Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eiffage Construction Languedoc, venant aux droits de la société Soleg, a demandé à titre principal au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Jacobs France, venant aux droits de la société Jacobs Serete, la société financière Pierre Henri Gaudriot, venant aux droits du bureau d'études techniques (BET) Cetec, la société Dekra Construction, venant aux droits de la société Afitest, et MM. B...D...et J...A...-I... à lui verser la somme de 387 504,69 euros.
Par un jugement n° 1200014 du 30 décembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2014 et le 14 septembre 2015, la société Eiffage Construction Languedoc, venant aux droits de la société Soleg, représentée par la SCP G...et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2013 ;
A titre principal :
2°) de dire son action fondée ;
3°) de retenir la réalité des désordres constatés par l'expert E...aux termes de son rapport du 31 janvier 2012 ;
4°) de dire et juger que ces désordres relèvent d'un défaut de conception et de réalisation et d'insuffisances de contrôle du chantier ;
5°) de juger que la société Jacobs France, venant aux droits de la société Jacobs Serete, la société financière Pierre Henri Gaudriot, venant aux droits du BET Cetec, la société Dekra Construction, venant aux droits de la société Afitest, ainsi que MM. D...et A...-I... ont engagé leur responsabilité civile délictuelle à son égard ;
6°) de condamner ces derniers in solidum à la garantir de toute somme qu'elle serait amenée à régler dans un cadre transactionnel ou judiciaire au titre des travaux de réfection des désordres dont s'agit ;
A titre subsidiaire :
7°) d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de son éventuelle condamnation judiciaire soit à exécuter les travaux objet du litige, soit à en régler leur montant ;
En toute hypothèse :
8°) de condamner également in solidum la société Jacobs France, venant aux droits de la société Jacobs Serete, la société financière Pierre Henri Gaudriot, venant aux droits du BET Cetec, la société Dekra Construction, venant aux droits de la société Afitest, ainsi que MM. D... et A...-I... à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des intervenants au titre de la maîtrise d'oeuvre et des bureaux d'études techniques dans le marché conclu par l'Etat pour la réalisation des travaux de relogement de la CRS 56 et de l'annexe du secrétariat général pour l'administration de la police de Marseille du fait des désordres apparus dans les parois en verre ;
- ces derniers ont commis des erreurs dans l'accomplissement de leurs missions de conception et n'ont pas correctement exercé leur mission de contrôle ;
- elle recherche parallèlement la responsabilité de l'assureur de son sous-traitant pour ce qui concerne la fourniture des matériaux en verre ;
- dès lors que le ministère de l'intérieur lui a demandé d'effectuer la reprise des désordres, elle subit un préjudice financier pouvant être estimé à la somme de 387 504,69 euros TTC ; ce préjudice présente un caractère certain ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle justifie de ce que l'Etat a décidé de lui faire supporter le coût des travaux de reprise et, ainsi, de son intérêt à agir ;
- sa requête n'est pas tardive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 septembre 2015, MM. A...-I... et D...concluent à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la Cour mette à la charge de la société Eiffage Construction Languedoc une part de 90 % des causes du sinistre, seule une part de 4 % devant être mise à leur charge ; ils demandent en outre qu'en tout état de cause, la société Eiffage Construction Languedoc soit condamnée à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société Eiffage Construction Languedoc ne dispose d'aucun droit à réparation, lequel appartient au seul maître d'ouvrage ; ce dernier n'a pas recherché sa responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement ni au titre de sa responsabilité contractuelle ;
- les mises en demeure dont elle fait état n'ont jamais été exécutées ;
- le délai d'action au titre de la garantie de parfait achèvement est prescrit depuis le 1er décembre 2000 ;
- les expertises ont démontré la responsabilité du sous-traitant de la société Eiffage Construction Languedoc ;
- la conception technique des ouvrages incombait à la société Eiffage Construction Languedoc et à son sous-traitant ;
- la société requérante ne peut valablement leur opposer un manquement dans la direction des travaux, la faute dans la conception technique des matériaux mis en oeuvre étant antérieure à leur mission, cette responsabilité ne pouvant leur être opposée que par le maître d'ouvrage ;
- à titre subsidiaire : la part de responsabilité du sous-traitant doit être mise à la charge de la société requérante, cette dernière ne pouvant demander qu'à chaque intervenant le paiement de sa part propre, soit 4 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2014, la société Dekra Industrial conclut à titre principal au rejet de la requête et à la condamnation de la société Eiffage Construction Languedoc à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire, à ce que les condamnations éventuellement prononcées à son encontre ne le soient pas au titre de la responsabilité solidaire, à la limitation de sa part de responsabilité à hauteur de 2 % pour le désordre " infiltrations " et de 8 % pour le désordre " problèmes de stabilité " et à ce que les autres locateurs d'ouvrage appelés dans la cause la garantissent de toute condamnation pouvant être mise à sa charge.
