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16/02/2016 | FRANCE | N°14MA04088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 février 2016, 14MA04088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1402088 du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés le 27 septembre 2014 et le 29 octobre 2015, Mme B..., représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1402088 du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 septembre 2014 et le 29 octobre 2015, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 mai 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 10 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens de l'instance, le versement de la somme de 1 200 euros à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée, qui repose sur des jugements dépourvus d'autorité de chose jugée, est irrégulière ;

- le préfet aurait dû consulter, préalablement au refus de séjour, la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu des conditions de son arrivée et de son séjour en France, l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle ainsi que d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la mesure d'éloignement est affectée des mêmes vices que ceux entachant le refus de séjour ;

- en fixant le Nigéria comme pays de destination, le préfet a méconnu les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre, 5 et 6 novembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.

1. Considérant que, par ordonnance du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B..., de nationalité nigériane, tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... relève appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;

3. Considérant que le premier juge a notamment retenu que Mme B... se bornait à reprendre les mêmes moyens, fondés sur la même argumentation, qui ont déjà été écartés par les jugements du 13 juillet 2010 et du 21 février 2013, et que, dès lors, ces moyens devaient être écartés comme reposant sur des faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ; que, toutefois, ces jugements rejetant des demandes d'annulation de décisions antérieures, portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, étaient dépourvus de toute autorité de chose jugée dans le cadre de l'instance dont était saisi le tribunal ; que, dans ces conditions, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait rejeter la demande de Mme B... sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, Mme B... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la légalité du refus de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, que, par les seules pièces produites, Mme B... ne justifie pas dans l'instance, en particulier pour la période de 2004 à 2006 au cours de laquelle l'intéressée aurait vécu sur le territoire français sous une fausse identité, d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre pour avis sa demande à la commission du titre de séjour ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 14 avril 1984, a présenté, le 11 février 2003, une première demande d'asile sous une fausse identité, fondée sur des motifs politiques, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 novembre 2003, puis une demande de réexamen rejetée le 23 août 2004, la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté, le 18 mars 2005, le recours juridictionnel dont elle a été saisie ; que Mme B... a présenté une nouvelle demande d'asile, sous sa véritable identité, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 mai 2008 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 février 2010 et le 30 mai 2012 à la suite d'une demande de rectification d'erreur matérielle ; que, dans l'instance, elle fait valoir qu'elle a été victime de la traite des êtres humains pour avoir quitté le Nigéria en 2002, après avoir participé à une " préparation spirituelle " appelée " juju ", sur l'incitation d'une personne lui ayant promis qu'elle pourrait travailler en France alors qu'elle a été contrainte de s'y prostituer, qu'après un passage en détention provisoire dans le cadre d'une affaire de proxénétisme, elle a cessé de se prostituer et essaie de se réinsérer avec l'aide d'associations ; que, toutefois, les allégations de Mme B... relatives aux conditions de son départ du Nigéria et de son arrivée en France ne peuvent être tenues pour établies au regard des seules pièces produites sur ce point, composées d'un récit de l'intéressée, au demeurant contradictoire avec les récits initiaux des demandes d'asile, et d'un article à caractère général émanant du " Dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite des êtres humains " ; que, par jugement du 31 août 2011, Mme B... a été condamnée par le tribunal correctionnel de Béziers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de proxénétisme du 4 novembre 2006 au 30 mai 2010 ; que, si la requérante a cessé de se prostituer depuis sa sortie de détention et verse aux débats des pièces attestant de ses efforts de réinsertion, ceux-ci sont récents ; qu'elle est célibataire et sans enfant ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressée, le préfet de l'Hérault, d'une part, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme B..., et pas davantage dans celle des conséquences du refus de séjour, et, d'autre part, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la mesure d'éloignement n'avait pas à faire l'objet en l'espèce d'une motivation distincte du refus de séjour ; que ce dernier est suffisamment motivé, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut donc être accueilli ;

10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, le moyen tenant à ce que la mesure d'éloignement est affectée des mêmes vices que ceux entachant le refus de séjour doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant que Mme B... soutient qu'elle craint des représailles de la part des réseaux de prostitution en cas de retour au Nigéria, faute d'avoir respecté le " juju ", les autorités nigérianes corrompues ne pouvant efficacement la protéger ; que, cependant et eu égard notamment à ce qui a été dit au point 7, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité des risques personnellement encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 février 2014 ; que, par suite les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ; que les dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de Mme B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 mai 2014 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 février 2016.

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N° 14MA04088

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04088
Date de la décision : 16/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-16;14ma04088 ?
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