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15/03/2016 | FRANCE | N°14MA05240

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14MA05240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 4 janvier 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et l'a placé en rétention, de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question de l'inconventionnalité du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au re

gard de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Consei...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 4 janvier 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et l'a placé en rétention, de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question de l'inconventionnalité du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Par un jugement n° 1400024 du 8 janvier 2014, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de M.F....dans son pays d'originedans son pays d'origine

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2014, M.F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 janvier 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 4 janvier 2014 ;

3°) de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne et, dans cette attente, de surseoir à statuer ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à Me C...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les décisions ont été signées par une autorité qui disposait d'une délégation de compétence trop générale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de plusieurs erreurs matérielles qui sont révélatrices d'un défaut d'examen sérieux de son dossier ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur les déclarations faites dans le cadre de la procédure de police, laquelle a été annulée par le juge des libertés et de la détention ;

- le préfet a commis une erreur de droit en refusant, par décision du 14 janvier 2013, d'instruire sa demande de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'application des dispositions de l'article L. 511-1 II 3° f) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la définition française du " risque de fuite " est trop large et incompatible avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision le plaçant en rétention est insuffisamment motivée ;

- la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête de M.F....dans son pays d'originedans son pays d'origine

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,

- et les observations de MeE..., substituant Me C...représentant M. F....dans son pays d'originedans son pays d'origine

1. Considérant que M.F..., de nationalité marocaine, a fait l'objet, le 4 janvier 2014, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et a été placé en rétention par le préfet des Pyrénées-Orientales ; qu'il interjette appel du jugement en date du 8 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions précitées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département peut donner délégation de signature :

1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 30 janvier 2012 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet des Pyrénées orientales a donné délégation de signature à M. B... D...de la Mothe, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées orientales et, notamment les arrêtés pris dans le cadre des procédures de mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière (...) à l'exception : - des décisions ayant fait l'objet d'une délégation aux chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; - des arrêtés portant élévation de conflit " ; que les dispositions précitées du décret du 29 avril 2004 permettaient au préfet des Pyrénées-Orientales de donner délégation au secrétaire général pour signer les décisions litigieuses ; que cette délégation, qui ne s'étend pas aux décisions ayant fait l'objet d'une délégation aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat ou aux arrêtés portant élévation de conflit, ne revêtait ainsi pas un caractère général et ne portait donc pas atteinte au principe prohibant les délégations de signature générales ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français n'est pas fondé et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si l'arrêté attaqué est effectivement entaché de quelques erreurs de fait, celles-ci ne sont pas de nature à caractériser un défaut d'examen sérieux du dossier par le préfet ; lequel pouvait se fonder sur les déclarations faites par l'intéressé à la police bien que la procédure ait été postérieurement annulée ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la décision en date du 14 janvier 2013 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé d'enregistrer la demande de titre de séjour adressée par M. F...le 21 décembre 2012 au motif que celui-ci était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français sans délai en date du 13 septembre 2012 serait entachée d'une erreur de droit, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en date du 4 janvier 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si M. F...fait valoir qu'il vit de manière continue en France depuis 2004, il ne produit aucune pièce au titre des années 2005 à 2007 et se borne à produire, au titre des autres années, très peu de documents probants ; que, par ailleurs, M. F...est célibataire et sans enfant ; que s'il se prévaut de la présence en France de sa soeur, Nazha, de nationalité française, mariée avec un Français et d'une autre de ses soeurs, Fatima, dont il ne précise au demeurant pas la situation au regard de son droit au séjour, il est constant que sa mère ainsi que quatre autres de ses frères et soeurs demeurent... ; qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11- 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, la seule circonstance que M. F...ait été bénéficiaire, en 2012, d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier agricole n'est pas de nature à entacher la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 511-1 II 3° f) est inopérant à l'égard de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ; que la directive n° 2008/115/CE prévoit au 4 de son article 7 relatif au départ volontaire que : " s'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que la même directive prévoit au 7 de son article 3 qu'il faut entendre par risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ;

8. Considérant que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles le risque de fuite d'un étranger est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les six cas mentionnés, fixent des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'ainsi, et sans qu'il besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de justice de l'Union Européenne se prononce sur cette question, le moyen tiré de l'inconventionnalité de ces dispositions doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs précités, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que s'il est exact que le préfet des Pyrénées-Orientales a commis une erreur de fait en indiquant que M. F...ne justifiait pas avoir fait de démarches en vue de la régularisation de sa situation alors qu'il est constant qu'il s'était présenté au guichet de la sous-préfecture de Béziers le 6 novembre 2012 et, s'étant vu opposer un refus d'enregistrement, avait adressé son dossier par courrier le 21 décembre 2012, il résulte de l'instruction que M. F...s'était déjà soustrait à de nombreuses mesures d'éloignement ; que, par ailleurs, il n'a pas présenté aux autorités administratives son passeport bien qu'il ressorte des pièces du dossier qu'il en possédait un en cours de validité et ne justifiait pas, en se bornant à produire une attestation d'hébergement peu probante établie au demeurant deux années auparavant par une personne dont la nature des liens n'était, en outre, pas précisée, d'un domicile stable ; qu'au vu des éléments précités qui permettaient de caractériser le fait que M. F...ne présentait pas de garanties de représentation effectives, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de placement en rétention :

11. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs précités, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée ne se borne pas à indiquer que M. F...ne présente pas de garanties de représentation effectives mais précise, notamment, que l'intéressé a fait l'objet de plusieurs obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées, qu'il est démuni de passeport et n'a pas de domicile fixe ; qu'il est ainsi suffisamment motivé en fait ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, s'il ressort des pièces du dossier que M. F...était bénéficiaire d'un passeport en cours de validité au moment de la décision le plaçant en rétention, il n'est pas établi qu'il l'aurait présenté aux autorités administratives ; que, par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il a un domicile stable, il ne l'établit pas ; qu'enfin, à supposer même que M. F...n'ait pas cherché à se cacher, il est constant qu'il s'est précédemment soustrait à plusieurs mesures d'éloignement ; qu'ainsi, le préfet intimé n'a, en estimant que M. F...ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à garantir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, pas entaché l'arrêté plaçant l'intéressé en rétention d'une erreur manifeste d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté en date du 4 janvier 2014 en toutes ses dispositions ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président ,

- M. Renouf, président assesseur,

- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.

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N° 14MA05240 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05240
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-15;14ma05240 ?
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