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25/04/2016 | FRANCE | N°14MA05051

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 25 avril 2016, 14MA05051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 6 avril 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique l'acquisition et la cessibilité de l'immeuble sis 3 boulevard Burel à Marseille au profit de la société Urbanis Aménagement.

Par un jugement n° 1204283 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémen

taire, enregistrés les 18 décembre 2014 et 23 février 2016, sous le n° 14MA05051, M. et Mme B...D.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 6 avril 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique l'acquisition et la cessibilité de l'immeuble sis 3 boulevard Burel à Marseille au profit de la société Urbanis Aménagement.

Par un jugement n° 1204283 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2014 et 23 février 2016, sous le n° 14MA05051, M. et Mme B...D..., représentés par Me E... demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité en date du 6 avril 2012, ainsi que l'arrêté en date du 26 octobre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré l'immeuble insalubre à titre irrémédiable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont fondés à exciper de l'illégalité de l'arrêté déclarant l'immeuble insalubre lequel méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ;

- le caractère irrémédiable de son insalubrité n'est en aucune manière caractérisé ;

- l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ne s'est pas prononcé expressément sur la réalité et les causes d'insalubrité, ainsi que sur les mesures propres à y remédier ;

- cet avis n'établit ni en quoi les travaux auraient été techniquement irréalisables ni en quoi ils auraient pu être regardés comme équivalents à une reconstruction de l'immeuble ;

- les travaux permettant de remédier aux deux désordres les plus importants visés par l'arrêté en date du 26 octobre 2010 étaient parfaitement réalisables et n'étaient pas équivalents à une reconstruction ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la carence de France Domaine ;

- alors même que la ville de Marseille avait été alertée sur la situation de la copropriété, aucune réaction n'est intervenue ;

- la société Urbanis Aménagement, après s'être engagée à participer à la réhabilitation de la copropriété n'a rien fait, s'est rétractée et s'oppose maintenant à son initiative ;

- le bilan négatif de l'opération ne saurait justifier une quelconque utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2015, la société Urbanis Aménagement, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2016, le ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête de M. et Mme D... en reprenant l'ensemble des écritures produites en première instance par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 octobre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré l'immeuble insalubre à titre irrémédiable dès lors que ces conclusions sont nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 modifiée tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. C...Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme D..., et celles de Me A... représentant la société Urbanis Aménagement.

1. Considérant que M. et Mme D... sont propriétaires de deux lots de copropriété dans un immeuble situé au 3 boulevard Burel à Marseille (13003) ; que par un arrêté en date du 26 octobre 2010, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré l'immeuble insalubre à titre irrémédiable ; que, par un arrêté en date du 6 avril 2012, le préfet a déclaré d'utilité publique l'acquisition et la cessibilité de cet immeuble au profit de la société Urbanis Aménagement ; que par un jugement, en date du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. et Mme D...tendant à l'annulation de l'arrêté précité en date du 6 avril 2012 ; que, par la présente requête, les intéressés relèvent appel de ce jugement et demandent en outre l'annulation de l'arrêté en date du 26 octobre 2010 ;

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Considérant que, devant le tribunal administratif de Marseille, M. et Mme D... se sont bornés à demander l'annulation de l'arrêté en date du 6 avril 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique l'acquisition et la cessibilité de l'immeuble situé au 3 boulevard Burel à Marseille au profit de la société Urbanis Aménagement ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 octobre 2010 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant l'insalubrité à titre irrémédiable de l'immeuble en cause, nouvelles en appel, sont par ce motif irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 susvisée dans sa version applicable : " Peut être poursuivie au profit (...) d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans les conditions prévues aux articles 14 à 19, l'expropriation : / - des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique ; /- des immeubles à usage total ou partiel d'habitation, ayant fait l'objet d'un arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet, par arrêté : / Déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, installations et terrains, après avoir constaté, sauf dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article 13, qu'ils ont été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-25 ou de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, ou qui ont fait l'objet d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter pris en application de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; (...) / Déclare cessibles lesdits immeubles bâtis, parties d'immeubles bâtis, installations et terrains visés dans l'arrêté (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2° Sur les mesures propres à y remédier. L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. (...) " ; que l'article L. 1331-28 du même code dispose que : " I.- Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble. (...) " ;

4. Considérant que l'ensemble formé par un arrêté déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable et l'arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique le projet d'acquisition de cet immeuble et prononçant sa cessibilité, en vue de permettre la réalisation de nouvelles constructions, constitue une opération complexe ; que, par conséquent, les époux D...sont recevables à exciper de l'illégalité de l'arrêté en date du 26 octobre 2010 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré l'immeuble en litige insalubre à titre irrémédiable à l'encontre de l'arrêté en du 6 avril 2012 déclarant d'utilité publique l'acquisition et la cessibilité de cet immeuble au profit de la société Urbanis Aménagement ;

5. Considérant, qu'en se fondant sur un rapport du médecin directeur du service communal d'hygiène et de santé de la ville de Marseille, en date du 17 août 2009, concluant à l'insalubrité irrémédiable de l'immeuble en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône a saisi pour avis, conformément aux dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) des Bouches-du-Rhône, lequel s'est réuni les 22 octobre 2009 et 8 octobre 2010 ; qu'il ressort des procès-verbaux de ces deux réunions que le conseil, qui s'est borné à émettre deux avis favorables, " aux propositions du rapporteur " en ce qui concerne le premier, et " à l'unanimité " sur l'insalubrité irrémédiable de l'immeuble, en ce qui concerne le second, ne s'est prononcé expressément ni sur la réalité et les causes de l'insalubrité, ni sur les mesures propres à y remédier ; que ces deux avis, qui ne comportaient pas les précisions exigées par l'article L. 1331-26 précité du code de la santé publique, sont par ce motif entachés d'illégalité ; que, par suite, l'arrêté du 26 octobre 2010 déclarant irrémédiablement insalubre l'immeuble en cause est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

6. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

7. Considérant que l'absence de motivation des deux avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques sur la réalité et les causes de l'insalubrité et sur les mesures propres à y remédier a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité préfectorale ; que l'arrêté du 26 octobre 2010 est entaché d'illégalité ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté du 6 avril 2012 portant déclaration d'utilité publique et cessibilité dudit immeuble au profit de la société Urbanis Aménagement, en vue de la suppression de son caractère insalubre, entaché d'illégalité par voie de conséquence, doit être annulé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par son jugement en date du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme D..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent à la société Urbanis Aménagement quelque somme que ce soit au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2014 et l'arrêté du 6 avril 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône portant déclaration d'utilité publique et cessibilité de l'immeuble situé 3 boulevard Burel à Marseille au profit de la société Urbanis Aménagement sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la société Urbanis Aménagement et de M. et Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et à la société Urbanis Aménagement.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2016, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2016.

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N° 14MA05051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05051
Date de la décision : 25/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Régimes spéciaux - Divers régimes spéciaux.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET BORDET KEUSSEYAN-BONACINA BRUNO MOUILLAC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-25;14ma05051 ?
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