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21/12/2015 | FRANCE | N°14MA02606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2015, 14MA02606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser une indemnité d'un montant de 258 835 euros en réparation des préjudices subis à la suite des interventions chirurgicales réalisées les 6 et 7 novembre 2009.

Par un jugement n° 1200434 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier de Nice à verser à M. B...la somme de 32 339,56 euros au titre de ses préjudices et à la caisse primaire

d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 17 446,63 euros.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nice la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser une indemnité d'un montant de 258 835 euros en réparation des préjudices subis à la suite des interventions chirurgicales réalisées les 6 et 7 novembre 2009.

Par un jugement n° 1200434 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier de Nice à verser à M. B...la somme de 32 339,56 euros au titre de ses préjudices et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 17 446,63 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 juin 2014 et le 10 septembre 2015, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du 9 mai 2014 en ce qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nice ;

2°) de réformer ce jugement en ce qu'il a globalisé les postes de préjudices et de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser une indemnité d'un montant total de 258 835 euros ;

3°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une globalisation des postes de préjudices devait intervenir, de condamner le centre hospitalier universitaire à lui verser une indemnité d'un montant total de 268 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Il soutient que :

- l'évaluation des préjudices par le tribunal à la somme globale de 32 339,56 euros est insuffisante ; l'indemnisation de la tierce personne doit être calculée sur la base du coût horaire de rémunération de 15 euros et non par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire ; il sollicite la somme de 3 000 euros à ce titre à raison de 2 heures par jour du 20 novembre 2009 au 15 décembre 2009 et une heure par jour du 16 décembre 2009 au 15 avril 2010 ; il sollicite les sommes de : 3 335 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire du 6 novembre 2009 au 16 septembre 2010, 37 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent évalué à 15 %, 10 000 euros au titre des souffrances physiques évaluées à 3,5/7, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique évalué à 2,5/7 et 200 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Par mémoire enregistré le 2 septembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes conclut à la réformation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser les sommes de : 36 681,52 euros avec intérêts de droit au titre des débours versés, 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions du code de la sécurité sociale et 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par mémoire enregistré le 8 juillet 2015, le centre hospitalier universitaire de Nice conclut au rejet de la requête de M.B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 19 décembre 2014 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant qu'en octobre 2009 un cancer du côlon gauche a été détecté chez M. B... qui a subi, le 6 novembre 2009, une intervention chirurgicale dans les suites de laquelle il a présenté une douleur importante et une augmentation de volume au niveau du mollet gauche ; qu'un syndrome des loges du mollet gauche ayant été diagnostiqué, M. B... a subi une intervention chirurgicale le 7 novembre 2009 consistant en une aponévrotomie de décharge par ouverture de trois loges jambières ; que, présentant des séquelles neurologiques et musculaires sous forme notamment d'un retentissement sur la marche, M. B...a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande d'indemnisation ; que, le 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a déclaré le centre hospitalier universitaire de Nice responsable du préjudice subi par M. B...en raison du défaut de surveillance dont il a fait l'objet lors de l'intervention chirurgicale du 6 novembre 2009 par absence de contrôle des appuis pour une intervention qui a duré plus de six heures et de défauts dans la prise en charge du syndrome des loges constitués, d'une part, par le retard de prise en charge par l'équipe médicale et, d'autre part, par l'absence d'immobilisation adéquate pour prévenir la survenance de l'équin ; que le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier universitaire de Nice à verser à M. B...la somme de 32 339,56 euros au titre de ses préjudices et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 17 446,63 euros ; que M. B...fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité la réparation du préjudice à la somme de 32 339,56 euros ; qu'il porte ses prétentions, à titre principal, à la somme totale de 258 835 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes demande que le jugement du tribunal administratif de Nice soit réformé en tant qu'il a limité le remboursement de ses débours à la somme 17 446,63 euros ; qu'elle porte ses prétentions à la somme de 36 681,52 euros ; que le centre hospitalier universitaire de Nice ne conteste pas sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

2. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes soutient avoir versé, pour la prise en charge du requérant, la somme de 36 681,52 euros au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, des frais de transport et des frais futurs d'appareillage ;

3. Considérant que, s'agissant des frais d'hospitalisation, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice subi par la caisse en fixant à 16 991 euros le montant de l'indemnité à lui allouer à ce titre pour la période d'hospitalisation du 10 novembre au 20 novembre 2009 dès lors qu'il résulte de l'instruction notamment de l'expertise que M. B...aurait dû pouvoir sortir trois jours après une hospitalisation du 6 novembre 2009 dépourvue de complication ; qu'en outre, ces frais sont justifiés par la production d'une attestation d'imputabilité du 6 janvier 2015 établie par le médecin conseil précisant la durée supplémentaire d'hospitalisation liée à la survenue d'un syndrome des loges du mollet gauche du 10 novembre au 20 novembre 2009 ;

4. Considérant que, s'agissant des frais médicaux et des frais de transport, la caisse justifie en appel par la production de la même attestation d'imputabilité que ces frais sont imputables à la complication résultant de la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Nice ; qu'elle est dès lors fondée à demander le remboursement de la somme de 11 511,28 euros correspondant à ces frais ;

