La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2016 | FRANCE | N°14MA03082

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 15 février 2016, 14MA03082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé à titre principal au tribunal administratif de Nice de condamner le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider à lui verser, dans l'état de ses dernières écritures, la somme de 133 657,89 euros en réparation du préjudice résultant de son obligation de faire réaliser des travaux de mise en conformité du club de tennis municipal " Maurice Chevalier " .

Par un jugement n° 1004779 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2014, la commune de Cannes,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cannes a demandé à titre principal au tribunal administratif de Nice de condamner le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider à lui verser, dans l'état de ses dernières écritures, la somme de 133 657,89 euros en réparation du préjudice résultant de son obligation de faire réaliser des travaux de mise en conformité du club de tennis municipal " Maurice Chevalier " .

Par un jugement n° 1004779 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2014, la commune de Cannes, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 mai 2014 ;

2°) de condamner le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider à lui verser la somme de 133 657,89 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2010 et de leur capitalisation ou, à défaut, la moitié de cette somme dans les mêmes conditions d'intérêts ;

3°) de condamner le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider à réparer son préjudice d'exploitation, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2010 et de leur capitalisation ;

4°) de condamner le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider aux entiers dépens, en ce compris les frais du constat d'huissier du 30 juillet 2009.

5°) de mettre à la charge du cabinet d'architectes Comte et Vollenweider une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle est fondée à rechercher la responsabilité décennale des architectes, dès lors que les désordres n'étaient pas apparents lors des opérations matérielles de réception des travaux ;

- seule la date de ces opérations lui est opposable ;

- le maître d'oeuvre a manqué à son devoir de conseil lors des opérations de réception des travaux ; à ce titre, les premiers juges ne pouvaient lui opposer les dispositions du cahier des clauses administratives générales dès lors que le marché avait été exécuté et réceptionné sans réserves ;

- elle est également fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, qui a commis une faute dans la conception de l'ouvrage en ne prévoyant pas la mise en place des ouvrages de sécurité et l'accès des personnes à mobilité réduite ainsi qu'une faute dans le suivi de l'exécution des travaux ;

- elle subit un préjudice constitué, d'une part, par le surcoût des travaux de mise en conformité et, d'autre part, par une perte d'exploitation de l'ouvrage, ouvert tardivement au public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2015, le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de la commune de Cannes tendant, d'une part, à sa condamnation à une somme supérieure à celle demandée en première instance et, d'autre part, à la réparation de son préjudice d'exploitation sont irrecevables comme présentées pour la première fois en appel ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Cannes ne sont pas fondés.

Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Cannes.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Cannes a été enregistrée le 27 janvier 2016.

1. Considérant que dans le cadre de la construction d'un complexe de terrains de tennis, la commune de Cannes a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération au cabinet d'architectes Comte et Vollenweider ; que les marchés de travaux ont été décomposés en quatre lots, le lot n° 1 portant sur le clos, le couvert et les tennis, le lot n° 2 sur les menuiseries extérieures, le macro lot n° 1 sur les travaux extérieurs, les terrassements et la VRD et le macro lot n° 2 sur le gros-oeuvre et les corps secondaires ; que le lot n° 1 a été réceptionné sans réserve le 22 septembre 2009 avec effet au 15 juin 2009 ; que les lots n° 2, macro lots n° 1 et n° 2 ont été réceptionnés sans réserve le 9 novembre 2009, avec effet respectivement au 15 mai 2009, au 15 juin 2009 et au 15 mai 2009 ; que la commune relève appel du jugement du 9 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du maître d'oeuvre à l'indemniser des préjudices résultant du coût des travaux de mise en conformité aux normes des établissements recevant du public qu'elle a fait réaliser en régie entre août et octobre 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant que les premiers juges ont indiqué dans le point 2 du jugement : " Si la commune soutient avoir dû faire procéder aux travaux en cause et produit un constat d'huissier en date du 30 juillet 2009 relevant des travaux inachevés, elle n'établit pas la défaillance du cabinet d'architectes en cause dans l'exécution de ses obligations contractuelles tant de conception que de conseil auprès du maître d'ouvrage. Il appartenait, en effet à la commune de CANNES, si elle s'y croyait fondée, de [mettre] en oeuvre les procédures du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des prestations intellectuelles ou du CCAG travaux afin de mettre en demeure le maître d'oeuvre ou les entrepreneurs concernés de se conformer aux obligations de leur marché. Il ressort au contraire des pièces du dossier, que la commune n'a pas mis en oeuvre cette procédure mais a accepté la réception des ouvrages litigieux sans réserve (...). Il s'ensuit que la commune de CANNES ne justifie pas avoir été dans l'obligation de faire réaliser les travaux en cause en régie en raison d'une faute contractuelle du maître d'oeuvre et n'est donc pas fondée à demander la condamnation de ce dernier à les lui rembourser. " ; que cette rédaction permettait à la commune de comprendre les motifs pour lesquels la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ne pouvait être retenue, sans que les premiers juges aient à préciser quelle stipulation précise du CCAG aurait dû être mise en oeuvre par le maître d'ouvrage, qui mettait en cause la défaillance du maître d'oeuvre ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux a été prononcée sans réserve, ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre à raison de fautes commises pendant l'exécution du contrat ; que, par suite, la commune de Cannes n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du cabinet d'architectes Comte et Vollenweider du fait de fautes commises lors de la conception du projet ;

