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28/12/2015 | FRANCE | N°14MA04872

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2015, 14MA04872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; d'enjoindre au même préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, " salarié " dans un délai d'un mois compter du jugement à intervenir et

, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; d'enjoindre au même préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, " salarié " dans un délai d'un mois compter du jugement à intervenir et, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1400902 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M.C....

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2014, M. C...représenté par Me A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juin 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, " salarié " dans un délai d'un mois compter de l'arrêt à intervenir et, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai à compter de la notification de cet arrêt.

M. C...soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles il était fondé à solliciter la délivrance d'un titre de séjour, compte tenu tant des conditions de son arrivée sur le territoire national, que de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et du sérieux de sa scolarité ;

- en écartant ce moyen au motif que sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance n'était pas établie, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa situation personnelle n'a pas été prise en compte telle qu'elle existait à la date de cet arrêté, au regard de laquelle il relevait du champ d'application des dispositions de l'article L. 313-15 dudit code ;

- c'est à tort que les premiers juges, pour écarter ce moyen comme inopérant, ont relevé qu'il n'avait jamais saisi le préfet d'une demande de titre de séjour présentée sur ce fondement, alors qu'en estimant dans son arrêté qu'il n'entrait dans aucun cas d'ouverture d'un droit au séjour prévu par le même code, ce dernier a nécessairement lié le contentieux sur ce point ;

- l'arrêté attaqué est encore entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France depuis l'année 2008 ;

- en écartant ce moyen au motif notamment que le requérant n'aurait pas établi sa résidence sur le territoire national avant le mois de septembre 2009, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- en l'écartant au motif également que l'intéressé n'établirait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ;

- le requérant a été privé de la faculté d'entrer en contact avec l'agent chargé d'instruire sa demande, faute d'avoir été destinataire d'un accusé de réception de cette dernière, en violation des dispositions des articles 4 et 19 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il a été privé du droit d'être entendu, à tout le moins sur la décision d'éloignement envisagée à son encontre, en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait, en ce qui concerne les conditions d'arrivée du requérant sur le territoire national ;

- pour écarter ce moyen au motif que l'intéressé n'aurait pas justifié de son arrivée en France à l'âge de 13 ans, au cours de l'année 2008, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 313-14 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour considérer que les risques de traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine invoqués par le requérant ne seraient pas avérés ;

- l'autorité administrative s'est, sur ce point, considéré à tort comme liée par l'analyse retenue par la Cour nationale du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, pour ne pas préciser sur quels élément son auteur s'est fondé pour estimer que le requérant ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour, telles qu'elles sont fixées notamment par les dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement attaqué, qui n'a pas répondu à ce moyen pourtant opérant, est entaché d'insuffisance de motivation.

Une mise en demeure a été adressée le 21 septembre 2015 au préfet des Alpes-Maritimes.

Par courrier du 26 octobre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, que l'affaire était susceptible d'être appelée au cours du 4ème trimestre de l'année 2015 et qu'une clôture d'instruction à effet immédiat pourrait être prononcée à compter du 5 novembre 2015.

L'instruction a été close à effet immédiat par l'émission de l'avis d'audience le 19 novembre 2015.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

- la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gautron.

1. Considérant que M.C..., selon ses dires né le 23 février 1995 à Grozny (Fédération de Russie) et d'origine tchétchène, déclare être arrivé en France le 6 novembre 2008, sans documents de séjour, après avoir été contraint de fuir son pays en compagnie de son frère Rustam, pour appartenir à une famille d'opposant au régime politique en place ; qu'il se serait maintenu depuis lors sur le territoire national ; qu'il a présenté le 1er octobre 2012, en préfecture de la Sarthe, une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, laquelle a toutefois été rejetée le 26 novembre 2012 par une décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 novembre 2013 ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juin 2014, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 janvier 2014 ayant, à la suite de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé, fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et fixé le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. C...soutient que les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, en ce qui concerne son droit au séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que la demande de titre de séjour présentée au préfet des Alpes-Maritimes par M. C...l'aurait été sur le fondement de ces dispositions, ce que l'intéressé ne prétend d'ailleurs pas ; que par suite, l'arrêté attaqué n'avait pas, contrairement à ce qui est soutenu, à être motivé au regard des mêmes dispositions, de sorte que le moyen invoqué par M. C...devant le tribunal administratif de Nice, tiré de l'insuffisance de motivation de l'acte attaqué, était inopérant sur ce point ; que par suite, les premiers juges en se bornant pour écarter ce moyen à faire état au point 3 de leur jugement de ce que l'arrêté attaqué " qui cite les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables et qui précise notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui accorder le statut de réfugié mais également le bénéfice de la protection subsidiaire et qu'il n'a fourni à la préfecture aucun élément susceptible de remettre en cause cette analyse, expose les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ", ont suffisamment motivé leur jugement ; que le moyen doit par conséquent être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / 1° Les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins, en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service tel que prévu au 12° du I de l'article L. 312-1 ; / 2° Les pupilles de l'Etat remis aux services dans les conditions prévues aux articles L. 224-4, L. 224-5, L. 224-6 et ; / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou du 4° de l'article 10 et du 4° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; (...) Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants " ;

4. Considérant que si M. C...soutient qu'il était fondé à obtenir la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, qu'il aurait fait l'objet, depuis son arrivée en France et avant ses seize ans, d'une décision de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, au sens et pour l'application de celles de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles ; qu'en particulier, l'attestation délivrée par le 12 février 2014 par le conseil général de la Sarthe, si elle fait état d'une prise en charge à titre temporaire de l'intéressé, mentionne à ce titre la seule période du 16 février 2012 au 23 février 2013, au cours de laquelle celui-ci, qui déclare être né le 23 février 1995 ainsi qu'il a été dit au point 1, était âgé de plus de seize ans ; que par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;

6. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, lorsque le préfet recherche d'office si l'étranger peut bénéficier d'un titre de séjour sur un ou plusieurs autres fondements possibles, l'intéressé peut alors se prévaloir à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de la méconnaissance des dispositions au regard desquelles le préfet a également fait porter son examen ; que, dans le cas où, comme en l'espèce, le préfet énonce, parmi les motifs de la décision portant refus de séjour, que l'intéressé ne remplit " aucune des conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement d'un autre article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du même code ", il doit être réputé avoir examiné si le demandeur était susceptible de recevoir l'un des titres de séjour dont la loi dispose qu'ils sont attribués de plein droit ;

7. Considérant, d'une part, que M. C...n'établit ni même n'allègue avoir présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 ; que d'autre part, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes, en se bornant à faire état de ce qu'il n'était pas susceptible de se voir délivrer un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait implicitement mais nécessairement examiné sa demande sur le fondement des mêmes dispositions, qui ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; que par suite, M. C...n'invoque pas utilement, en tout état de cause, leur méconnaissance ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'en vertu des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, " A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;

9. Considérant, d'une part, que s'il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre d'un inspecteur d'académie datée du 17 décembre 2008, demandant son inscription dans un collège angevin à compter du 5 janvier 2009, que M. C...doit être regardé comme entré sur le territoire national au plus tard à la première de ces deux dates et non en septembre 2009 comme l'ont, à tort, relevé les premiers juges, il n'est pas contesté que l'intéressé a passé la majorité de son existence en Tchétchénie ; qu'il résulte de ses propres déclarations que celui-ci conserve dans ce pays des attaches familiales et notamment un oncle paternel qui l'a élevé, ainsi que ses deux frères, jusqu'à leur départ, dans de bonnes conditions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...aurait, depuis son arrivée en France, développé une vie familiale réelle, alors qu'il a séjourné alternativement dans des foyers d'accueil et diverses familles tchétchènes et qu'il affirme lui-même ne plus avoir de lien particulier avec ses frères présents sur le territoire national ; que si les mêmes pièces attestent de la présence sur le territoire national de sa mère et d'une tante, laquelle aurait justifié son départ vers la région niçoise, elles révèlent également que leur présence est très récente et irrégulière et que ces dernières se trouvent en situation de grande précarité ; que dans ces conditions, M. C...ne peut être regardé comme ayant durablement fixé le centre de sa vie privée et familiale sur le territoire national ; que par suite, le moyen fondé sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

10. Considérant, d'autre part, que M. C...n'établit ni même n'allègue avoir présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; qu'il en résulte, comme de ce qui a été dit aux points 6 et 7, qu'il n'invoque pas utilement leur méconnaissance par l'arrêté attaqué ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret détermine les cas dans lesquels il n'est pas accusé réception des demandes en raison de la brièveté du délai imparti à l'autorité pour répondre, ou lorsque la demande n'appelle pas d'autre réponse que le service d'une prestation ou la délivrance d'un document prévus par les lois et les règlements. (...) " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'impossibilité, pour l'intéressé, de contacter directement l'agent chargé d'instruire sa demande, dès lors qu'il n'aurait pas été informé de son identité et de ses coordonnées administratives, en l'absence d'accusé de réception de cette demande, l'aurait à elle seule privé, comme il le prétend, de la possibilité de compléter celle-ci en cours d'instruction, alors qu'il n'établit ni même n'allègue, du reste, avoir vainement tenté de le faire ; qu'il ne soutient pas, par ailleurs, avoir demandé à l'administration la communication des informations en question ; que d'autre part, l'arrêté attaqué mentionne les nom, prénom et qualité de son signataire, M. D...B..., sous-directeur de cabinet, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, dont le premier alinéa n'est pas applicable à cette décision administrative ; que la circonstance que la demande de titre de séjour de M. C...n'aurait pas fait l'objet d'un accusé de réception, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la même loi, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que si M. C...soutient que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa date d'arrivée sur le territoire national, pour avoir implicitement considéré cette dernière comme non établie et refusé, par suite, de prendre en compte la période antérieure au 1er octobre 2012, un tel refus ne résulte aucunement, contrairement à ce qu'il prétend, des motifs de cet arrêté ; qu'en outre, celui-ci ne se fonde aucunement sur la date supposée ou réelle d'arrivée de l'intéressé sur le territoire national ; que dès lors, ce moyen doit être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, que si M. C...soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'insuffisance de motivation, au regard notamment du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs du jugement attaqué, tels qu'ils ont été rappelés au point 2 ;

En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

15. Considérant, d'une part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " : qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

17. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

18. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; que toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

19. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

20. Considérant qu'il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 12, que l'impossibilité, pour l'intéressé, de contacter directement l'agent chargé d'instruire sa demande l'aurait à elle seule privé, comme il le prétend, de la possibilité de compléter celle-ci en cours d'instruction ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté ;

21. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

22. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...serait exposé à des risques particuliers pour sa liberté ou pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il ne résulte pas des motifs de l'arrêté attaqué que, pour lui refuser le bénéfice des stipulations et dispositions précitées, l'auteur de cet arrêté se serait cru lié par l'analyse de la Cour nationale du droit d'asile sur ce point ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doit être écarté ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 janvier 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin doivent donc être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêté sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Alpes-Maritimes,

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2015 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Gautron, conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2015.

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N° 14MA04872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04872
Date de la décision : 28/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : NUCERA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-28;14ma04872 ?
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