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18/04/2016 | FRANCE | N°14MA04775

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 18 avril 2016, 14MA04775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 3 octobre 2012 par laquelle le bureau de l'office du développement agricole et rural de la Corse (ODARC) a refusé de lui attribuer une aide financière suite à un appel à projets ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce refus, et d'enjoindre à l'ODARC de faire droit à sa demande de subvention ou, subsidiairement, de réexaminer celle-ci.

Par un jugement n° 1300337 du 9 octobre 2014, l

e tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions susmentionnées, a enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 3 octobre 2012 par laquelle le bureau de l'office du développement agricole et rural de la Corse (ODARC) a refusé de lui attribuer une aide financière suite à un appel à projets ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce refus, et d'enjoindre à l'ODARC de faire droit à sa demande de subvention ou, subsidiairement, de réexaminer celle-ci.

Par un jugement n° 1300337 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions susmentionnées, a enjoint au bureau de l'ODARC d'accorder à M. B... l'aide sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, et a mis à la charge de l'ODARC une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2014, complétée par un mémoire enregistré le 19 février 2016, l'office du développement agricole et rural de la Corse, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune disposition n'impose la motivation de la décision de refus d'une subvention ;

- l'attribution d'une telle subvention, dans la limite prévue par les dispositifs d'aides particulières, ne constitue pas un droit pour le demandeur alors même qu'il remplirait les conditions légales pour l'obtenir, et constitue une compétence discrétionnaire de l'administration ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant que M. B... faisait valoir, sans être contredit, que le terrain en cause était de petite superficie, non mécanisable et non affecté à une exploitation agricole ;

- les premiers juges ont estimé à tort que le refus de subvention était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en tant qu'instructeur de la mesure 312 du plan de développement rural de la Corse agréé par la commission européenne dans le cadre du règlement 1698/2005/CE, il doit émettre un avis sur toute demande d'intervention au titre de cette mesure et apprécier la pertinence du projet au regard des critères définis par la collectivité territoriale de Corse ;

- les orientations définies au programme de développement rural de la Corse visent à favoriser le développement d'une agriculture productive et à lutter contre la déprise des terres agricoles, dès lors un projet qui a pour conséquence de modifier directement ou indirectement sur le long terme la destination agricole de parcelles à forte potentialité n'est pas considéré comme prioritaire ;

- la décision contestée n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir ;

- il a déféré à l'injonction prononcée par les premiers juges en instruisant la demande d'aide.

Par des mémoires en défense enregistrés le 25 janvier et le 1 mars 2016, M. B... conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que soit mise à la charge de l'ODARC une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- la décision de refus n'est pas motivée ;

- l'ODARC a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son projet comportait les pièces requises, a reçu un avis favorable du service instructeur de l'établissement, et répondait à tous les critères d'éligibilité de la mesure 312 ;

- l'appelant se borne à réitérer que le projet se trouve sur un terrain à potentialité agricole, alors que le bâtiment concerné est situé sur un petit terrain familial non mécanisable qui n'a jamais fait l'objet d'une exploitation ;

- son projet a pour but de développer le tourisme en zone rurale en valorisant le bâti ancien conformément aux objectifs du plan de développement rural de la Corse ;

- la décision en litige traduit un détournement de pouvoir ;

- le principe général de sécurité juridique n'a pas été respecté, dès lors que les services instructeurs l'ont constamment assuré qu'il remplissait les critères d'éligibilité de l'aide, et qu'il a engagé des dépenses importantes en conséquence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ;

- le règlement (CE) n° 1974/2006 de la commission du 15 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil susvisé ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant l'office de développement rural de la Corse.

1. Considérant que M. A...B...a répondu le 23 mars 2012 à un appel à projets lancé par l'office du développement rural de la Corse (ODARC), organisme payeur des financements alloués dans le cadre du programme de développement rural de la Corse agréé par la commission européenne au titre du FEADER, en présentant un dossier de réhabilitation d'un " pagliaghju " situé dans la commune de Piève pour le transformer en gîte rural ; que le bureau de l'ODARC a rejeté sa demande de financement par décision du 3 octobre 2012 notifiée à l'intéressé par lettre du 22 octobre 2012 ; qu'après avoir formé en vain un recours gracieux contre cette décision de refus le 18 décembre 2012, M. B...en a demandé l'annulation, ainsi que celle du rejet de son recours gracieux, au tribunal administratif de Bastia ; que, par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif a annulé ces décisions du bureau de l'ODARC, a enjoint à l'établissement public d'accorder à M. B...l'aide sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'ODARC une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que l'ODARC relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Considérant que le programme de développement rural de la Corse, adopté par la collectivité territoriale de Corse, autorité de gestion des fonds du FEADER, et agréé par la commission européenne le 15 février 2008, permet l'intervention du FEADER sur une série de mesures pour la période de 2007 à 2013 en application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 ; que ce programme définit entre autres une mesure n° 312 portant sur l'aide à la création et au développement des activités rurales des très petites entreprises, correspondant à l'axe 3 " qualité de la vie en milieu rural et diversification de l'économie rurale " qui cite notamment au titre des projets concernés " l'aide à la création et au développement des micro-entreprises en vue de promouvoir l'entreprenariat et de renforcer le tissu économique " ;

