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15/02/2016 | FRANCE | N°15MA02235

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 15 février 2016, 15MA02235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Canet-en-Roussillon a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner M. A..., architecte, à titre principal sur le fondement de la responsabilité décennale, ou à titre subsidiaire le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 420 541 euros au titre des travaux de reprise de la scène et des gradins du foyer municipal, de 13 440 euros pour son préjudice moral et de 3 082,49 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1304854 du 1

7 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Canet-en-Roussillon a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner M. A..., architecte, à titre principal sur le fondement de la responsabilité décennale, ou à titre subsidiaire le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 420 541 euros au titre des travaux de reprise de la scène et des gradins du foyer municipal, de 13 440 euros pour son préjudice moral et de 3 082,49 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1304854 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2015 et le 4 décembre 2015, la commune de Canet-en-Roussillon, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 ;

2°) de condamner M. A... à lui verser une somme de 437 063,49 euros au titre des préjudices subis du fait des travaux réalisés dans le foyer municipal, cette somme portant intérêt au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le vice de conception affectant l'ouvrage qui est de nature à le rendre impropre à sa destination est imputable au maître d'oeuvre ;

- elle ne disposait d'aucune compétence technique pour déceler avant la réception le vice affectant l'ouvrage ;

- le maître d'oeuvre a manqué à son devoir de surveillance du chantier ;

- la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pourra être retenue au titre de ses manquements lors des opérations de réception ;

- les travaux de reprises s'élèvent à 420 541 euros et elle subit un préjudice moral lié à l'insatisfaction du public évalué à 13 440 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2015 et le 23 novembre 2015, M. D... A..., représenté par la SCP d'avocats Sagard B...-Herre, Justafre, Sagard, B...et Massot, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit garanti par la société Hugon des condamnations prononcées à son encontre, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Canet-en-Roussillon et de la société Hugon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que la commune de Canet-en-Roussillon et la société Hugon soient condamnées aux entiers dépens.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Canet-en-Roussillon ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2015, la société Hugon, représentée par la SCP d'avocats Coste, Berger, Daudé et Vallet, conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie présentées par M. A... et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Canet-en-Roussillon ou à défaut de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Canet-en-Roussillon ne sont pas fondés ;

- elle a réalisé les travaux conformément aux plans et prescriptions du marché.

Par ordonnance du 15 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ouillon,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Canet-en-Roussillon, et de Me B..., représentant M. A....

1. Considérant que la commune de Canet-en-Roussillon a passé le 6 juin 2005 un marché, en vue de l'aménagement de l'ancien foyer Cassagnes en salle de théâtre, avec un groupement de maîtrise d'oeuvre composé notamment de M. A..., architecte ; que le lot n° 11 portant sur l'installation d'une tribune télescopique a été confié à la société Hugon ; que la réception des travaux a été prononcée le 12 septembre 2006 sans réserve ; que lors des premières représentations, les spectateurs placés sur les rangs arrières des gradins se sont plaints du défaut de visibilité de la scène ; que, sur demande de la commune de Canet-en-Roussillon, le président du tribunal administratif de Montpellier a, par ordonnance du 24 juillet 2009, ordonné une expertise aux fins notamment d'identifier les vices de construction ou de réalisation qui sont la cause des désordres affectant l'ouvrage ; que l'expert a déposé son rapport le 22 mars 2013 ; que la commune de Canet-en-Roussillon a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande indemnitaire tendant à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité décennale ou à défaut sur celui de la responsabilité contractuelle, de M. A... à raison des préjudices subis du fait du défaut affectant cette tribune ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité décennale :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et particulièrement du rapport d'expertise qu'au jour de la réception des travaux, les sièges des première et deuxième rangées des gradins étaient alignés et installés sur des niveaux d'assises identiques ; que l'expert indique que la décision d'aménagement telle que prévue selon l'étude de M. A..., architecte, et validée par la commune n'aurait pas dû être acceptée dès lors qu'il était évident que la vue depuis la rangée arrière des gradins serait compromise ; que compte tenu de l'aménagement des gradins et, comme l'indique l'expert, de l'évidence de l'inconfort de vue qui en résultait pour les spectateurs installés sur les rangs arrières, le maître de l'ouvrage, alors même qu'il ne disposait pas de compétences techniques particulières en matière de conception d'une salle de spectacle, était en mesure de déceler, en procédant à un contrôle normal de l'ouvrage, le défaut de visibilité de la scène depuis certains sièges des gradins ; qu'ainsi, les désordres affectant l'ouvrage étaient apparents au jour de l'établissement du procès-verbal de réception et n'étaient pas de nature à engager la responsabilité du maître d'oeuvre sur le fondement de la garantie décennale ; que, par suite, en l'absence de caractère décennal des désordres, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de M. A... sur ce fondement ;

Sur la responsabilité contractuelle :

4. Considérant que la réception des travaux ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les maîtres d'oeuvre qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre soit recherchée à raison des manquements à leur obligation de conseil auprès du maitre de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ; que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à cette obligation peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ;

5. Considérant que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre au moment de la réception des travaux porte sur la conformité des travaux au projet tel qu'il est défini par les stipulations contractuelles ; que la commune, qui ne soutient pas que les travaux accomplis n'étaient pas conformes aux stipulations du marché, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de M. A... à raison de la conception, de la définition et de la surveillance des travaux dont il avait la charge, au titre du manquement au devoir de conseil à la réception ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Canet-en-Roussillon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge définitive de la commune de Canet-en Roussillon les frais de l'expertise exposés devant le tribunal administratif, liquidés et taxés à la somme de 3 082,49 euros ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de Canet-en Roussillon la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

9. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées par M. A... et la société Hugon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Canet-en-Roussillon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... et de la société Hugon sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Canet-en-Roussillon, à M. D... A...et à la société Hugon.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 février 2016.

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N° 15MA02235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02235
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain OUILLON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-15;15ma02235 ?
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