La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2016 | FRANCE | N°14MA01619

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 avril 2016, 14MA01619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Valmy a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 71 du 12 juin 2012 et n° 141 du 17 septembre 2012, d'un montant de 8 000 euros chacun, émis à son encontre par la commune de Mons-la-Trivalle et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 16 000 euros résultant de ces titres exécutoires.

Par un jugement n° 1204964 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SARL Valmy.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête et une note en délibéré, enregistrés le 10 avril 2014 et le 12 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Valmy a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 71 du 12 juin 2012 et n° 141 du 17 septembre 2012, d'un montant de 8 000 euros chacun, émis à son encontre par la commune de Mons-la-Trivalle et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 16 000 euros résultant de ces titres exécutoires.

Par un jugement n° 1204964 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SARL Valmy.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et une note en délibéré, enregistrés le 10 avril 2014 et le 12 janvier 2016, la SARL Valmy, représentée par Me E..., de la société d'avocats AARPI, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2014 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mons-la-Trivalle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- c'est à bon droit que les premiers juges se sont déclarés compétents dans la mesure où le bail emphytéotique du 31 mai 2010 porte sur le domaine public communal ;

- en l'absence de signature, il n'est pas justifié que les titres ont été émis par une personne habilitée à cet effet ;

- les titres exécutoires sont privés de base légale dès lors que le bail emphytéotique est entaché de nullité compte tenu de son objet illicite au regard des dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales et de l'absence des clauses obligatoires prévues à l'article L. 1311-3 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2015, la commune de Mons-la-Trivalle, représentée par Me B..., de la SCP B...-d'Albenas, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Valmy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce que la SARL Valmy ne justifie pas agir par la voie de son représentant légal, lequel au surplus ne révèle pas son identité, et en ce qu'elle mentionne une adresse erronée, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la SARL Valmy ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Mons-la-Trivalle.

1. Considérant que, par un acte notarié du 31 mai 2010, la commune de Mons-la-Trivalle a conclu avec la SARL Valmy un bail emphytéotique d'une durée de cinquante ans portant sur l'exploitation d'un ensemble de parcelles et d'installations à usage de village de vacances, composé de trente gîtes, au hameau de Tarassac ; que, par jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SARL Valmy tendant à l'annulation des titres de recettes n° 71 du 12 juin 2012 et n° 141 du 17 septembre 2012, d'un montant de 8 000 euros chacun, émis à son encontre par la commune de Mons-la-Trivalle pour avoir paiement de la redevance contractuelle, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 16 000 euros ainsi mise à sa charge ; que la SARL Valmy relève appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Mons-la-Trivalle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête indique les nom et domicile des parties (...) " ;

3. Considérant que la requête a été régularisée par la précision que la SARL Valmy est représentée dans l'instance par son gérant et la production d'un " extrait Kbis " mentionnant l'identité de celui-ci, M. D... A...; qu'elle indique en l'espèce l'adresse du village de vacances objet du bail emphytéotique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce bail n'aurait plus été en vigueur le 10 avril 2014, date d'introduction de la requête ; qu'en tout état de cause, le constat d'huissier du 18 août 2014 ne saurait établir que le village de vacances était " abandonné " à la date du 10 avril 2014 ; que, dès lors, la requête ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'il suit de là que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Mons-la-Trivalle, tirées de l'irrecevabilité de la requête, ne peuvent être accueillies ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; / 2° Au principe ou au montant des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public, quelles que soient les modalités de leur fixation (...) " ;

6. Considérant que, selon les écritures non contestées de la SARL Valmy, la propriété foncière des parcelles incluses dans le bail emphytéotique a été acquise par la commune de Mons-la-Trivalle au début des années 1970 à la suite d'une déclaration d'utilité publique, par arrêté du préfet de l'Hérault du 14 avril 1971, pour les besoins de la construction d'un village de vacances, lequel a ensuite été construit et exploité " sous couvert de procédures de puissance publique " ; que ces parcelles doivent être regardées comme ayant été affectées au service public de développement économique et touristique ; qu'elles ont fait l'objet d'un aménagement spécial en vue de ce service public ; que, dans ces conditions, elles appartenaient alors au domaine public communal ; que, dès lors que la commune n'allègue pas que ces parcelles auraient fait l'objet d'une procédure de déclassement, elle relevaient toujours, à la date de conclusion du bail emphytéotique, de ce domaine public ; que, par suite et en application des dispositions des 1° et 2° de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, le litige relatif aux redevances dues sur le fondement du bail du 31 mai 2010, qui porte occupation du domaine public, relève de la compétence de la juridiction administrative ; qu'ainsi, l'exception d'incompétence soulevée en première instance par la commune de Mons-la-Trivalle doit être écartée ;

