La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2015 | FRANCE | N°14MA04840

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2015, 14MA04840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lyonnaise des Eaux France a demandé au tribunal administratif de Nice d'interpréter les stipulations du contrat de délégation du service public d'assainissement collectif sur le territoire des communes de La Roquette-sur-Siagne, Théoule-sur-Mer, Auribeau-sur-Siagne et Cannes, conclu le 21 juillet 2008 avec le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin cannois (SIABC), comme autorisant le délégataire à percevoir le produit de la part fonctionnement des contributions dues par les communes

du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas, en applica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lyonnaise des Eaux France a demandé au tribunal administratif de Nice d'interpréter les stipulations du contrat de délégation du service public d'assainissement collectif sur le territoire des communes de La Roquette-sur-Siagne, Théoule-sur-Mer, Auribeau-sur-Siagne et Cannes, conclu le 21 juillet 2008 avec le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin cannois (SIABC), comme autorisant le délégataire à percevoir le produit de la part fonctionnement des contributions dues par les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas, en application des conventions de déversement qu'elles ont conclues avec la collectivité ; de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'assainissement unifié du bassin cannois (SIAUBC), qui s'est substitué au SIABC, le montant de la contribution pour l'aide juridique dont elle s'est acquittée dans le cadre de cette instance.

Par un jugement n° 1304878 du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société Lyonnaise des Eaux France.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 5 décembre 2014, le 2 juin 2015 et le 7 septembre 2015, la société Lyonnaise des Eaux France, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2014 ;

2°) de déclarer que la convention de délégation de service public d'assainissement collectif dénommée " Biovia " passée le 24 juillet 2008 avec le SIAUBC doit être interprétée comme autorisant le délégataire à percevoir le produit de la part fonctionnement des contributions dues par les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas ;

3°) de mettre à la charge du SIAUBC une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance à savoir la contribution pour l'aide juridique de 35 euros.

La société soutient que :

Sur le jugement querellé :

En ce qui concerne son article 1er :

- les premiers juges ont dénaturé les stipulations pourtant dépourvues d'ambiguïté, en dépit de maladresses rédactionnelles, de l'article 39.1 de la convention Biovia, lesquelles incluent à l'évidence dans la rémunération du délégataire, d'une part, s'agissant du réseau de collecte, transport et traitement des eaux usées, la " part fermière " correspondant au tarif facturé aux abonnés et les contributions mises à la charge des communes non membres mais rejetant leurs effluents dans le réseau de la collectivité, tandis que cette dernière a droit, d'autre part, au versement d'une part dénommée " surtaxe ", dès lors que la notion de rémunération mise en oeuvre renvoie nécessairement aux sommes revenant au délégataire et conservées par lui et non à celles qu'il ne perçoit que pour le compte de la collectivité, la part de cette dernière ne faisant d'ailleurs pas partie des éléments de la rémunération du délégataire en vertu des mêmes stipulations, de sorte que le délégataire est nécessairement bénéficiaire d'une fraction des contributions communales correspondant à la " part fonctionnement " ;

- les premiers juges ont dénaturé les stipulations de l'article 39.2 de la même convention, en jugeant que ces dernières fixaient limitativement les éléments de la rémunération du délégataire, sous la forme de la " part fermière " susmentionnée s'agissant du réseau d'eaux usées et d'une somme forfaitaire s'agissant du réseau d'eaux pluviales, alors que ces stipulations doivent être interprétées conjointement avec celles de l'article 39.1, l'omission d'un rappel au sein de ces stipulations, des éléments de la rémunération du délégataire exhaustivement définis par celles de l'article 39.1 s'expliquant aisément par le contenu minimal que leur imposent les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, tandis que les éléments de cette rémunération rappelés à l'article 39.2 n'en représentant qu'une partie ;

- l'article 41 de la convention Biovia, lequel concerne l'actualisation des rémunérations des conventions spéciales de déversement conclues avec les communes non membres, confirme la vocation du délégataire à percevoir pour son propre compte une fraction des contributions versées par ces dernières ;

- les premiers juges ont dénaturé les stipulations de l'article 43.2 de la même convention, relatif à la part de la collectivité, en jugeant que celui-ci impose au délégataire de reverser au SIAUBC l'intégralité du produit de ces contributions communales, alors que ses stipulations n'impliquent le reversement à celui-ci que de la " part collectivité " desdites contributions et non de la totalité de ces dernières, tandis que l'existence d'une " part collectivité " ne se conçoit que conjointement avec celle d'une " part délégataire " ;

