Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Eurotrade Fish a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1105768 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2014, la SAS Eurotrade Fish, représentée par la SARL Le Blevennec et associés, agissant par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge de la retenue à la source en litige.
La SAS Eurotrade Fish soutient que :
- elle est fondée à se prévaloir de l'exonération de retenue à la source en vertu de l'instruction 4 C-7-07 du 10 mai 2007 qui n'a pas à être combinée avec l'article 119 ter du code général des impôts ;
- la preuve de l'existence d'un montage artificiel qui serait susceptible de faire obstacle à l'exonération de retenue à la source n'a pas été apportée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la superposition d'une société holding au Luxembourg sans activité économique effective et d'une société holding à Chypre permettait à l'actionnaire de contourner l'application de la retenue à la source et constitue ainsi un montage artificiel.
Vu :
- le courrier adressé le 29 juin 2015 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;
- l'avis d'audience adressé le 16 novembre 2015 portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Eurotrade Fish, qui a pour activité le négoce de produits surgelés de la mer, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la distribution de dividendes en franchise d'impôt au profit de la SARL Jolora, société résidente au Luxembourg et actionnaire de la SAS Eurotrade Fish ; qu'en conséquence, l'administration l'a assujettie, en suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à la retenue à la source prévue au 2. de l'article 119 bis du code général des impôts au titre de l'année 2008, qui a été assortie de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts ; que la SAS Eurotrade Fish relève appel du jugement du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge de cette retenue à la source ainsi que des pénalités qui l'ont assortie ;
2. Considérant que l'administration a remis en cause la distribution en franchise d'impôt des dividendes en se fondant sur le 3 de l'article 119 ter du code général des impôts, au motif que la chaîne des participations existant entre la SAS Eurotrade Fish et la SARL Jolora correspondait à un montage artificiel dont la vocation unique était l'interposition de la SARL Jolora entre le bénéficiaire des dividendes distribués M. A..., qui est résident uruguayen, et la SAS Eurotrade Fish, à la seule fin de bénéficier indûment de l'exonération de retenue à la source pour les sociétés prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Considérant que la SAS Eurotrade Fish était initialement détenue à 80 % par M. A..., résident uruguayen, lequel a fait apport de ses titres le 30 juin 2006 à la SARL Jorola, société résidente au Luxembourg dont il détenait la totalité des parts ; que le 20 août 2008, les titres de la SARL Jorola ont été apportés par M. A...à la société Topusco Limited, société résidente à Chypre ; que le 30 septembre 2008, la SARL Jolora s'est vu attribuer la somme de 120 000 euros à titre de dividendes versés par la SAS Eurotrade Fish, qui n'a pas été soumise à la retenue à la source prévue au 2. de l'article 119 bis du code général des impôts en vertu de l'exonération prévue par l'article 119 ter du même code au bénéfice des sociétés ayant le siège effectif de leur direction dans un Etat membre de l'Union européenne ;
4. Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition (...) " ; qu'à ceux de l'article 119 ter du même code : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. (...) 3. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1. (...) " ;
5. Considérant que la SAS Eurotrade Fish soutient que la preuve de l'existence d'un montage artificiel qui serait susceptible de faire obstacle à l'exonération de retenue à la source, n'a pas été apportée par l'administration fiscale ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts qu'il incombe à la personne morale qui bénéficie des dividendes distribués, lorsqu'elle est contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, de justifier que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage de l'exonération de retenue à la source ; qu'ainsi, la société Eurotrade Fish n'est pas fondée à soutenir qu'une telle justification incombe à l'administration fiscale ;
7. Considérant, en second lieu, que la SAS Eurotrade Fish fait valoir que la SARL Jolora ne bénéficie pas du statut fiscal des sociétés holding prévu par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929 et relève du statut fiscal de droit commun, que l'apport de M. A...des titres de la SAS Eurotrade Fish à la SARL Jolora était motivé pour un objectif de détention et de gestion patrimoniale de ses actifs dans une société au Luxembourg où le droit des sociétés est plus protecteur des intérêts de l'actionnaire qu'en France ; qu'à l'inverse, l'administration fait valoir que la SARL Jolora est une société holding pure, sans personnel, sans autre activité économique que la détention des participations de M. A...dans des sociétés en France ; que les dirigeants de la société sont des membres de cabinets d'avocats ou de fiducie ;
8. Considérant qu'en l'espèce, l'interposition d'une société holding a eu pour effet de permettre à la SAS Eurotrade Fish de procéder à des distributions de dividendes tout en bénéficiant de l'exonération prévue au 1 de l'article 199 ter du code général des impôts ; que, dans les circonstances de l'espèce, la SAS Eurotrade Fish ne peut être regardée comme apportant la preuve que la chaîne des participations n'a pas eu pour objet principal de tirer avantage de l'exonération précitée dès lors qu'il n'est pas contesté que la SARL Jolora est une société holding pure, sans personnel, sans autre activité économique que la détention des participations de M. A...dans des sociétés en France ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a soumis la société requérante à la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
9. Considérant que la SAS Eurotrade Fish se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes du paragraphe 5 de l'instruction référencée BOI 4 C-7-07 du 10 mai 2007 selon lesquels " en l'absence de montage artificiel, lorsqu'une société européenne bénéficie de dividendes de source française afférents à une participation supérieure à 5 % du capital de la société distributrice et se trouve, du fait d'un régime d'exonération applicable dans son Etat de résidence, privée de toute possibilité d'imputer la retenue à la source en principe prélevée en France sur le fondement du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts, les distributions en question ne seront plus soumises à ladite retenue. ", pour soutenir qu'elle était exonérée du paiement de la retenue à la source ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ;
11. Considérant qu'en l'espèce, l'administration n'a procédé à aucun rehaussement d'imposition antérieure en se bornant à remettre en cause l'exonération dont la SAS Eurotrade Fish avait cru pouvoir bénéficier ; que celle-ci ne peut donc se prévaloir du 1er alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir du 2ème alinéa du même article dès lors qu'en l'espèce, l'administration n'a soutenu aucune interprétation différente de celle contenue dans l'instruction 4 C-7-07 du 10 mai 2007 pour la soumettre à la retenue à la source prévue au 2. de l'article 119 bis du code général des impôts ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Eurotrade Fish n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Eurotrade Fish est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eurotrade Fish et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.
Le rapporteur,
M. SAUVEPLANELe président,
J.-L. BÉDIER
Le greffier,
P. RANVIER
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 14MA00697 2