Sur la légalité des titres de recettes :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date du 31 mai 2010 : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (...) " ; que l'article L. 1311-3 du même code dispose : " Les baux passés en application de l'article L. 1311-2 satisfont aux conditions particulières suivantes : / 1° Les droits résultant du bail ne peuvent être cédés, avec l'agrément de la collectivité territoriale, qu'à une personne subrogée au preneur dans les droits et obligations découlant de ce bail et, le cas échéant, des conventions non détachables conclues pour l'exécution du service public ou la réalisation de l'opération d'intérêt général ; / 2° Le droit réel conféré au titulaire du bail de même que les ouvrages dont il est propriétaire sont susceptibles d'hypothèque uniquement pour la garantie des emprunts contractés par le preneur en vue de financer la réalisation ou l'amélioration des ouvrages situés sur le bien loué (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière (...) ".

8. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, notamment de la référence qu'elles comportent au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime, que le législateur n'a ainsi entendu viser que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels une collectivité territoriale confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant ; que, s'il résulte des dispositions insérées à l'article L. 1311-2 par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle comporterait un effet rétroactif ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit au point 1, le bail emphytéotique conclu entre la SARL Valmy et la commune de Mons-la-Trivalle porte sur l'exploitation du village de vacances sans que le preneur ait la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail ; que la circonstance que le village de vacances présente un intérêt pour la promotion du tourisme et le développement économique de la commune est insuffisante pour estimer que le bail emphytéotique, au demeurant conclu sur le seul fondement des dispositions du code rural et de la pêche maritime, relève d'une opération d'intérêt général au sens des dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, la commune de Mons-la-Trivalle ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de ce que le bail en cause aurait pu être légalement conclu sur le fondement de ces dispositions ;

10. Considérant, toutefois, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

11. Considérant que, comme il a déjà été dit, le bail emphytéotique en cause, qui n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales à sa date de signature, a été expressément conclu sur le fondement des dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et comporte une clause conférant au preneur, conformément à ces dernières dispositions, un droit réel susceptible d'hypothèque ; que si cette clause, qui est indivisible des autres stipulations du contrat, n'est pas, par elle-même, contraire aux dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales aujourd'hui en vigueur, comme il a été dit au point 8, elle n'est assortie d'aucune des conditions particulières, prévues aux 1° et 2° de l'article L. 1311-3 de ce code, encadrant le droit réel conféré au titulaire du bail ; que, dans ces conditions, le contenu du contrat est illicite et le contrat doit être écarté, le litige ne pouvant être réglé sur le terrain contractuel ; que, par suite, les titres de recettes contestés, relatifs à la redevance d'occupation contractuelle des lieux, sont privés de base légale ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la SARL Valmy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et les titres de de recettes des 12 juin et 17 septembre 2012 doivent être annulés et la SARL Valmy doit être déchargée de l'obligation de payer la somme totale de 16 000 euros ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Mons-la-Trivalle, partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Valmy demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune présentées au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2014 et les titres de recettes n° 71 du 12 juin 2012 et n° 141 du 17 septembre 2012, d'un montant de 8 000 euros chacun, sont annulés. La SARL Valmy est déchargée de l'obligation de payer la somme totale de 16 000 euros.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Valmy et à la commune de Mons-la-Trivalle.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2016.

''

''

''

''

5

N° 14MA01619

acr


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-03-02 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Biens des collectivités territoriales. Régime juridique des biens.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AARPI THALAMAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/04/2016
Date de l'import : 03/05/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14MA01619
Numéro NOR : CETATEXT000032446767 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-21;14ma01619 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award