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17/03/2016 | FRANCE | N°14MA02681

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14MA02681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 mars 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1401994 du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le

18 juin 2014 et le 21 octobre 2015, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 mars 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1401994 du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juin 2014 et le 21 octobre 2015, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 19 mai 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 mars 2014 ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui enjoindre à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen invoqué en première instance tiré de l'atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale n'était pas manifestement infondé ;

- la réponse faite par l'ordonnance aux moyens invoqués de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de l'arrêté préfectoral souffre d'un défaut de motivation ;

- l'ordonnance l'a privée de la possibilité de compléter sa demande par un autre mémoire, de répondre à un mémoire en défense qui n'a pas été produit et d'assister à une audience ;

- aucune délégation de signature n'est intervenue au profit du signataire de l'arrêté ;

- la délégation n'a pas été publiée au recueil des actes de la préfecture ;

- il n'est pas démontré que le préfet était effectivement absent ou empêché à la date d'édiction de l'arrêté ;

- l'arrêté est motivé de façon stéréotypée ;

- l'article 6-1 de l'accord franco-algérien auquel il est fait référence ne lui est pas applicable ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée car elle est dépourvue de base légale ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors que le préfet se fonde sur une réponse du consulat de France au Maroc qui ne lui a pas été communiquée ;

- en tout état de cause, le motif qu'elle a invoqué pour entrer en France est sans incidence ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'ordonnance ne souffre d'aucune irrégularité ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé ;

- l'appelante a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 26 août 2015, dont elle a demandé le renouvellement.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés d'une part de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement et d'autre part de ce que les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français étaient devenues sans objet en cours d'instance.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2016, Mme D... a présenté des observations en réponse aux moyens relevés d'office.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

1. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, relève appel de l'ordonnance du 19 mai 2014 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;

3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme D... a invoqué notamment le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui était assorti de faits qui n'étaient pas manifestement insusceptibles de venir à leur soutien, tels que la date de sa première venue en France et la présence de membres de sa famille dans ce pays ; que ce moyen qui n'était ni irrecevable ni inopérant, était assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, la demande ne pouvait être jugée que par une formation collégiale ; que, par suite, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de Mme D... ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de son irrégularité ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que, par décision du 3 avril 2015, le préfet de l'Hérault a délivré à Mme D... un titre de séjour temporaire pour raisons de santé valable du 26 février 2015 au 26 août 2015, qui a implicitement mais nécessairement abrogé la mesure d'éloignement antérieure ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français en date du 21 mars 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté du 21 mars 2014 a été signé par M. E... F..., sous-préfet de Béziers en vertu de la délégation de signature qui lui a été consentie par un arrêté du préfet de l'Hérault en date du 11 février 2014, régulièrement publié le 21 février 2014 au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cet arrêté donnait délégation à M. F... à l'effet de signer notamment les décisions de refus de séjour ; qu'il n'est pas établi que le préfet de l'Hérault n'aurait pas, en l'espèce, été absent ou empêché ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme D... soutient que la signature apposée sur l'arrêté du 21 mars 2014 pourrait ne pas être celle de M. E... F..., sous-préfet de Béziers, elle ne produit aucun élément sérieux au soutien de sa contestation alors que l'arrêté dont l'annulation est demandée mentionne le prénom, le nom et la qualité du signataire de l'acte ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait, particulièrement précises, sur lesquelles il se fonde ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'acte doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas de la décision du 21 mars 2014 que le préfet se serait fondé sur un détournement de l'objet du visa délivré à Mme D... pour refuser de délivrer à un titre de séjour ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet, qui n'y était d'ailleurs pas tenu, n'a pas joint à son arrêté la réponse du consulat de France au Maroc ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme D... soutient que l'arrêté pris à son encontre fait référence à l'article 6, 1 de l'accord franco-algérien, le moyen manque en fait ;

10. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française et évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que si Mme D... est entrée en France en 1995, elle est retournée au Maroc dès 1996 ; qu'elle est à nouveau entrée en France le 18 novembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour d'une validité de 90 jours ; qu'alors même que sa mère est décédée et que trois de ses frères résident en France, elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales et privées au Maroc, où elle a résidé jusqu'à l'âge de 57 ans ; que dans ces conditions, les stipulations et dispositions précitées n'ont pas été méconnues ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 21 mars 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme D... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2014 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 mars 2014 en tant qu'il fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de sa requête sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 14MA02681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02681
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-17;14ma02681 ?
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