de sanction sur son attributaire, notamment en ce qui concerne la programmation, l'accessibilité et la tarification des animations proposées ; qu'elle a ainsi érigé cette activité en un service public local, quand bien même elle n'a pas doté son cocontractant de prérogatives de puissance publique ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'elle retirerait des profits substantiels de cette activité est, à cet égard, sans incidence ; que, d'autre part, dès lors qu'en vertu des stipulations de l'article 30 de la même convention, la rémunération du cocontractant de la commune est exclusivement assurée par les résultats de l'exploitation de cette activité, la délibération attaquée a, contrairement à ce que soutient la société Cathédrale d'images, pour objet d'approuver une délégation de service public, au sens et pour l'application notamment des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / -infligent une sanction ; / -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; / -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. " ; qu'aux termes de son article 2 : " Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. " ;

10. Considérant que la décision de la commune des Baux-de-Provence de déléguer le service public d'animation culturelle et touristique des carrières de Bringasses et des Grands Fonds ne relève, en tout état de cause, d'aucune des catégories de décisions visées par ces dispositions ; que cette décision n'a pas davantage à être motivée en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires ; que dès lors, le moyen tiré de son absence de motivation doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 33 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Les comités techniques paritaires sont consultés pour avis sur les questions relatives :/ 1° A l'organisation des administrations intéressées ; / 2° Aux conditions générales de fonctionnement de ces administrations ; (...) " ;

12. Considérant que la commune des Baux-de-Provence n'avait pas auparavant assuré l'exploitation en régie du service public d'animation culturelle et touristique des carrières de Bringasses et des Grands Fonds, lequel a d'ailleurs été créé au plus tôt à la date de la délibération précitée du 25 septembre 2008, ainsi qu'il a été dit ; qu'il n'est pas établi que, dans les circonstances de l'espèce, la mise en oeuvre des nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction qu'elle tient des stipulations de la convention litigieuse affecterait de manière substantielle l'organisation ou le fonctionnement de son administration ; que la circonstance que le personnel affecté à l'activité considérée a dû être mis à sa disposition, pour une très courte durée, par suite du report du début d'exécution de la convention n'a pas non plus emporté de telles conséquences ; que, dans ces conditions, la commune n'avait pas à saisir le comité technique paritaire préalablement à sa décision de déléguer ledit service public ; que dès lors, le moyen tiré du vice de procédure entachant la délibération attaquée au regard des dispositions précitées doit être écarté ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, ni d'aucune disposition légale ou réglementaire que l'activité de service public déléguée devrait avoir été formellement créée, préalablement à sa délégation ; qu'au surplus, la commune avait expressément manifesté son intention de procéder à la création de cette activité de service public antérieurement à la délibération attaquée et, au plus tard, le 10 mars 2009, ainsi qu'il a été dit aux points 4, 10 et 13 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions doit être écarté ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ; qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ;

15. Considérant, d'une part, que les prestations de mise en valeur culturelle et touristique des carrières des Bringasses et des Grands Fonds sont indissociables du site dans lequel elles sont assurées, dont la commune est propriétaire ; que cette dernière, en cette qualité, a la faculté d'en rechercher la valorisation optimale, selon des modalités qu'elle a compétence pour définir et, à ce titre, d'exploiter le site elle-même, directement ou de manière déléguée, alors même que l'activité exercée, sur laquelle l'exploitant précédent ne dispose pas de droits de propriété intellectuelle, présenterait des similitudes avec celle qui s'y exerçait précédemment ; que la circonstance que cette intervention de la collectivité priverait, en l'espèce, la société Cathédrale d'images des moyens nécessaires à sa propre activité économique est, à cet égard, sans incidence, cette société étant, par ailleurs, en mesure d'obtenir, le cas échéant, la réparation des conséquences préjudiciables de son éviction du site ; que celle, à la supposer établie, que la commune des Baux-de-Provence retirerait des profits substantiels de cette activité est également indifférente, au regard de ce qui précède ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'atteinte portée par la délibération attaquée à la liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté ;

16. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 420-2 du code de commerce : " Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. (...) " ;