Elle soutient que :
- la société Eiffage Construction Languedoc ne justifie pas de l'existence d'une obligation à la dette ;
- cette dette ne pourrait résulter que de la mise en oeuvre de la garantie du parfait achèvement ;
- elle ne justifie d'aucun intérêt à agir à la date d'enregistrement de sa demande ;
- la société Eiffage Construction Languedoc ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle ne met pas directement en cause son sous-traitant ;
- elle n'établit pas la réalité du préjudice invoqué, lequel n'est pas certain et n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum ;
- la preuve d'une faute commise par chacun des locateurs d'ouvrage n'est pas rapportée ; elle n'apporte pas non plus la preuve d'une faute quasi-délictuelle de Dekra à son encontre ;
- dans l'hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes de la société requérante, sa part de responsabilité ne pourrait être retenue qu'à hauteur de 2 % pour les infiltrations et de 8 % pour le problème de stabilité ; une telle condamnation ne pourrait être prononcée in solidum, faute de démonstration du caractère indissociable des fautes respectives ayant concouru au dommage et l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation s'opposant à cette condamnation in solidum.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2015, la société Jacobs France, venant aux droits de la société Jacobs Serete, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner la société Eiffage Construction Languedoc à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- la société Eiffage Construction Languedoc ne justifie pas de la réalité de son préjudice ;
- elle n'établit pas non plus une action de l'Etat à son encontre alors même que ce dernier a été condamné par jugement du 29 juin 2007 du tribunal administratif de Montpellier à l'indemniser des préjudices subis du fait des retards constatés dans l'exécution du chantier ;
- à titre subsidiaire : le rapport de l'expertise effectuée par M. E...ne lui est pas opposable ; la société Eiffage Construction Languedoc n'a pas mis en cause son sous-traitant ; en tout état de cause, aucune responsabilité ne saurait lui être imputée ; le montant du préjudice n'est pas justifié.
Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2015, la société financière Pierre-Henri Gaudriot conclut à titre principal au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée à son encontre ; à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il a jugé irrecevable la demande de la société Eiffage Construction Languedoc et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage Construction Languedoc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle n'a pas qualité pour être attraite dans la présente procédure, dès lors qu'elle ne vient pas aux droits du BET Cetec.
Un mémoire présenté pour la société Eiffage Construction Languedoc a été enregistré le 13 novembre 2015, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant la société Eiffage Construction Languedoc, de MeF..., représentant la société Jacobs France, de MeC..., représentant la société Dekra Industrial, et de MeH..., représentant MM. D...etA....
