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10/12/2015 | FRANCE | N°14MA02968

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14MA02968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...F..., sa fille, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier spécialisé Valvert à Marseille à leur verser une indemnité d'un montant de 112 950 euros en réparation du préjudice subi par

Mme F...et résultant d'une chute le 1er juin 2006 dans cet hôpital.

Par un jugement n° 1002957 du 26 juin 2012, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le centre hospitalier spécialisé Valvert avait commis un défaut de surveill

ance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier qui ont fait perdre à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...F..., sa fille, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier spécialisé Valvert à Marseille à leur verser une indemnité d'un montant de 112 950 euros en réparation du préjudice subi par

Mme F...et résultant d'une chute le 1er juin 2006 dans cet hôpital.

Par un jugement n° 1002957 du 26 juin 2012, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le centre hospitalier spécialisé Valvert avait commis un défaut de surveillance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier qui ont fait perdre à la requérante toute chance d'échapper aux dommages provoqués par cette chute et a, avant de statuer sur les préjudices de MmeF..., ordonné une expertise médicale. Par jugement n° 1002957 du

12 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier spécialisé Valvert à verser à M. et Mme F...la somme de 10 160 euros en réparation des préjudices subis par Mme F...et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 14MA02968 le 4 juillet 2014 et par deux mémoires en communication de pièces enregistrés les 9 novembre et 18 novembre 2015,

MmeF..., autorisée par son curateur Mme D...B...désignée comme telle par jugement du tribunal d'instance de Marseille en date du 4 juillet 2014, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) de porter la condamnation du centre hospitalier spécialisé Valvert en réparation de ses préjudices personnels à la somme totale de 100 000 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Valvert à lui verser la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Valvert aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité du centre hospitalier était engagée pour faute et que l'hôpital devait réparer l'intégralité des préjudices consécutifs à sa chute ;

- en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont limité son indemnisation à la somme de 10 160 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 2 juin 2006 et partiel du 3 juin 2006 au 1er mars 2007 devra être réparé par la somme de 9 000 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent de 4 % donnera lieu à l'allocation d'une somme

de 30 000 euros ;

- ses souffrances endurées, chiffrées à 3/7, seront réparées par la somme de 11 000 euros ;

- le préjudice permanent exceptionnel qu'elle subit du fait de son incapacité définitive à marcher, écarté sans explication et à tort par les premiers juges, sera réparé par la somme de 50 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2015, le centre hospitalier spécialisé Valvert, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requérante ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a évalué l'assistance tierce personne à 3 160 euros, en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'adaptation du logement et à l'indemnisation d'un préjudice sexuel ;

- c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué la somme de 300 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

- son déficit fonctionnel permanent de 4 % a été justement réparé par les premiers juges par la somme de 3 900 euros ;

- l'évaluation à 2 800 euros de ses souffrances endurées par le tribunal est conforme à la jurisprudence ;

- son incapacité à se déplacer est déjà réparée au titre de son déficit fonctionnel permanent et ne saurait donner lieu à une indemnisation complémentaire sollicitée à titre exceptionnel ;

- la requérante était atteinte avant sa chute d'une polyarthrite rhumatoïde qui la handicapait déjà et qui évoluait défavorablement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que le 20 mai 2006, Mme E...F...alors âgée de 44 ans, a été hospitalisée à la demande d'un tiers au centre hospitalier spécialisé Valvert à Marseille ; que, le 1er juin 2006, alors qu'elle remontait seule les escaliers menant au service au sein duquel elle séjournait, elle a été victime d'une chute à l'origine d'un grave traumatisme au niveau de ses deux genoux ; qu'estimant que la responsabilité pour faute du centre hospitalier était engagée,

M.F..., agissant en qualité de curateur de Mme E...F..., sa fille, et cette dernière ont demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation du centre hospitalier à réparer son préjudice ; que, par jugement avant dire droit du 26 juin 2012 devenu définitif, les premiers juges ont estimé que compte tenu, d'une part, de la polyarthrite rhumatoïde invalidante dont souffrait la requérante rendant très difficile la marche et dont le service avait connaissance dès son admission et, d'autre part, de son régime d'hospitalisation sous contrainte imposant une surveillance renforcée et autorisant la limitation de la liberté d'aller et venir nécessitée par son état de santé et de l'absence d'ascenseur au sein de l'établissement, la chute accidentelle survenue le 1er juin 2006 révélait un défaut de surveillance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité de l'hôpital Valvert, que les fautes commises par le centre hospitalier Valvert avaient fait perdre à Mme F...toute chance de se soustraire à cette chute et aux dommages qu'elle a provoqués et ont ordonné une expertise médicale avant de statuer sur ses préjudices ; que l'expert a rendu son rapport le 22 mai 2013 ; que, par le jugement attaqué du 12 mai 2014, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier spécialisé Valvert à verser à M. et Mme F...la somme de 3 160 euros au titre des préjudices patrimoniaux et celle de 7 000 euros au titre des préjudices personnels de