17. Considérant que si la société Cathédrale d'images soutient que la délégation de service public litigieuse aurait nécessairement pour effet de placer son attributaire en situation d'abuser de sa position dominante sur le marché pertinent, elle ne justifie pas des caractéristiques de ce dernier ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les seuls droits exclusifs conférés par cette délégation à l'intéressé, pour l'utilisation des carrières des Bringasses et des Grands Fonds, dans le cadre de la mission de service public qui lui est confiée, affecteraient le marché intérieur ou même une part substantielle de ce dernier, le marché pertinent ne pouvant se réduire à l'exploitation des sites touristiques et culturels situés sur le territoire de la commune des Baux-de-Provence et à plus forte raison, à celle des seules carrières de Bringasses et des Grands Fonds ; que la seule circonstance que la cour d'appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 1er décembre 2015, au demeurant non définitif et postérieur à la délibération attaquée, que la société Culturespaces se serait livrée à des actes de parasitisme au préjudice de la société Cathédrales d'images, dans le cadre de sa propre activité au sein des carrières des Bringasses et des Grands Fonds, est sans incidence au regard de ce qui précède ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la délibération attaquée du droit de la concurrence et en particulier des dispositions précitées doit être écarté ;

18. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 145-28 du code de commerce : " Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. (...) " ;

19. Considérant que la méconnaissance des stipulations d'un contrat, si elle est susceptible d'engager, le cas échéant, la responsabilité d'une partie vis-à-vis de son cocontractant, ne peut utilement être invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative ; que le moyen tiré de ce que la société Cathédrale d'images bénéficierait d'un droit au maintien dans les lieux, en vertu des dispositions précitées, du fait du non-paiement par la commune des Baux-de-Provence de l'indemnité d'éviction qui lui reviendrait à la suite du congé qu'elle lui a délivré le 25 août 2008, doit, contrairement à ce que soutient la société, être regardé comme fondé sur les stipulations du bail commercial la liant à la commune et ne peut, par suite, qu'être écarté dans le présent litige ; que par ailleurs, la délibération attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de priver la société Cathédrale d'images de son éventuel droit au paiement de cette indemnité d'éviction, dans les conditions définies par les dispositions précitées ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées par la délibération attaquée ne peut qu'être écarté ;

20. Considérant, en sixième lieu, que la société Cathédrale d'images soutient que la mise en concurrence aurait été faussée, dès lors notamment que les candidats auraient été induits en erreur, tant en ce qui concerne la date effective d'entrée en vigueur de la convention litigieuse, que de l'obligation pour eux d'assurer la reprise de son personnel affecté à l'exploitation du site concerné ; que toutefois, d'une part, l'avis d'appel public à la concurrence publié le 28 mars 2009 ne mentionne qu'une date prévisionnelle de début des prestations, fixée au 1er novembre de la même année, de même que l'article 5.1 de la convention litigieuse, qui fixe quant à lui cette date au 1er mai 2010 ; que la société Cathédrales d'images n'établit pas dans quelle mesure ce caractère prévisionnel aurait empêché les candidats à la délégation de présenter leur offre en pleine connaissance de cause ; que, d'autre part, l'obligation de reprise du personnel prévue par les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail constitue une obligation légale pour le délégataire du service public concerné, dont ce dernier ne saurait s'affranchir du fait du silence de la convention de délégation sur ce point et n'avait pas, dès lors, à être rappelée au sein de cette convention ; qu'il résulte, au demeurant, de l'instruction et notamment d'un courrier adressé par la société Culturespaces à la société Cathédrale d'images, le 1er février 2011, que la première de ces sociétés s'est effectivement engagée à reprendre le personnel de la seconde affectée à l'activité considérée, contrairement à ce que cette dernière soutient ; qu'enfin, la circonstance, à la supposer établie, que deux entreprises auraient pris connaissance du dossier de consultation sans se porter candidates n'est pas, à elle seule, de nature à révéler que la concurrence aurait été faussée ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;

21. Considérant, en dernier lieu, que les détournements de pouvoir et de procédure invoqués par la société Cathédrale d'images ne sont pas démontrés, au regard notamment de ce qui précède, comme de la seule circonstance, à la supposer même établie, que la délégation de service public litigieuse aurait pour conséquence de priver ladite société du bénéfice du régime des baux commerciaux ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cathédrale d'images n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal des Baux-de-Provence du 12 avril 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Cathédrale d'images au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune des Baux-de-Provence qui n'est pas la partie perdante dans al présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par cette commune et la société Culturespaces au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Cathédrale d'images devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune des Baux-de-Provence et par la société Culturespaces au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cathédrale d'images SARL, à la commune des Baux-de-Provence et à la société Culturespaces.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2016 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Gautron, conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2016.

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N° 15MA01074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01074
Date de la décision : 09/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CABINET GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-09;15ma01074 ?
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