- toute interprétation différente de ces stipulations combinées méconnaîtrait les dispositions des articles 1156 et suivants et notamment 1158 et 1161 du code civil ;

- à cet égard, le compte d'exploitation prévisionnel, qui n'est qu'indicatif et a été établi sur la base d'un modèle imposé par le SIAUBC, lui est inopposable ;

- en procédant lui-même au recouvrement des contributions communales comme le prévoient certes les conventions particulières de déversement, le SIAUBC ne respecte pas ces stipulations qui prévoient au contraire que ce recouvrement soit assuré, fût-ce pour son compte, par le délégataire et ce, depuis une date antérieure à la revendication par la société requérante d'une part de ces contributions ;

En ce qui concerne son article 2 :

- en mettant à la charge de société Lyonnaise des Eaux France des dépens, consistant en le versement de la contribution pour l'aide juridique, que le SIAUBC n'avait pas acquittés, seule la société requérante ayant dû verser cette contribution, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'interprétation :

- il existe un litige né et actuel entre la société Lyonnais des Eaux France et le SIAUBC relativement à l'interprétation des stipulations susmentionnées de la convention Biovia ;

- ces dernières présentent, ainsi qu'il a été dit, " une certaine ambiguïté due à quelques maladresses et imprécisions rédactionnelles ", aboutissant à ce que le compte d'exploitation prévisionnel ne prenne pas en compte, au titre de la rémunération du délégataire, les contributions des communes non membres comme il aurait dû le faire, dès lors que celui-ci exploite un réseau qui collecte les eaux usées provenant de ces dernières et leur fournit ce faisant une prestation devant donner lieu, pour lui, à une rémunération supplémentaire, tandis que la même convention est, par ailleurs, en contradiction avec les conventions particulières conclues entre ces communes et le SIAUBC ;

- celui-ci conteste pour la première fois devant la Cour la recevabilité de ces conclusions, tout en concluant à la confirmation du jugement querellé ;

- la Cour ne saurait retenir l'irrecevabilité de ces conclusions, en tout état de cause, dans la mesure où les parties n'ont pas été avisées de la possibilité, pour elle, de le faire, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mai, le 16 juin et le 26 octobre 2015, le syndicat intercommunal d'assainissement unifié du bassin cannois (SIAUBC), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que la convention litigieuse soit interprétée comme l'autorisant à percevoir et conserver le produit des contributions dues par les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Lyonnaise des Eaux France, à son profit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SIAUBC soutient que :

- la requête est irrecevable, du fait de l'absence d'ambiguïté de la convention Biovia ;

- les moyens soulevés par la société Lyonnaise des Eaux France ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2015.

Des pièces nouvelles ont été produites pour la société Lyonnaise des Eaux France le 29 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société Lyonnaise des Eaux France et de Me A...pour le syndicat intercommunal d'assainissement unifié du bassin cannois.

Une note en délibéré a été enregistrée le 23 novembre 2015 pour la société Lyonnaise des Eaux France.

