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15/03/2016 | FRANCE | N°14MA03617

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14MA03617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012 autorisant l'association établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur à le licencier pour inaptitude, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 19 octobre 2012 qui a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012.

Par un j

ugement n° 1208240 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012 autorisant l'association établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur à le licencier pour inaptitude, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 19 octobre 2012 qui a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 10 avril 2012.

Par un jugement n° 1208240 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 août 2014 et le 23 avril 2015, M. D..., représenté par le cabinet Goldmann et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 10 avril 2012 de l'inspecteur du travail et celle du 19 octobre 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en cause d'appel il abandonne son moyen tiré de l'irrégularité de la convocation à l'entretien préalable ;

- la consultation du comité d'entreprise n'a pas été faite régulièrement et l'inspecteur du travail ne s'est pas assuré de la régularité de cette procédure ;

- il appartenait à l'autorité administrative de contrôler l'origine de la cause de l'inaptitude pour éviter une différence de traitement entre salariés protégés et salariés non protégés ;

- l'inspecteur du travail et le ministre n'ont pas procédé à un examen circonstancié de sa situation et notamment n'ont pas recherché s'il existait un lien entre son mandat syndical et la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur, méconnaissant ainsi l'étendue de leur propre compétence ;

- son inaptitude trouvant son origine dans des faits de harcèlement moral imputables à son employeur, c'est en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail que son licenciement a été autorisé ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve s'agissant des démarches entreprises pour son reclassement ;

- son employeur n'a pas satisfait à l'obligation d'une recherche loyale de son reclassement, alors qu'il existait des postes d'animateurs informatiques sur différents sites du groupe Léo Lagrange ;

- le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, l'association établissement régional Léo Lagrange Méditerranée, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise est nouveau en appel et donc irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 3 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... du cabinet Goldmann et associés, représentant M. D..., et de Me B..., substituant Me E..., représentant l'association établissement régional Léo Lagrange Méditerranée.

1. Considérant que l'établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a demandé l'autorisation de licencier M. D..., délégué du personnel suppléant, employé en qualité d'assistant d'exploitation informatique, au motif que le médecin du travail l'avait déclaré inapte physiquement à tout poste dans l'entreprise ; que, par une décision du 10 avril 2012, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé cette décision, le 19 octobre 2012 ; que M. D... relève appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la légalité des décisions du 10 avril et du 19 octobre 2012 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ;

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter l'unité économique et sociale ou le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein de l'unité économique et sociale ou du groupe ;

4. Considérant, d'une part, que le médecin du travail a estimé, par son avis du 30 novembre 2011, que M. D... était inapte à tout poste dans l'entreprise, précisant en outre " Pas de charges lourdes. Pas d'exposition au stress. Peut travailler à un emploi administratif dans une autre entreprise " ; que, d'autre part, l'établissement régional Léo Lagrange de PACA est une association adhérente à la fédération Léo Lagrange, qui fédère différentes associations constituant l'unité économique et sociale (UES) Léo Lagrange, laquelle comptait alors 2 411 salariés ; qu'il incombait ainsi à l'établissement régional Léo Lagrange de PACA de rechercher si le reclassement de M. D... était possible dans le périmètre de l'unité économique et sociale à laquelle appartient l'association ; que s'il ressort des pièces du dossier que l'établissement régional Léo Lagrange de PACA a proposé trois emplois administratifs à M. D..., situés respectivement à Villeurbanne (Rhône), Saint-Genis-Laval (Rhône) et Amnéville-Rombas (Moselle) au sein de structures appartenant à l'UES Léo Lagrange, que l'intéressé a refusés, l'association défenderesse n'établit pas, en l'absence de tout justificatif tels que courriers ou courriels, avoir saisi les différentes associations constituant l'UES Léo Lagrange afin d'examiner s'il existait au sein de celles-ci des emplois compatibles avec l'aptitude physique de M. D..., compte tenu des conclusions du médecin du travail ; qu'ainsi, en l'absence de tels justificatifs, l'établissement régional Léo Lagrange de PACA ne peut être regardé comme s'étant livré à une recherche sérieuse des possibilités de reclasser l'intéressé ; que, pour ce seul motif, l'inspecteur du travail et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social étaient tenus de ne pas autoriser le licenciement de M. D... ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation des décisions précitées de l'inspecteur du travail et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille en date du 3 novembre 2014 ; qu'il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de M. D... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a donc lieu de condamner l'Etat à rembourser à M. D... la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'association établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur présentées à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille, la décision du 10 avril 2012 de l'inspecteur du travail et la décision du 19 octobre 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 3 novembre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de l'association établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à l'association établissement régional Léo Lagrange de Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 26 février 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

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N° 14MA03617

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03617
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-15;14ma03617 ?
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