5. Considérant que, s'agissant des frais futurs d'appareillage d'un montant de 455,63 euros correspondant à deux semelles orthopédiques, la même attestation d'imputabilité détaille la nature des frais et le mode de calcul de la somme réclamée ; que, dès lors, les premiers juges ont pu retenir le caractère certain de ces frais futurs ;

6. Considérant que le tribunal a accordé à M. B...la somme de 1 839,56 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne calculée par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut à raison d'une durée, constatée par l'expert, de deux heures par jour du 20 novembre 2009 au 15 décembre 2009 dès lors qu'il se déplaçait difficilement avec un déambulateur pendant cette période et d'une heure par jour du 16 décembre 2009 au 15 avril 2010 dès lors qu'il se déplaçait avec deux cannes axillaires ;

7. Considérant que M. B...soutient que la référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut n'est pas adaptée ; qu'il sollicite, à ce titre, l'application d'un taux horaire de 15 euros et, pour la période considérée, la somme de 3 000 euros ;

8. Considérant que, le principe de réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des cotisations patronales, appliqué à une durée journalière dans le respect des règles du droit du travail ; qu'en se fondant sur les taux horaires bruts du SMIC en vigueur en 2009 et 2010 sans prendre en compte les cotisations sociales patronales les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante des besoins en assistance d'une tierce personne de M. B... ;

9. Considérant qu'en se fondant sur les taux horaires bruts du SMIC en vigueur en 2009 et 2010 augmenté des cotisations sociales patronales, il y a lieu de fixer à 12,52 euros par heure en 2009 et à 12,58 euros en 2010 le coût de l'aide non médicalisée que nécessitait l'état de santé de M. B... ; que, par suite, le préjudice lié aux besoins d'assistance par une tierce personne s'élève, pour la période considérée, à la somme de 2 285,49 euros ; que M. B... est dès lors fondé à demander la réformation du jugement dans cette mesure ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le centre hospitalier universitaire de Nice doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 28 957,91 euros ; que, d'autre part, le centre hospitalier universitaire de Nice doit être condamné à verser à M. B...la somme de 2 285,49 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

11. Considérant que, s'agissant des postes de préjudices à caractère personnel, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. B...consécutif aux séquelles du syndrome des loges a entrainé une période de déficit temporaire total de huit jours et des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiels, à 75 %, du 6 novembre 2009 au 15 décembre 2009, à 50 %, du 16 décembre 2009 au 15 avril 2010 et, à 25 %, du 16 avril 2010 au 16 septembre 2010, le déficit fonctionnel permanent du requérant a été évalué à 15 % en raison notamment des difficultés à la marche, les souffrances physiques ont été évaluées à 3,5/7, le préjudice esthétique à 2,5/7 et un préjudice d'agrément doit être pris en compte pour toute pratique de sport ; que l'expert a également relevé que M. B... présentait un risque accru de syndrome des loges, au maximum de 10 % en raison d'un surpoids ;

12. Considérant que le tribunal a alloué au requérant la somme de 10 000 euros, au titre des préjudices temporaires, incluant les périodes de déficit temporaire total et partiel et les souffrances physiques et, au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, la somme de 20 500 euros incluant le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément ;

13. Considérant que M. B...soutient que le tribunal n'a pas examiné les préjudices poste par poste ; que, toutefois, les préjudices personnels peuvent faire l'objet d'une indemnisation globale sauf dans le cas, prévu au cinquième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, où la caisse établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un préjudice ayant un tel caractère ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi, le tribunal n'était pas tenu de décomposer, poste par poste, les sommes de 10 000 euros et de 20 500 euros qu'il a allouées au titre des préjudices temporaires et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ;

14. Considérant que, compte tenu des préjudices retenus par l'expert et rappelés au point 11, les premiers juges ont fait une appréciation qui n'est pas insuffisante des préjudices temporaires et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis en allouant à M. B...les sommes de 10 000 euros et de 20 500 euros ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a limité l'indemnisation de ces deux chefs de préjudice à la somme de 30 500 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, M. B...est fondé à soutenir que la somme de 32 339,56 euros que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à lui payer par l'article 1er du jugement attaqué doit être portée à 32 785,49 euros ; que, d'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes est fondée à soutenir que la somme de 17 446,63 euros que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à lui payer par l'article 2 du jugement attaqué doit être portée à 28 957,91 euros ;

Sur les intérêts :

16. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a droit aux intérêts légaux de la somme de 28 957,91 euros à compter du 25 octobre 2013, date d'enregistrement du mémoire par lequel elle a pour la première fois formulé une demande d'indemnités ;

Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

17. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 037 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 19 décembre 2014 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 1 500 euros à verser à M. B...et la somme de 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à verser à M. B...par l'article 1er du jugement du 9 mai 2014 du tribunal administratif de Nice est portée à 32 785,49 euros.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes par l'article 2 du jugement du 9 mai 2014 du tribunal administratif de Nice est portée à 28 957,91 euros. Cette somme sera assortie des intérêts aux taux légaux à compter du 25 octobre 2013.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale par l'article 3 du jugement du 9 mai 2014 du tribunal administratif de Nice est portée à 1 037 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice 9 mai 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Nice versera à M. B...la somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au centre hospitalier universitaire de Nice.

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N°14MA02606 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02606
Date de la décision : 21/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06-025 Santé publique. Établissements publics de santé. Responsabilité des établissements de santé (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : JEAN-CLAUDE BENSA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-21;14ma02606 ?
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