5. Considérant que la réception sans réserve ne fait toutefois pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, en ce qui concerne le manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage ; que cette responsabilité est susceptible d'être retenue lorsque ce dernier s'est abstenu d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la sous-commission départementale spécialisée pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public a indiqué, après une visite des lieux le 17 juillet 2009, ne pas pouvoir émettre d'avis, dans la mesure où, notamment, les travaux de mise en place d'un éclairage de sécurité et d'implantation de deux poteaux d'incendie n'avaient pas été réalisés ; que la commune de Cannes a fait procéder le 30 juillet 2009 à un constat d'huissier, établi au contradictoire des entreprises cocontractantes et des représentants du maître d'oeuvre, aux termes duquel ont été notés l'absence de mains courantes, le manque de garde-corps, l'obligation de créer un cheminement handicapés entre les courts 1 et 2, l'absence d'un sanitaire pour les personnes à mobilité réduite prévu par le permis de construire, l'absence de matérialisation des places réservées aux personnes à mobilité réduite sur les gradins du court central, l'absence de marquage des première et dernière marches des escaliers extérieurs, l'insuffisance de l'éclairage extérieur de balisage et le cheminement d'une issue de secours à créer ; que sept représentants de la commune assistaient au constat d'huissier réalisé à la demande de la commune de Cannes le 30 juillet 2009 ; que ces défauts de conformité ont été également signalées à la commune par la commission de sécurité lors de sa visite du 17 juillet 2009 ; que la commune de Cannes, qui avait ainsi une parfaite connaissance de l'existence de ces défauts de conformité et a d'ailleurs fait appel à des entreprises tierces pour y remédier, a néanmoins ultérieurement signé les procès-verbaux de réception sans y apposer aucune réserve ; que, par suite, les préjudices subis par la commune ne résultent pas de la faute qu'aurait commise, selon la commune, le maître d'oeuvre lors de la réception des travaux, en s'abstenant de signaler les défauts de conformité, mais de la décision prise par la commune, en toute connaissance de cause, de réceptionner l'ouvrage sans réserve ; qu'ainsi, la commune de Cannes n'est pas fondée à rechercer la responsabilité du maître d'oeuvre ;

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

7. Considérant qu'un défaut de conformité d'un établissement recevant du public aux normes de sécurité ou d'accessibilité des personnes handicapées applicables à la date de sa construction est susceptible de constituer un désordre de nature à le rendre impropre à sa destination ; que si ce défaut n'est pas apparent à la date de la réception des travaux, il est susceptible d'engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

8. Considérant que l'existence des désordres doit être appréciée à la date d'établissement du procès-verbal de réception définitive, quand bien même le point de départ du délai de garantie décennale a été fixé, d'un commun accord, à une date antérieure ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les non-conformités de l'ouvrage ont été constatées les 17 et 30 juillet 2009 ; qu'elles étaient donc connues du maître d'ouvrage lors de la date d'établissement des procès-verbaux de réception définitive, le 22 septembre 2009 s'agissant du lot n° 1 et le 9 novembre 2009 s'agissant des trois autres lots ; que, par suite, dès lors que les non-conformités ont été constatées par la commune de Cannes, que celle-ci a fait appel à des entreprises tierces avant la réception définitive des ouvrages pour remédier à ces non-conformités et qu'elle a cependant accepté de prononcer sans réserve la réception définitive de ces ouvrages, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la responsabilité décennale des constructeurs ;

9. Considérant, par ailleurs, que la réalité du préjudice financier dont se prévaut la commune de Cannes du fait de ces non-conformités n'est en tout état de cause pas établi, dès lors que, s'agissant de travaux de mise en conformité, elle était tenue de procéder à leur financement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la commune de Cannes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Cannes, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le cabinet d'architectes Comte et Vollenweider et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : La commune de Cannes versera la somme de 2 000 (deux mille) euros au cabinet d'architectes Comte et Vollenweider au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et au cabinet d'architectes Comte et Vollenweider.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller ;

- M. Ouillon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2016.

''

''

''

''

2

N° 14MA03082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03082
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Responsabilité de l'architecte.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP DELAGE-ARENA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-15;14ma03082 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award