Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1405169 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 13 mars 2015 et régularisée par courrier le 17 mars suivant, M.E..., représenté par MeF..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2014 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour de vingt ans portant la mention " UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles " ou tout autre titre ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- les articles L. 121-1, L. 122-1, R. 121-1 et R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;
- l'arrêté critiqué porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- le délai de trente jours qui lui a été accordé pour quitter le territoire français est insuffisant.
Par des mémoires en défense enregistrés le 29 juin 2015 et le 17 mars 2013, le préfet des Pyrénées-Orientales représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E...au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Carotenuto.
1. Considérant que M. E..., de nationalité espagnole, s'est marié le 4 août 2006 au Maroc avec Mme C...B..., ressortissante marocaine ; que M. E...est entré en France avec son épouse et ses trois enfants le 10 octobre 2008 sous couvert d'un passeport délivré par les autorités espagnoles et d'une carte d'identité espagnole valable jusqu'au 16 avril 2018 ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que par le jugement attaqué du 13 février 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-1 du même code : " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public (...) " ; que selon l'article R. 121-6 du même code : " I.- Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : 1° S'ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident (....) II.-Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois : 1° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté à la fin de leur contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an (...) " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives, exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d' une activité professionnelle en France ; que, par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ;
5. Considérant que M. E...fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet des Pyrénées-Orientales dans l'arrêté attaqué, il remplissait la condition posée par le 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à l'exercice d'une activité professionnelle, en se prévalant des périodes pendant lesquelles il a été employé en qualité de travailleur saisonnier dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée, au cours des années 2009 à 2014 ; qu'à supposer même, alors que la durée totale de ces contrats s'est élevée à quatre mois et demi au cours des années 2014 et 2015, que l'activité en cause ne puisse être regardée comme purement marginale et accessoire, M.E..., qui était sans emploi à la date de l'arrêté critiqué après avoir été employé jusqu'au 26 septembre 2014 dans le cadre d'un contrat d'une durée inférieure à un an, ne conteste pas l'affirmation du préfet selon laquelle il ne se trouvait pas involontairement dans cette situation ; qu'ainsi, il ne peut être regardé comme ayant conservé un droit au séjour en application des dispositions précitées du 1° du II de l'article R. 121-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, d'autre part, que, compte tenu des ressources déclarées aux services fiscaux par M.E..., dont la famille est composée de cinq personnes, et alors qu'il n'est pas contesté que cette famille bénéficie de la couverture médicale universelle complémentaire, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'intéressé ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il serait en possession d'une promesse d'embauche, M. E...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là, en tout état de cause, que le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que l'article R. 121-1 du même code aurait été méconnu ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si M. E...soutient qu'il aurait acquis un droit de séjour permanent sur le fondement de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne justifie pas, par les pièces qu'il verse au dossier, remplir la condition posée par cet article tenant à une résidence ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes ; qu'il ne peut davantage, par voie de conséquence, se prévaloir des dispositions de l'article R. 122-1 du même code ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que M. E...et son épouse de nationalité marocaine, titulaire d'un permis de résidence espagnol valable jusqu'au 14 mars 2016, ont eu trois enfants tous de nationalité espagnole, Sohaib né le 26 avril 2008 à Blanes (Espagne), Younès et Tawfik, nés respectivement le 5 janvier 2010 et le 3 avril 2012 à Perpignan ; que l'épouse du requérant fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prononcée par arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 9 octobre 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le suivi médical que requiert l'état de santé des jeunes Tawfik et Sohaib ne pourrait pas être assuré en Espagne ; que dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'arrêté contesté et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant que, comme il a été dit précédemment, les enfants de M. E...sont de nationalité espagnole et son épouse est titulaire d'un titre de séjour espagnol ; que, dans ces conditions, il n'est pas démontré que la vie familiale du requérant ne pourrait se poursuivre en dehors du territoire français ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision portant délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
13. Considérant qu'en se bornant à alléguer que le délai de trente jours qui lui a été imparti pour quitter volontairement le territoire français est insuffisant, M. E... n'établit pas, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 9, que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai plus long ;
14. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2016
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N° 15MA01240
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