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18/04/2016 | FRANCE | N°14MA03859

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 avril 2016, 14MA03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gregori Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 673 228,51 euros toutes taxes comprises, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 20 novembre 2008 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 0902587 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 312 639,20 euros toutes taxes comprises, assortie des

intérêts à compter du 26 novembre 2008, ces intérêts étant capitalisés à compter du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gregori Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 673 228,51 euros toutes taxes comprises, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 20 novembre 2008 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 0902587 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 312 639,20 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts à compter du 26 novembre 2008, ces intérêts étant capitalisés à compter du 26 novembre 2009.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2014, la société Gregori Provence, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2014 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) à titre principal, de porter le montant de la condamnation prononcée à l'encontre du département des Bouches-du-Rhône à la somme de 602 793,16 euros toutes taxes comprises ;

3°) à titre subsidiaire, de porter le montant de cette condamnation à un montant minimum de 436 348,57 euros toutes taxes comprises ;

4°) de mettre la somme de 10 000 euros à la charge du département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à être indemnisée intégralement du coût des travaux supplémentaires liés aux modifications de la hauteur des vides sanitaires et de la structure des plateformes, à concurrence de la somme retenue par le maître d'oeuvre ou, à titre subsidiaire, de la somme arrêtée par l'expert mandatée par elle ;

- elle a estimé les quantités portées sur le DGPF sur la base d'un rapport géotechnique incomplet, l'étude de faisabilité géotechnique plus récente ne lui ayant été remise que lors de la notification du marché ;

- la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage est engagée du fait du retard mis pour communiquer cette étude ;

- les travaux concernés étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2015, le département des Bouches-du-Rhône conclut :

- à titre principal par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2014 ;

- à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

- à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Gregori Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'action de la société Gregori Provence étant forclose, sa responsabilité contractuelle ne pouvait pas être retenue ;

- les moyens soulevés par la société Gregori Provence ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour la société Gregori Provence a été enregistré le 17 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Gregori Provence, et de Me B..., représentant le département des Bouches-du-Rhône.

1. Considérant que dans le cadre de marchés portant sur la reconstruction du collège de Plan de Cuques, le département des Bouches-du-Rhône a attribué le lot n° 1 " VRD - espaces verts " à la société Gregori Provence ; que le marché, notifié le 20 juin 2006, a été conclu pour un prix global et forfaitaire de 993 357,26 euros hors taxe ; que la société Gregori Provence relève appel du jugement du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à l'indemniser au titre de travaux supplémentaires ; que par la voie de l'appel incident, le département des Bouches-du-Rhône conclut à l'annulation de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) : " 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations./ 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur (...) 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. (...) " ;

3. Considérant que lors de la réunion de chantier du 20 juillet 2006, la société Gregori Provence a remis au maître d'oeuvre une note méthodologique accompagnée d'un devis ; que l'entreprise fait état dans cette note des conséquences des différences existant entre l'étude géotechnique du dossier de consultation et celle remise après notification du marché, en termes d'opérations de terrassement, d'évacuation des remblais en place et de leur substitution par des remblais sains et compactés ; qu'elle précise également l'estimation des volumes correspondants et évoque ensuite, notamment, les décisions prises en réunion de chantier du 13 juillet 2006 de modifier la hauteur des vides sanitaires et des vides techniques ; qu'elle procède ensuite à une estimation du surcoût pour l'évacuation des sols remaniés et pour les terrassements complémentaires ; qu'aucun élément de cette note ne fait état d'un différend avec le maître d'oeuvre et ne comporte de demande de transmission à la personne responsable du marché ; qu'il ressort en outre des comptes rendus des réunions de chantier suivantes que la société Gregori Provence a poursuivi les études et les travaux, sans émettre de réserves à un ordre de service ou sous toute autre forme ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par le département des Bouches-du-Rhône, sa décision du 13 novembre 2006 rejetant la demande d'avenant formulée directement auprès de lui le 3 novembre 2006 par la société Gregori Provence ne peut être regardée comme une réponse à un mémoire formé au titre de l'article 50.11. du CCAG ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de l'absence de respect de la procédure prévue par l'article 50.21. du CCAG doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant du surcoût résultant de l'insuffisance de l'étude géotechnique :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1-1.2.3. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) : " l'entreprise doit réaliser avant remise de son offre toutes les démarches qu'elle juge nécessaires pour avoir une parfaite connaissance du projet (reconnaissance du terrain, contact avec les administrations et les services concessionnaires. (...) Le contexte particulier de l'opération, notamment la démolition, devra être examiné avec la plus grande attention par l'entreprise qui est tenue de se rendre compte sur place de la nature des sols et des sous-sols et des difficultés qui en découlent " ; qu'aux termes de l'article 1-1.4.1.1. de ce CCTP : " l'entrepreneur devra prendre possession du terrain dans l'état où il se trouve étant entendu qu'il l'a examiné et après avoir pris connaissance de ce relevé, avant de remettre sa soumission, ait fait toutes les réserves qu'il juge utiles à ce moment " ;