1. Considérant que le ministère de l'intérieur a confié en 1997 à la société Soleg, aux droits de laquelle vient la société Eiffage Construction Languedoc, la réalisation du lot n° 2.01 - 2.02 gros-oeuvre de l'opération de relogement de la CRS 56 et de l'annexe du secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Marseille ; que la maîtrise d'oeuvre a été attribuée à un groupement solidaire composé notamment de MM. D...et A...-I..., du bureau d'études techniques Jacobs Serete et du bureau d'études techniques (BET) Cetec, la société Afitest étant contrôleur technique ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 13 février 2001, les réserves concernant notamment un défaut d'étanchéité sur les parois composées de pavés de verre, ces pavés étant fournis par la société Glass Block Concept, sous-traitant de la société Eiffage Construction Languedoc ; que la société Eiffage Construction Languedoc relève appel du jugement du 30 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à titre principal à la condamnation de la société Jacobs France, venant aux droits de la société Jacobs Serete, de la société financière Pierre Henri Gaudriot, venant aux droits du BET Cetec, de la société Dekra Construction, venant aux droits de la société Afitest, ainsi que de MM. D...et A...-I... à l'indemniser des préjudices résultant de son obligation à réparer les désordres survenus lors de l'exécution dudit chantier ;
Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :
2. Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de tout élément de nature à justifier qu'une action judiciaire serait initiée à l'encontre de la société requérante, de faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la présente requête ;
Sur la portée du litige :
3. Considérant que la société Eiffage Construction Languedoc a, dans son mémoire enregistré le 13 novembre 2015, expressément abandonné ses conclusions dirigées contre la société financière Pierre Henri Gaudriot ; qu'il y a lieu de lui en donner acte ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant que la société Eiffage Construction Languedoc a été mise en demeure les 29 septembre et 22 octobre 2009 de reprendre les désordres constatés sur les parois de verre ; qu'elle justifie avoir participé au cours de l'année 2011 à plusieurs réunions avec le maître d'ouvrage portant sur l'opération de reprise de ces désordres et avoir communiqué à ce dernier une méthodologie de reprise des désordres accompagnée d'un devis portant sur un montant de 387 504,69 euros TTC ; que la circonstance qu'elle n'a pas procédé aux travaux de reprise demandés et qu'elle n'a pas non plus été condamnée à en supporter le coût, et qu'ainsi elle ne justifie d'aucun préjudice pouvant faire l'objet d'une demande de réparation aux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, intéresse le fond du litige et n'est pas de nature à affecter la recevabilité de son action ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt à agir et à demander, par ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Eiffage Construction Languedoc devant le tribunal administratif de Montpellier et sur ses conclusions d'appel ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise produits par la société requérante que les désordres dont elle se prévaut portent, d'une part, sur la perméabilité des parois en pavés de verre et, d'autre part, sur l'instabilité du panneau également en pavés de verre clôturant le garage ; que ces pavés de verre et leur mode d'assemblage ont été conçus selon un procédé dit " Cubiver " par la société Glass Block Concept, sous-traitant de la société Eiffage Construction Languedoc ; que si les experts relèvent qu'une part de responsabilité des intervenants à la maîtrise d'oeuvre pourrait être retenue à une hauteur globale de 20 % pour chacun de ces désordres, ils attribuent la plus grande part de responsabilité dans la survenance de ceux-ci à la société Glass Block Concept et à la société requérante ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas soutenu que le maître d'ouvrage aurait recherché la responsabilité de la société Eiffage Construction Languedoc du fait de l'apparition des désordres dont il s'agit ; que la société requérante ne justifie pas non plus de ce qu'elle aurait réalisé les travaux de reprise demandés par le maître d'ouvrage ; qu'ainsi, le préjudice dont elle se prévaut au soutien de son action contre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre est dénué de tout caractère certain ; que, par suite, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des intervenants à la maîtrise d'oeuvre ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la tardiveté de la requête d'appel, la demande de la société Eiffage Construction Languedoc et ses conclusions d'appel doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Eiffage Construction Languedoc, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Jacobs France, la société financière Pierre Henri Gaudriot et la société Dekra Industrial et de condamner la société Eiffage Construction Languedoc à leur verser chacun la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a également lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. D...et M. A... -I... et de condamner la société Eiffage Construction Languedoc à leur verser ensemble la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société Eiffage Construction Languedoc de ses conclusions contre la société financière Pierre Henri Gaudriot.
Article 2 : Le jugement n° 1200014 du 30 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la société Eiffage Construction Languedoc devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 4 : La société Eiffage Construction Languedoc versera la somme de 2 000 (deux mille) euros chacun à la société Jacobs France, à la société financière Pierre Henri Gaudriot et à la société Dekra Industrial.
Article 5 : La société Eiffage Construction Languedoc versera la somme de 2 000 (deux mille) euros ensemble à MM. D...et A...-I....
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Languedoc, à la société Jacobs France, à la société financière Pierre Henri Gaudriot, à la société Dekra Industrial, à M. B... D...et à M. J...A...-I....
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2015, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2015.
''
''
''
''
3
N° 14MA01112