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30/03/2016 | FRANCE | N°15MA00677

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 30 mars 2016, 15MA00677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCA du Domaine de la Ramière a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 7 mai 2013 par lequel le préfet du Gard a déclaré cessible la parcelle AK 18 dont elle est propriétaire au lieu-dit La Ramière dans le hameau du Colombier à Sabran, et dont l'acquisition est nécessaire au projet d'assainissement pluvial dudit hameau, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n

° 1301937 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCA du Domaine de la Ramière a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 7 mai 2013 par lequel le préfet du Gard a déclaré cessible la parcelle AK 18 dont elle est propriétaire au lieu-dit La Ramière dans le hameau du Colombier à Sabran, et dont l'acquisition est nécessaire au projet d'assainissement pluvial dudit hameau, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301937 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2015, la SCA du Domaine de la Ramière, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 20 janvier 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard en date du 7 mai 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SCA n'a jamais donné son accord sur la modification du tracé de la canalisation en bordure du chemin communal, et l'arrêté litigieux qui indique que le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable à un tracé modifié avec l'accord des propriétaires et de l'expropriant est ainsi entaché d'erreur de fait ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il considère comme nécessaire de procéder à l'acquisition des parcelles de la SCA pour mener à bien le projet de la commune, la création d'un fossé collecteur en bordure de ces parcelles étant inopportune et sans intérêt pour conserver le fonctionnement hydrologique naturel du bassin versant, et alors qu'il était possible de construire un bassin de rétention sur la parcelle 624, située en amont du réseau ;

- l'expropriation a des conséquences économiques sur l'activité de la SCA ;

- le coût du projet est excessif, et a un impact environnemental ;

- le tribunal a méconnu sa compétence en estimant qu'il n'avait pas à statuer sur la pertinence du choix d'une solution technique plutôt que d'une autre ;

- il n'a pas été élaboré un programme d'actions de prévention des inondations du bassin versant ; le préfet n'a pas tenu compte des dispositions du SDAGE et aurait dû engager les recherches et analyses nécessaires sur l'opportunité de la création d'un bassin de rétention ;

- les prescriptions applicables en matière d'actions de prévention des inondations par bassins versants telles qu'elles résultent des dispositions issues de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relatives à la prévention des risques technologiques naturels et à la réparation des dommages n'ont pas été respectées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, la commune de Sabran, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la SCA Domaine de la Ramière la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCA Domaine de la Ramière ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 23 novembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie informe la Cour que la requête relève de la compétence du ministre de l'intérieur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2016, le ministre de l'intérieur demande le rejet de la requête en reprenant à son compte l'ensemble des écritures de première instance du préfet du Gard.

Un courrier du 18 décembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 21 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pocheron,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B...A..., représentant la commune de Sabran.

1. Considérant que la commune de Sabran (Gard) est confrontée à des problèmes d'inondation dans sa partie Nord, au niveau du hameau du Colombier, par les eaux pluviales provenant du haut de ce hameau ; que la commune a en conséquence envisagé un projet d'assainissement pluvial afin de canaliser les eaux de ruissellement pour les amener jusqu'au ruisseau du Pourpré, leur exutoire naturel ; que ce projet consiste en la pose de canalisations dans la partie urbanisée du territoire concerné et d'un fossé collecteur dans la zone agricole jusqu'à l'exutoire, les ouvrages étant prévus en terrains privés ; que le maire de Sabran ayant sollicité une déclaration d'utilité publique, une enquête publique conjointe d'utilité publique et parcellaire a été conduite du 29 septembre au 17 octobre 2008, à l'issue de laquelle le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable au projet en préconisant toutefois une légère modification du tracé ; que cette modification a été actée par la commune dans le document de synthèse accompagnant la déclaration d'utilité publique, qui a été prononcée par arrêté du préfet du Gard du 16 octobre 2009 ; que les terrains nécessaires à la mise en oeuvre du projet qui ont pu être acquis à l'amiable ont été déclarés cessibles par arrêté du 16 février 2012 ; que, le 19 avril 2012, la SCA du Domaine de la Ramière a déposé un recours contentieux en annulation contre cet arrêté en tant qu'il concernait les parcelles AK n° 18 et 34 lui appartenant ; que ce recours a été rejeté par jugement n° 1201137 du tribunal administratif de Nîmes du 24 janvier 2014 devenu définitif ; que, toutefois, une enquête parcellaire complémentaire a été organisée du 26 novembre au 14 décembre 2012 en vue de définir exactement les immeubles nécessaires à la réalisation du projet ; que, suite à un nouvel avis favorable du commissaire-enquêteur, le préfet du Gard a, par arrêté du 7 mai 2013, annulé l'arrêté du 16 février 2012 en tant qu'il concerne la parcelle AK n° 18 et déclaré cessible immédiatement pour cause d'utilité publique ladite parcelle ; que la SCA du Domaine de la Ramière a introduit un recours devant le tribunal administratif de Nîmes en annulation de cette décision ; que, par le jugement attaqué, en date du 20 janvier 2015, dont la SCA relève appelle par la présente requête, le tribunal a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si la SCA du Domaine de la Ramière a soutenu devant les premiers juges que le projet d'assainissement pluvial déclaré d'utilité publique par arrêté du 16 octobre 2009 pouvait être réalisé dans des conditions plus favorables par la construction d'un bassin de rétention situé sur un terrain en friche situé en amont du hameau du Colombier, il ressort des pièces du dossier que le terrain en cause n'appartenait pas à la commune de Sabran ; qu'à supposer même que l'opération ait pu ainsi être regardée comme réalisable dans des conditions équivalentes, elle n'aurait pu être engagée sans également recourir à l'expropriation ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas à statuer sur la pertinence du choix retenu par la commune de mettre en place un système de canalisations et de fossés collecteurs des eaux pluviales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait à tort estimé qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la pertinence des choix techniques retenus pour la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique doit en tout état de cause être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant que l'arrêté litigieux ne vise ni ne mentionne un accord des propriétaires et de l'expropriante sur une modification de tracé ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