5. Considérant que le dossier de consultation comprenait notamment une étude géotechnique réalisée en mars 1998 dans le cadre de la construction d'un premier collège, lequel a ensuite été démoli dans sa quasi-totalité à la suite de malfaçons le rendant impropre à sa destination ; que cette étude fixait les principes de fondation en termes de profondeur d'assise et de contraintes de calcul au sol, en précisant la nature du terrain ; que le département des Bouches-du-Rhône a fait ultérieurement réaliser une nouvelle étude géotechnique, laquelle prenait en compte les évolutions du terrain suite aux opérations de démolition du premier collège, et qui lui a été remise en avril 2006 ; que cette étude a été communiquée à la société Gregori Provence le 20 juin 2006, suite à la notification du marché ; que les conclusions de cette étude ont notamment conduit à revoir le volume de remblais à évacuer ainsi que leur substitution par des remblais sains et compactés ;

6. Considérant qu'en ne remettant la seconde étude à la société Gregori Provence qu'après la notification du marché, le département des Bouches-du-Rhône a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il ne saurait, à ce titre, se prévaloir d'une carence du maître d'oeuvre, dont la mission n'incluait pas les études géotechniques portant sur l'état du site ; qu'il ne justifie pas non plus, en tout état de cause, de ce qu'il aurait demandé au maître d'oeuvre de transmettre cette étude aux candidats avant la remise des offres ; qu'aucune stipulation au contrat ne prévoit que la collectivité publique sera exonérée des préjudices subis du fait de l'inexacte appréciation de l'état des sols ;

7. Considérant, toutefois, que les stipulations précitées du cahier des clauses administratives particulières prévoyaient clairement l'obligation pour le titulaire du marché de vérifier les informations relatives à l'état de l'existant en se rendant sur place à fin de vérification de la nature des sols et des sous-sols et des difficultés qui en découlent, ainsi que la possibilité pour les candidats d'émettre toutes réserves utiles ; qu'en ne vérifiant pas les informations relatives à l'état du site et en s'abstenant de se rendre sur le site, la société Gregori Provence a commis une faute de nature à exonérer de moitié la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône ;

8. Considérant que la société Gregori Provence n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert mandaté par le département fixant le surcoût résultant de l'insuffisance de l'étude géotechnique du dossier de consultation à un montant de 249 930 euros hors taxes ; qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité fixé au point 7, de ramener à 124 965 euros hors taxes, la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Marseille à l'encontre du département des Bouches-du-Rhône ;

En ce qui concerne les travaux supplémentaires portant sur le mur de soutènement :

9. Considérant que la société Gregori Provence a dû réaliser à la demande du maître d'ouvrage un mur de soutènement au lieu d'un simple muret initialement prévu ; que le surcoût résultant de ces travaux supplémentaires a été fixé à la somme de 11 474 euros hors taxes par le maître d'oeuvre ; que si le département des Bouches-du-Rhône reproche au maître d'oeuvre d'avoir défini dans la décomposition du prix global et forfaitaire les murs de soutènement " au mètre linéaire terrassements compris ", il n'assortit pas son moyen des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône par le jugement du tribunal administratif de Marseille doit être ramenée à 136 439 euros hors taxes, soit 163 181,04 euros toutes taxes comprises ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de réformer le jugement en ce sens et de rejeter la requête de la société Gregori Provence ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Gregori Provence, partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le département des Bouches-du-Rhône ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 312 639,20 euros que le département des Bouches-du-Rhône a été condamné à verser à la société Gregori Provence par le jugement du 24 juin 2014 est ramenée à 163 181,04 euros (cent soixante-trois mille cent quatre-vingt-un euros et quatre centimes) toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement n° 0902587 du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la société Gregori Provence et le surplus des conclusions du département des Bouches-du-Rhône sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gregori Provence et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 avril 2016.

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N° 14MA03859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03859
Date de la décision : 18/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités. Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BAFFERT - PENSO et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-18;14ma03859 ?
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