3. Considérant que l'ODARC, établissement public industriel et commercial de la collectivité territoriale de Corse chargé de la mise en oeuvre des actions de développement de l'agriculture et du milieu rural selon les orientations de cette dernière en application de l'article L. 112-11 du code rural et de la pêche maritime, et agréé comme organisme payeur afin de procéder notamment à l'individualisation des aides du FEADER, a lancé un appel à projet territorial concernant le nord de la Corse pour 2011-2012 ; que la thématique n°2 de cet appel à projet prévoit le financement, dans le périmètre du pays bastiais incluant la commune de Piève, de projets créant ou développant une offre touristique intégrée ou de tourisme vert par l'offre de produits locatifs de long séjour, incluant les hébergement de type gîtes ruraux ou chambres d'hôtes d'une capacité maximale de 15 personnes, valorisant le patrimoine bâti ancien rural ou

agricole existant et mobilisant les savoir-faire locaux pour sa rénovation ; que le cahier des charges de l'appel à projets précise que le taux de subvention pour cette thématique doit être de 40 % dans les communes de moins de 500 habitants, et que les projets " valorisant les potentiels naturels et patrimoniaux " ainsi que ceux " développant une offre à l'année ou hors saison estivale " sont prioritaires ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet présenté par M. B... porte sur l'aménagement d'un gîte haut de gamme par restauration d'un ancien " pailler " ou " pagliaghju ", afin de le donner en location durant toute l'année, sur une propriété familiale située en zone rurale dans la commune de Piève, laquelle comporte moins de 200 habitants ; qu'il résulte également des éléments produits devant les premiers juges et qu'il n'est pas contredit par l'administration que le terrain supportant ce bâtiment, d'une superficie de deux hectares, en forte pente, et qui ne faisait alors l'objet d'aucune exploitation agricole, a été réaménagé par M. B... à l'occasion du projet par son démaquisage, l'enfouissement de lignes électriques, et la plantation d'une oliveraie à des fins paysagères et d'agrément ; qu'au vu des caractéristiques de l'opération, les services instructeurs de l'ODARC ont estimé que celle-ci remplissait l'ensemble des critères requis par l'appel à projet, et ont émis un avis favorable au financement au taux de 40% de la partie des travaux d'aménagement constituant des dépenses éligibles ; que, dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la décision de refus qui lui a été opposée, en dépit de cet avis favorable, par le bureau de l'ODARC au motif exclusif que " la bâtisse est sise sur une parcelle à caractère et à potentialité agricoles ", sans au demeurant préciser ni à l'intéressé, ni aux premiers juges en dépit de la demande adressée sur ce point par le tribunal administratif dans le cadre de l'instruction, le potentiel agricole du terrain en cause, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'ODARC, qui n'apporte pas davantage en appel d'élément concret de nature à justifier le motif ainsi retenu, et se borne à rappeler de manière générale que le programme de développement rural de la Corse a également comme orientations le maintien d'une agriculture productive et la préservation de l'espace foncier agricole, ne démontre aucunement que le projet aurait pour effet de " changer la destination de parcelles agricoles à forte potentialité " ainsi qu'il l'allègue ; qu'il ne peut donc être regardé comme contestant valablement l'existence d'une telle erreur manifeste d'appréciation, alors d'ailleurs que ni les prescriptions du programme de développement rural, ni les critères fixés dans l'appel à projet territorial nord Corse 2011-2012 n'excluent le financement de projets de création d'hébergement touristique en milieu rural sur des terrains présentant un caractère agricole ;

5. Considérant qu'il suit de là que le bureau de l'ODARC ne pouvait légalement rejeter le projet présenté par M. B...pour le motif susmentionné, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges ; que, dès lors, l'établissement public ne peut utilement invoquer, en toute hypothèse, à l'appui de sa requête d'appel les moyens inopérants tirés de ce que l'attribution de la subvention ne constitue pas un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir, de ce que la décision de refus n'avait pas être motivée, et de ce qu'elle n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ODARC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions en litige portant refus de la demande de M. B...et rejet de son recours gracieux, et lui a enjoint d'accorder l'aide sollicitée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ODARC et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'ODARC une somme de 2 000 euros à verser à M.B... en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'ODARC est rejetée.

Article 2 : L'ODARC versera à M. B...une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à l'office du développement agricole et rural de la Corse.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2016.

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N° 14MA04775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04775
Date de la décision : 18/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Institutions agricoles.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Mesures d'incitation - Subventions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP RETALI - GENISSIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-18;14ma04775 ?
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