Mme F...et a rejeté le surplus de leur demande ; qu'en appel, MmeF..., autorisée par son curateur désigné par le jugement du tribunal d'instance de Marseille en date du 4 juillet 2014, qui estime la réparation de ses préjudices personnels insuffisante, demande que la condamnation du centre hospitalier soit portée à la somme totale de 100 000 euros ; que le centre hospitalier spécialisé Valvert, qui ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité, conclut au rejet de la requête ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges, après avoir énuméré successivement les différents chefs de préjudice personnels de la requérante ouvrant droit à réparation, ont clairement indiqué pour les rejeter que les autres chefs de préjudice allégués par Mme F...n'étaient pas établis dans leur réalité et que l'expert n'en faisait pas mention dans son rapport ; qu'ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement sur ce point ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier pour ce motif ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que les premiers juges ont pu légalement estimer, dans le jugement avant dire droit du 26 juin 2012, au demeurant devenu définitif faute d'avoir été contesté dans le délai prévu par l'article R. 811-6 du code de justice administrative, que les conditions de prise en charge de Mme F...lors de son hospitalisation au centre hospitalier spécialisé Valvert à Marseille engageait la responsabilité entière pour faute de cet hôpital, qui était informé dès l'admission de la patiente de ses difficultés à marcher en raison de la polyarthrite rhumatoïde invalidante dont elle souffrait et qui aurait dû, eu égard à son régime d'hospitalisation sous contrainte, la surveiller plus étroitement notamment dans ses déplacements entre sa chambre et le service de soin non reliés par un ascenseur ; que le centre hospitalier ne conteste ni l'engagement de sa responsabilité ni que le lien de causalité direct entre ce défaut de prise en charge et la chute à l'origine des préjudices de la victime ouvre droit à une réparation intégrale des préjudices subis par Mme F...;

Sur l'évaluation du préjudice :

4. Considérant que Mme F...ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a évalué l'assistance tierce personne à 3 160 euros, qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation des frais d'adaptation du logement en raison de son handicap, des frais divers, de ses préjudices d'établissement, d'agrément, moral et sexuel et du préjudice d'accompagnement de son père ;

5. Considérant que seuls sont indemnisables les préjudices résultant de l'aggravation de l'état de santé de Mme F...en lien avec sa chute résultant de la faute du centre hospitalier et non ceux liés à la polyarthrite rhumatoïde invalidante dont elle souffrait avant sa chute ;

6. Considérant qu'il résulte du rapport du 19 mars 2013 de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du 26 juin 2012 du tribunal administratif de Marseille que la requérante a été hospitalisée à la demande d'un tiers au centre hospitalier spécialisé Valvert du 20 mai 2006 au 2 juin 2006 ; qu'après sa chute, elle a été transférée immédiatement au service des urgences du centre hospitalier d'Aubagne, qu'elle a été hospitalisée à nouveau le 2 juin 2006 au centre Valvert et a été ensuite notamment suivie par le service de rhumatologie de l'hôpital de la Conception à Marseille ; que l'homme de l'art a fixé sa date de consolidation au 1er mars 2007 ;

7. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante de son déficit fonctionnel temporaire, estimé total par l'expert pour la période du 1er juin au 2 juin 2006 immédiatement après sa chute et partiel à 10 % eu égard à l'aggravation de son état de santé en lien direct avec sa chute pour la période du 3 juin 2006 au 1er mars 2007 en allouant à

Mme F...la somme de 300 euros à ce titre ; que son déficit fonctionnel permanent, qui prend en compte les séquelles physiques et psychologiques en lien exclusif avec sa chute, est fixé à 4 % et a été suffisamment réparé, compte tenu de son âge à la date de sa consolidation, par la somme de 3 900 euros qui lui a été allouée par les premiers juges ; que ses souffrances endurées, chiffrées à 3/7 par l'expert, ont été aussi suffisamment réparées par la somme de

2 800 euros ; que Mme F...n'est pas fondée à soutenir, pour obtenir l'indemnisation supplémentaire d'un préjudice permanent exceptionnel, qu'elle serait "handicapée à vie" du fait de la rupture de ses tendons rotuliens provoquée par sa chute et qu'elle ne peut désormais se déplacer qu'en fauteuil roulant du fait de la faute du centre hospitalier, dès lors que la requérante ne conteste pas utilement, à défaut de produire notamment une quelconque littérature médicale, les affirmations du chirurgien orthopédiste qu'elle a consulté le 22 juillet 2008 et qui estime que la déambulation reste possible sous couvert de réalisation d'orthèse au niveau des genoux ; que les premiers juges ont ainsi fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de la requérante en lui allouant au titre de ses préjudices personnels la somme totale de 7 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges lui ont alloué la somme de 7 000 euros au titre de ses préjudices personnels ;

Sur les dépens :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu de revenir sur la charge des frais d'expertise telle que dévolue par les premiers juges ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le centre hospitalier spécialisé Valvert soit condamné à verser à Mme F...une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...F..., à Mme D...B...son curateur, au centre hospitalier de Valvert et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Copie sera adressée pour information à l'expert.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 14MA029682

CM


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02968
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BRINK

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-10;14ma02968 ?
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