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01/03/2016 | FRANCE | N°13MA03234

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 01 mars 2016, 13MA03234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D...ont demandé à titre principal au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à leur verser la somme de 332 100 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident survenu à leur fils B...le 29 mars 2007 ainsi que la somme de 60 000 euros en réparation de leurs préjudices personnels.

Par un jugement n° 1102374 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés le 29 juillet 2013 et le 26 mai 2014, M. et Mme D..., agissant en leur nom et en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D...ont demandé à titre principal au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à leur verser la somme de 332 100 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident survenu à leur fils B...le 29 mars 2007 ainsi que la somme de 60 000 euros en réparation de leurs préjudices personnels.

Par un jugement n° 1102374 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2013 et le 26 mai 2014, M. et Mme D..., agissant en leur nom et en leur qualité de représentants légaux de leur fils B...D..., représentés par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2013 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 1er février 2011 rejetant leur demande indemnitaire ;

3°) de condamner l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à leur verser la somme de 294 500 euros en réparation des préjudices de leur filsB..., la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme D..., la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral de M. D... et la somme de 132 000 euros en réparation de leur préjudice professionnel ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- lors d'une sortie scolaire le 29 mars 2007, leur fils a été frappé par la foudre ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute du fait du choix d'un site notoirement exposé à la foudre ;

- les organisateurs, qui étaient informés de l'existence de ce risque, ont manqué à leur obligation de précaution et de surveillance en demandant à leur fils d'aller ramasser du bois à l'extérieur alors qu'une averse s'était déclenchée ;

- les fautes ainsi commises ont un lien de causalité directe avec les préjudices subis par leur fils et leurs préjudices ;

- leur fils est hospitalisé depuis l'accident, a subi une gêne temporaire totale du 29 mars 2007 au 29 mars 2009, avec une consolidation acquise à cette date ; son atteinte permanente à l'intégrité physique et psychiatrique est de 99 % ; les souffrances endurées ont été évaluées à 4 sur une échelle de 7 et ses dommages esthétiques à 3,5 sur une échelle de 7 ; il a également subi un préjudice scolaire et ne pourra pas exercer d'activité professionnelle ;

- ils justifient d'un préjudice moral ;

- Mme D... a dû cesser toute activité professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur le présent litige, s'agissant d'un accident survenu lors d'une sortie organisée par l'association sportive de l'établissement ;

- les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée le 12 mai 2015 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Une mise en demeure de produire ses observations a été adressée le 17 septembre 2015 à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement pour absence de mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie.

Par courrier du 20 octobre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation nationale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme D....

1. Considérant que le 29 mars 2007, alors qu'il participait à une sortie en VTT organisée par l'association sportive de son collège, le jeune B...D..., âgé de 13 ans, a été frappé par la foudre ; que M. et Mme D..., ses parents, agissant tant en leur nom qu'en leur qualité de représentant légal de leur fils, relèvent appel du jugement du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'Etat dans la survenance de cet accident et l'indemnisation des préjudices de leur fils ainsi que de leurs propres préjudices ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayans droits doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) " ; qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions ; qu'eu égard aux liens que les dispositions de l'article L. 376-1 établissent entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse, la caisse ou la victime est recevable à faire appel du jugement même si le délai légal est expiré ; que la méconnaissance des obligations de mise en cause entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel doit, au besoin, relever d'office ; que devant le tribunal administratif de Marseille, M. et Mme D... ont communiqué le numéro de sécurité sociale de leur fils, le leur ainsi qu'une correspondance de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, ce qui permettait de s'assurer de leur qualité d'assuré social ; qu'en ne communiquant pas la requête à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, le tribunal a ainsi entaché son jugement d'irrégularité ; que ce jugement, doit, par suite, être annulé ;

3. Considérant que la procédure ayant été communiquée par la Cour à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. et Mme D... ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de l'éducation : " Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants./ Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers. (...)/ L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre le représentant de l'Etat dans le département (...) " ;

5. Considérant, d'une part, que l'accident dont a été victime B...D...est survenu alors qu'il effectuait une sortie en VTT de plusieurs jours organisée en partie sur le temps scolaire par le collège Simone de Beauvoir de Vitrolles ; que cette sortie était placée sous la responsabilité d'un professeur d'éducation physique et sportive, qui avait été autorisé à cet effet par le principal de l'établissement ; que ce dernier a également signé les ordres de mission des adultes accompagnateurs, en précisant qu'ils avaient le statut de collaborateurs occasionnels du service public ; que, dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat peut être recherchée si une faute peut lui être imputée dans l'organisation ou le fonctionnement du service public de l'enseignement ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la responsabilité de l'Etat pour faute dans l'organisation de cette sortie ;

6. Considérant, d'autre part, que les requérants recherchent la responsabilité de l'Etat pour faute de surveillance, en soutenant que le fait pour le professeur d'éducation physique et sportive de demander aux enfants d'aller chercher du bois alors qu'il commençait à pleuvoir, sans leur demander de ne pas s'éloigner et sans assurer leur surveillance est constitutif d'une faute ; que la faute ainsi alléguée ne trouve pas son origine dans un défaut d'organisation du service public de l'enseignement mais dans des négligences ou un défaut de surveillance qui serait imputable au professeur ; qu'en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 911-4 du code de l'éducation, la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur ce point ; que le moyen tiré du défaut de surveillance ne peut dès lors qu'être écarté ;

Sur la responsabilité :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 29 mars 2007 à 16 heures, le groupe, composé de 9 enfants et 3 adultes, est arrivé à l'ermitage de Saint-Jean-du-Puy, situé sur le territoire de la commune de Trets, à 658 mètres d'altitude ; que les adultes ont proposé aux enfants de ramasser du bois pour allumer un feu dans le refuge où ils devaient passer la nuit ; que la foudre a touché peu de temps après trois personnes dont le jeuneB..., qui a été retrouvé seul et inanimé à une centaine de mètres du refuge, sur un sentier se trouvant sur une paroi rocheuse ;

8. Considérant que les requérants soutiennent que ce lieu n'aurait pas dû être retenu par les organisateurs, dans la mesure où il présentait un risque, comme étant fréquemment frappé par les orages ; que s'ils produisent plusieurs témoignages faisant état de ce que la foudre frappe régulièrement cet endroit, ces témoignages ne permettent pas d'établir que le site serait particulièrement touché par les phénomènes orageux, la commune étant classée 2 028ème dans le classement des villes exposées aux orages comme ne connaissant, en moyenne, que quatorze jours d'orage par an ; qu'il résulte en outre de l'instruction que l'organisateur avait pris soin de se renseigner sur les conditions météorologiques avant la sortie ; que, par suite, le choix de ce site ne saurait être constitutif d'une faute dans l'organisation du service public de l'enseignement de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande et les conclusions d'appel de M. et Mme D... doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. et Mme D..., parties perdantes dans la présente instance.

D É C I D E ;

Article 1er : Le jugement n° 1102374 du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. et Mme D...présentées devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er mars 2016.

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N° 13MA03234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03234
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-03-05 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement technique et professionnel. Accidents survenus aux élèves.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SELARL CARBONNIER - LAMAZE - RASLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-01;13ma03234 ?
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