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15/03/2016 | FRANCE | N°14MA03405

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14MA03405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 18 juillet 2014 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, et la décision du même jour fixant le pays de destination ainsi que celle également du même jour l'assignant à résidence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention

" vie privée et familiale " l'autorisant

à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à interv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 18 juillet 2014 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, et la décision du même jour fixant le pays de destination ainsi que celle également du même jour l'assignant à résidence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention

" vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1405143 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2014 sous le n° 14MA03405, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 juillet 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me C... la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- l'arrêté attaqué du préfet des Bouches-du-Rhône est insuffisamment motivé en fait et en droit ;

- l'arrêté attaqué est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- la décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît la directive européenne 2008/115 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requérante sont infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf.

1. Considérant que Mme B... allègue être entrée en France le 11 mai 2009 sous couvert d'un visa Schengen de 45 jours et s'y est maintenue illégalement à l'expiration de celui-ci ; que, le 18 juillet 2014, elle a fait l'objet d'un contrôle d'identité qui a révélé le caractère irrégulier de son séjour en France ; que, dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris à son encontre, le même jour, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ; que l'intéressée a exercé un recours en annulation contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Marseille qui l'a rejeté par un jugement du 24 juillet 2014 ; que Mme B... fait appel de ce jugement devant la Cour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme B... soutient que l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône est entaché d'un vice de légalité externe tiré de son défaut de motivation en ce qu'il n'aurait pas rappelé sa situation concrète et manquerait de base légale ; que, cependant, le préfet n'étant pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments tenant à la situation personnelle et familiale de l'intéressée, la décision attaquée qui comporte de manière suffisamment précise et circonstanciée les considérations de droit et de fait se rapportant à la situation de l'intéressée et sur lesquelles le préfet se fonde, est suffisamment motivée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... soutient que l'arrêté attaqué aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation privée et familiale et méconnaîtrait dés lors l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au soutien de ce moyen, la requérante établit sa présence en France depuis cinq ans et produit un contrat de travail à temps partiel ainsi que de nombreuses attestations d'employeurs sur ses qualités humaines et son intégration dans la société française ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier que Mme B... est mariée à un compatriote résidant en France et faisant lui aussi l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire et a deux enfants mineurs restés aux Philippines ; qu'ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

5. Considérant, en troisième lieu, que Mme B... soutient que la décision du préfet de ne lui laisser aucun délai de départ volontaire méconnaît la directive 200/115/CE dite " directive retour " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 4. S 'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire

ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours (...) " ; que selon l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité visant à transposer la directive précitée : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. A Mayotte, l'étranger ne peut bénéficier d'une aide au retour mais, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable, d'une aide à la réinsertion économique, ou, s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs, de mesures d'accompagnement, dans des conditions définies par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des outre-mer. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ; qu'en l'espèce le préfet des Bouches-du-Rhône a considéré que l'intéressée qui ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire français, et en tout état de cause s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire à l'expiration de son visa Schengen pendant cinq ans sans avoir tenté de régulariser sa situation, était susceptible de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi, la décision de n'accorder aucun délai de départ volontaire est fondée sur les critères objectifs de risque de fuite énoncés par l'article L. 511-1 précité en vu de transposer la directive 2008/115/CE ; que dès lors, ladite décision n'a pas méconnu les dispositions de la directive 2008/115/CE ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la requérante soutient que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa durée de séjour ; que la seule circonstance que l'intéressée réside en France depuis cinq ans est insuffisante pour établir une violation du droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée ; qu'au surplus, comme il a été dit au point 4, Mme B... n'établit pas avoir transféré le centre de sa vie privée et familiale en France ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de départ volontaire méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que Mme B... reprend en cause d'appel ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination sans pour autant développer des moyens permettant au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que, par conséquent, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction de Mme B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président-assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

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N°14MA03405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03405
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : JEGOU-VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-15;14ma03405 ?
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