1. Considérant que les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas ont conclu avec la commune de Cannes, par contrats respectifs en date des 24 septembre 1968, 18 octobre 1972, 25 avril 1977 et 18 février 1985, des conventions dites " de déversement ", prévoyant leur raccordement au réseau public d'assainissement de la ville de Cannes ; que par un arrêté du 21 juillet 2005, le préfet des Alpes-Maritimes a créé le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin cannois (SIABC) entre les communes de La Roquette-sur-Siagne, Théoule-sur-Mer, Auribeau-sur-Siagne et Cannes, ce syndicat se substituant aux communes membres pour exercer les compétences en matière d'assainissement et de traitement des eaux pluviales ; que par une convention du 21 juillet 2008, le SIABC a confié à la société Lyonnaise des Eaux France la gestion du service public d'assainissement collectif sur le territoire des communes membres du syndicat, à savoir La Roquette-sur-Siagne, Théoule-sur-Mer, Auribeau-sur-Siagne, et Cannes, service comprenant la collecte, le transport des eaux usées et des eaux pluviales ainsi que le traitement des eaux usées à la station d'épuration de Miramar ; qu'afin d'intégrer des communes supplémentaires dans le syndicat susmentionné, le préfet des Alpes-Maritimes a, par un arrêté du 20 mai 2009, créé le syndicat intercommunal d'assainissement unifié du bassin cannois (SIAUBC) regroupant, outre les communes membres du précédent SIABC, celles du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas et le SIAUBC se substituant aux communes membres pour exercer la compétence, obligatoire, de traitement des eaux usées, les compétences en matière de collecte et transport des eaux usées et d'assainissement restant quant à elles optionnelles ; que la société Lyonnaise des Eaux France relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2014, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce qu'il interprète les stipulations du contrat de délégation du service public du 21 juillet 2008 susmentionné conclu avec le SIABC devenu le SIAUBC, comme autorisant le délégataire à percevoir le produit de la part fonctionnement des contributions dues par les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas, en application des conventions de déversement conclues avec la collectivité ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le SIAUBC aux conclusions à fin d'interprétation de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 39.1 de la convention du 21 juillet 2008, intitulé " Composantes de la rémunération du service " : " Le délégataire est autorisé à appliquer aux abonnés du service un tarif qui comprend: / * pour la partie eaux usées sa rémunération (part fermière et contribution des communes non membres rejetant leurs effluents dans les réseaux de la collectivité : tarif appliqué à chaque période de facturation et qui tient compte d'une annexe du service de base) / -la part de la collectivité (surtaxe) : part versée par le délégataire à la collectivité et destinée à couvrir les charges supportées par cette dernière. (...) " ; qu'aux termes de son article 43, intitulé " Part de la collectivité (surtaxe) " : " Le délégataire perçoit, pour le compte de la collectivité et sans rémunération supplémentaire, une ou des part(s) " Collectivité " qui s'ajoute(nt) à tous les tarifs perçus. (...) " ; qu'aux termes de son article 43.2 intitulé " Pour la part perçue sur les conventions de déversement conclues avec d'autres collectivités " : " (...) le délégataire reverse à la collectivité l'intégralité du montant de la part collectivité facturée pour son compte en application des conventions de déversements conclues pour la collectivité (cf annexe 6). (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte clairement des stipulations précitées de l'article 39 de la convention litigieuse que le délégataire n'est pas en droit de percevoir, sur leur fondement, d'autre somme que celles correspondant au produit du tarif qu'il applique aux seuls abonnés au service public des eaux usées et qui comprend notamment sa propre rémunération ; que, dès lors qu'il n'est aucunement contesté que les communes du Cannet, de Mandelieu-la-Napoule, de Mougins et de Pégomas ne peuvent être regardées comme tels, ni ces mêmes stipulations, ni du reste celles des articles 43 et 43.2 de la même convention, ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme de nature à permettre au délégataire de percevoir le produit de tout ou partie des contributions versées par ces communes sur le fondement des conventions particulières dites de déversement susmentionnées ; qu'en l'absence d'obscurité ou d'ambiguïté de la convention du 21 juillet 2008 sur ce point, la fin de non-recevoir opposée par le SIAUBC aux conclusions à fin d'interprétation de la requête présentées par cette société doit être accueillie ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lyonnaise des Eaux France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, par l'article 1er du jugement attaqué, ont rejeté ses conclusions à fin d'interprétation de ladite convention ;

Sur le bien-fondé de l'article 2 du jugement attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

6. Considérant que l'article 2 du jugement attaqué met à la charge de la société Lyonnaise des Eaux France une somme de 35 euros sur le fondement de ces dispositions, au profit du SIAUBC, au titre des dépens exposés par lui en première instance ; que toutefois, il n'est pas contesté que ce dernier n'a aucunement acquitté une telle somme ; que par suite, la somme dont s'agit ne pouvait légalement être mise à la charge de la société Lyonnaise des Eaux France ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, par l'article 2 du jugement attaqué, ont mis à sa charge cette somme, sur le fondement des dispositions précitées et par suite, à demander l'annulation de ce jugement, dans la même mesure ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées pour le SIAUBC :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions à fin d'interprétation présentées par la voie de l'appel incident pour le SIAUBC ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence de l'irrecevabilité des conclusions de l'appel principal dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge des dépens exposés par elle et de ses frais d'instance ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lyonnaise des Eaux France et au syndicat intercommunal d'assainissement unifié du bassin cannois.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2015 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 14 décembre 2015.

''

''

''

''

2

N° 14MA04840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04840
Date de la décision : 14/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : DE METZ-PAZZIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-14;14ma04840 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award