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25/02/2016 | FRANCE | N°14MA00792

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 25 février 2016, 14MA00792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Kerry Ingrédients France a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1200198 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2014 par télécopie et régularisée le 20 février 2014, la SAS Kerry Ingr

édients France, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Kerry Ingrédients France a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1200198 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2014 par télécopie et régularisée le 20 février 2014, la SAS Kerry Ingrédients France, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge demandée des droits de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Kerry Ingrédients France soutient que :

- la livraison des constructions, objet de la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée, a eu lieu à l'occasion de la transmission d'une universalité de biens intervenue au profit de la SCI Julien, de sorte qu'aucune régularisation de taxe sur la valeur ajoutée n'était possible par application de l'article 257 bis du code général des impôts ;

- le redressement effectué par l'administration opère implicitement une discrimination en fonction du mode de financement de l'investissement et viole, de ce fait, les principes d'équivalence, d'effectivité et de neutralité du droit communautaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- le courrier adressé le 1er septembre 2015 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

- l'avis d'audience adressé le 19 janvier 2016 portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- la directive 95/7/CE du 10 avril 1995 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Kerry Ingrédients France, qui exerce une activité industrielle agro-alimentaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a régularisé la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de certaines immobilisations ; qu'en conséquence, l'administration lui a assigné des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 en suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que la SAS Kerry Ingrédients France relève appel du jugement en date du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en décharge de cette imposition ;

2. Considérant que la SAS Kerry Ingrédients France exerçait son activité industrielle agro-alimentaire notamment sur des parcelles cadastrées section C n° 737, 738, 739 et 740 sises à Cabrières-d'Avignon dans le département de Vaucluse et dont la jouissance lui avait été consentie par la SCI La Cigalette par baux à construction en date du 29 juillet 1983 et du 7 octobre 1996 ; que, par acte notarié du 31 août 2007, d'autres parcelles cadastrales qui étaient la propriété de la SCI La Cigalette ont été cédées à la SCI Julien, les baux à construction consentis à la SAS Kerry Ingrédients France étant résiliés ; que les constructions édifiées sur les parcelles par cette dernière ont été cédées à la SCI Julien moyennant une indemnité de 640 000 euros ; que cette indemnité n'ayant pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée, ayant grevé les constructions cédées à la SCI Julien, devait faire l'objet d'une régularisation en application de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, pour un montant de 144 365 euros ;

3. Considérant que la SAS Kerry Ingrédients France soutient, en premier lieu, que l'article 257 bis du code général des impôts était applicable à l'opération et faisait obstacle à la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée opérée par l'administration ; qu'elle fait valoir notamment que la livraison des constructions, objet de la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée, a eu lieu à l'occasion de la transmission d'une universalité de biens intervenue au profit de la SCI Julien qui était susceptible de poursuivre une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 257 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées aux 6° et 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. / Ces opérations ne sont pas prises en compte pour l'application du 2 du 7° de l'article 257. / Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s'il y a lieu, pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266, de l'article 268 ou de l'article 297 A. " ;

5. Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt rendu le 27 novembre 2003 dans l'affaire C-497/01 que l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un Etat membre a fait usage de la faculté, conférée par la première phrase de ce paragraphe, de considérer que, pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée, aucune livraison de biens n'est intervenue à l'occasion de la transmission d'une universalité de biens, cette règle de la non-livraison s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d'une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome ; que le bénéficiaire du transfert doit cependant avoir pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis et non simplement de liquider immédiatement l'activité concernée ainsi que, le cas échéant, de vendre le stock ;

6. Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne a dit également pour droit dans son arrêt rendu le 10 novembre 2011 dans l'affaire C-444/10 que l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 doit être interprété en ce sens que constitue la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, au sens de cette disposition, le transfert de la propriété du stock de marchandises et de l'équipement commercial d'un magasin de détail, concomitant à la location, au cessionnaire, des locaux dudit magasin pour une durée indéterminée, mais résiliable à court terme par les deux parties, à condition que les biens transférés suffisent pour que ce cessionnaire puisse poursuivre de manière durable une activité économique autonome ;

7. Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'instruction que la cession à la SCI Julien des parcelles cadastrales qui étaient la propriété de la SCI La Cigalette et la résiliation concomitante des baux à construction consentis à la SAS Kerry Ingrédients France sont intervenues dans le cadre de la cessation de l'activité de confiserie industrielle exercée sur le site par la société requérante ; que les matériels, installations techniques, stocks et biens incorporels de la SA Kerry Ingrédients France n'ont pas été transmis à la SCI Julien ; que seules les constructions édifiées par la SA Kerry Ingrédients France en vertu des baux à construction consentis par la SCI La Cigalette ont fait l'objet d'une cession ; que ces constructions, objets de la régularisation contestée, consistaient en un immeuble à usage d'entrepôt, un silo à sucre avec un parc de stationnement pour véhicules et un hangar de stockage ; que la SCI Julien les a utilisés dans le cadre de son activité taxable de loueur de biens professionnels et non pour une activité de confiserie industrielle ;

8. Considérant qu'il résulte de ces constatations que les biens transférés, constitués de biens immobiliers, ne constituaient pas avant leur cession, une activité économique susceptible d'une exploitation autonome dès lors que les matériels, installations techniques, stocks et biens incorporels de la SA Kerry Ingrédients France n'ont pas été transmis à la SCI Julien ; que si cette dernière les a utilisés dans le cadre de son activité taxable de loueur de biens professionnels, il s'agit d'une activité différente de celle déployée antérieurement à la cession par la SA Kerry Ingrédients France ; qu'ainsi, ils ne peuvent être regardés comme une entreprise, ou une partie d'une entreprise, susceptible de poursuivre une activité économique autonome et, partant, une universalité totale ou partielle de biens au sens de l'article 257 bis du code général des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des immobilisations cédées à la SCI Julien ;

9. Considérant que la SAS Kerry Ingrédients France soutient, en second lieu, que le redressement de l'administration opère implicitement une discrimination en fonction du mode de financement de l'investissement et viole, de ce fait, les principes d'équivalence, d'effectivité et de neutralité du droit communautaire ; qu'elle fait valoir que le choix du mode de financement de l'immobilisation par le crédit-bail a généré une charge fiscale qui n'aurait pas été supportée si l'immobilisation transférée avait été autofinancée ;

10. Considérant, toutefois, que contrairement à ce que soutient la SAS Kerry Ingrédients France, l'autofinancement des immobilisations transférées n'aurait pas davantage conduit à considérer que les terrains et les constructions puissent constituer en l'espèce une universalité de bien dès lors que ces biens transférés s'inscrivaient toujours dans une activité différente de celle déployée antérieurement à la cession par la SA Kerry Ingrédients France ; que, dès lors, il n'en résulte aucune discrimination au regard du mode de financement des immobilisations ; qu'ainsi, le principe communautaire de neutralité n'a pas été méconnu ni, au demeurant, les principes d'équivalence et d'effectivité ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Kerry Ingrédients France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Kerry Ingrédients France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Kerry Ingrédients France et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2016.

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N° 14MA00792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00792
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-08 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cessation ou modification d'activité.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : CYGLER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-25;14ma00792 ?
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