Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 30 mai 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de Lozère a autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 1302102 du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2014, Mme E..., représentée par la SCP Pellegrin Soulier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 mai 2014 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Deltour Laurent Holding la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont estimé à tort qu'il n'existait pas de lien entre son licenciement et l'exercice de ses mandats ;
- le tribunal a jugé à tort la procédure de licenciement régulière alors qu'elle n'avait pas été informée du motif économique du licenciement avant la signature de son contrat de sécurisation professionnelle ;
- les premiers juges ont écarté à tort le moyen tiré de ce que la recherche de reclassement n'avait pas été loyale et sérieuse alors que le poste pour lequel elle avait refusé une modification de son contrat de travail aurait dû lui être proposé dans le cadre de son reclassement ;
- la procédure de consultation du comité d'entreprise a été irrégulière dès lors que les membres du comité n'ont pas été informés de la totalité de ses mandats, en violation de l'article L. 2323-4 du code du travail et de la circulaire ministérielle DGT n° 07-2012 du 30 juillet 2012 ;
- la réalité du motif économique n'est pas établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- pour les raisons énoncées dans le mémoire en défense de l'administration présenté devant le tribunal, les moyens soulevés devront être écartés ;
- l'employeur n'avait pas à démontrer une menace sur la compétitivité de l'entreprise dès lors qu'il s'est prévalu de difficultés économiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2015, la SAS Deltour Laurent Holding, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 6 novembre 2015, la SARL Tremoulis Investissements, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable à intervenir dès lors qu'elle a absorbé la SAS Deltour Laurent Holding à compter du 28 mars 2013 ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que Mme E... a été embauchée le 1er avril 2006 par la SAS Deltour Laurent Holding en qualité de comptable ; que, le 20 juin 2011, elle a été élue membre suppléant de la délégation unique du personnel au sein de l'entreprise ; que, le 7 novembre 2012, la SAS Deltour Laurent Holding lui a proposé une modification de son contrat de travail consistant en une réduction de sa durée de travail, qu'elle a refusée par courrier du 5 décembre ; que la société a alors mis en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique et a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement ; que l'inspecteur du travail de la Lozère a opposé un refus le 5 décembre 2012 en raison de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise ; que la SAS Deltour Laurent Holding a repris la procédure de licenciement pour motif économique et a de nouveau sollicité l'autorisation de licencier Mme E... le 16 avril 2013 ; que l'inspecteur du travail a accordé cette fois l'autorisation par une décision du 30 mai 2013 ; que Mme E... fait appel du jugement du 21 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;
Sur l'intervention de la SARL Tremoulis Investissements :
2. Considérant que la SARL Tremoulis Investissements indique avoir absorbé la SAS Deltour Laurent Holding à compter du 28 mars 2013 ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle est devenue l'employeur de Mme E... à compter du 1er avril 2013, soit antérieurement à la décision litigieuse, par l'effet d'un avenant au contrat de travail de cette dernière ; qu'ainsi, la SARL Tremoulis Investissements a la qualité de partie à l'instance et ne peut être regardée comme intervenante ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur la recevabilité de son intervention ;
Sur la légalité de l'autorisation du 30 mai 2013 :
3. Considérant que, pour justifier de la réalité du motif économique du projet de licenciement, la SAS Deltour Laurent Holding fait valoir que sa situation financière était liée à celle de la SAS Deltour avec laquelle elle avait conclu une convention et à laquelle elle fournissait des prestations, notamment comptables ; qu'elle a produit en première instance l'attestation d'un expert-comptable selon laquelle la SAS Deltour aurait connu au cours de l'exercice 2011/2012 des difficultés économiques engendrées par une baisse cumulée du niveau de production et du taux de marge ; que cette situation se serait traduite pour cette société par une perte de 169 065 euros à l'issue de cet exercice ; que, toutefois, la situation de la SAS Deltour peut constituer un élément d'explication des difficultés rencontrées par la SAS Deltour Laurent Holding mais ne démontre ni leur réalité ni leur ampleur ; que, si la SAS Deltour Laurent Holding a sollicité par ailleurs l'échelonnement de ses dettes fiscales et sociales auprès de divers organismes, l'existence de telles dettes ne suffit pas à elle seule à établir qu'elle connaissait, à la date de la décision contestée, des difficultés économiques suffisantes pour justifier le projet de licenciement en cause ; que la société a fourni également à l'appui de sa demande d'autorisation un tableau retraçant son chiffre d'affaires mensuel au cours des exercices clos en 2012 et 2013 ; que, toutefois, ce document n'atteste pas non plus de la réalité des difficultés économiques alléguées dès lors qu'il n'apporte aucune information sur l'évolution des résultats de l'entreprise, ni même ne permet pas de constater une baisse de son niveau d'activité au regard des exercices antérieurs ; qu'en outre, comme il a été dit au point 2, la SAS Deltour Laurent Holding a été absorbée par la SARL Tremoulis Investissements à compter du 28 mars 2013 sans qu'aucun élément sur la situation économique de cette dernière, qui était devenue l'employeur de Mme E... à la date de l'autorisation contestée et même de la demande d'autorisation, ne soit fourni ; que, de plus, le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 8 février 2012, auquel se réfère celui de la réunion du 10 avril 2013, indique que l'année 2012-2013 a été bonne en termes de vente, que le nombre de commandes est correct et garantit l'activité pour une grande partie de 2013 et fait état, simplement, d'interrogations au niveau des ventes de l'année 2013 ; que le même document justifie le projet de restructuration du service chargé de la gestion comptable et sociale par la complexité croissante des textes et des démarches administratives et par le souci de faire des économies ; que la demande d'autorisation de licenciement fait également état de la nécessité d'externaliser une partie de la gestion de l'entreprise, outre en raison de difficultés économiques ou de trésorerie évoquées en termes très généraux, " dans un souci de sécurité juridique et d'optimisation de la gestion du personnel " ; qu'ainsi, Mme E... est fondée à soutenir que la réalité des difficultés économiques invoquées n'est pas établie et à demander en conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la Lozère du 30 mai 2013, ainsi que celle du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 mai 2014 ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la SAS Deltour Laurent Holding et la SARL Tremoulis Investissements demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SAS Deltour Laurent Holding la somme demandée par Mme E... au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de l'intervention de la SARL Tremoulis Investissements.
Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail de la Lozère du 30 mai 2013 et le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 mai 2014 sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à la SAS Deltour Laurent Holding et à la SARL Tremoulis Investissements.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M.A...'hôte, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2015.
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N° 14MA03230
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