4. Considérant ensuite que la requête de la SCA du Domaine de la Ramière doit être regardée comme excipant de l'illégalité de l'arrêté du préfet du Gard du 16 octobre 2009 portant déclaration d'utilité publique à l'encontre de l'arrêté contesté du 7 mai 2013 ;

5. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

6. Considérant que le projet litigieux d'assainissement pluvial canalisant les eaux de ruissellement pour les amener jusqu'au ruisseau du Pourpré dans le but de lutter contre les risques d'inondation qui affectent la partie Nord de la commune de Sabran, et notamment le hameau du Colombier, répond à une finalité d'intérêt général ; que si la requérante soutient que le projet aurait dû privilégier la construction d'un bassin de rétention en amont ou la mise en place d'un fossé d'évacuation longeant la parcelle n° 577 non cultivée, elle n'établit pas ni même n'allègue que l'opération aurait pu ainsi être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation ; qu'à supposer même que des pieds de vigne de la parcelle concernée par l'arrêté querellé soient touchés par l'expropriation, la SCA ne démontre aucunement que cette atteinte à sa propriété privée serait de nature à déstructurer son exploitation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût de l'opération aurait un caractère excessif ; que les incidences alléguées et d'ailleurs non précisées d'un afflux d'eau important dans le ruisseau du Pourpré ne sont pas établies ; que le dossier " loi sur l'eau ", dont le contenu a fait l'objet d'une autorisation en 2007, comporte d'ailleurs des dispositions concernant les rejets dans le Pourpré et mentionne que l'incidence du projet sur les crues de ce cours d'eau est négligeable ; que l'aggravation du danger pour la circulation des véhicules due à la réalisation de l'opération en contrebas d'un chemin très étroit et en déclivité, qui ne concerne d'ailleurs que la parcelle n° AK 34, n'est en tout état de cause pas démontré ; que, par suite, eu égard au caractère d'utilité publique du projet querellé, la SCA du Domaine de la Ramière, qui ne peut valablement invoquer l'erreur manifeste d'appréciation, n'est pas fondée à soutenir par voie de conséquence que l'arrêté litigieux serait par ce motif entaché d'illégalité ;

7. Considérant que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire ministérielle susvisée du 19 janvier 2005 qui est dépourvue de valeur réglementaire ; que le dossier relatif au projet en cause a fait l'objet d'une instruction au titre de la loi sur l'eau de la part de la DISE qui s'est conclue par une autorisation tacite obtenue le 5 avril 2007 ; que ce dossier contenait toutes les pièces requises par les articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ; que le commissaire-enquêteur précise d'ailleurs dans son rapport sur l'enquête conjointe d'utilité publique et parcellaire qu'un dossier complet de déclaration a été adressé et réceptionné par la " police de l'eau " par courrier du 5 février 2007 ; que ledit dossier de déclaration a été établi en décembre 2006 par une société d'ingénierie qui s'est fondée sur une étude hydraulique menée par la SIEE en mars 1999 ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des moyens qu'elle a soulevés tant en première instance qu'en appel, la SCA du Domaine de la Ramière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCA du Domaine de la Ramière le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Sabran et non compris dans les dépens ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Sabran, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SCA du Domaine de la Ramière la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCA du Domaine de la Ramière est rejetée.

Article 2 : La SCA du Domaine de la Ramière versera à la commune de Sabran une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Sabran est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA du Domaine de la Ramière, à la commune de Sabran et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2016.

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N° 15MA00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00677
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-02-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Existence. Eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP PENARD - OOSTERLYNCK

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-30;15ma00677 ?
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