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08/12/2015 | FRANCE | N°14MA02622

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14MA02622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat au versement de la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral, avec intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1104866 du 17 avril 2014, le tribunal administra

tif de Nice a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat au versement de la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral, avec intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1104866 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014 et un mémoire enregistré le

5 novembre 2015, M.C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité rendu le 17 avril 2014 par le tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 40 000 euros en réparation de préjudices qu'il estime consécutifs à une situation de harcèlement moral, avec intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une omission de statuer ;

- qu'il a subi un harcèlement moral qui s'est manifesté par un refus de congé de formation professionnelle, un délai anormalement long pour l'obtention de l'habilitation définitive à l'enseignement de l'anglais, des retards de visites d'inspection, sa nomination sur un poste de remplaçant à la rentrée scolaire 2006/2007, la surcharge de son emploi du temps lorsqu'il a été affecté sur un poste d'enseignant itinérant à partir de novembre 2006, les différents refus de protection fonctionnelle qui lui ont été opposés alors qu'il faisait régulièrement l'objet d'agressions de la part de parents d'élèves, son absence de réintégration à la suite de la suspension, par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans qui lui a été infligée le 19 janvier 2011, la multiplication et la disproportion des sanctions dont il a fait l'objet, l'absence de bonification en 2011 pour l'exercice de son activité professionnelle en zone rurale fragile et l'absence d'habilitation aux fonctions de directeur d'école en 2013 ; que ces faits ont entraîné une détérioration de son état de santé et de celui de son épouse et lui ont causé un préjudice moral et matériel ;

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2015 et des pièces enregistrées le

25 septembre 2015 à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par la Cour le

10 septembre 2015, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête de M. C....

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

1. Considérant que M. C..., professeur des écoles titularisé en 2002, a présenté, le 10 novembre 2011, une demande indemnitaire tendant à la réparation de préjudices qu'il estime consécutifs à une situation de harcèlement moral dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle ; qu'une décision implicite de refus lui a été opposée ; que, par un jugement en date du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours de plein contentieux présenté par M. C... ; que ce dernier interjette appel dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si M. C...fait valoir que le tribunal aurait omis de répondre à certains de ses moyens, il ne s'agissait en réalité que d'arguments à l'appui de ses conclusions tendant à démontrer qu'il avait fait l'objet d'un harcèlement moral ; que le tribunal a répondu de manière suffisamment motivée à ce fondement de responsabilité ; que le jugement attaqué n'est, par suite, pas entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'agent, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;

5. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

7. Considérant, en premier lieu, que s'il est constant que l'administration a refusé de faire droit au congé de formation professionnelle sollicité par M. C...pour la période du 14 au 25 juin 2004, ce refus était justifié par l'intérêt du service et, notamment, par la nécessité de permettre aux élèves de terminer l'année scolaire avec leur instituteur ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C...se plaint de ce que l'habilitation définitive à l'enseignement de l'anglais à l'école élémentaire ne lui aurait été accordée que le

10 avril 2007 alors qu'il avait obtenu une habilitation provisoire dès le 25 septembre 2003, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce retard résulterait d'autres considérations que celles tenant à l'appréciation de ses compétences linguistiques et culturelles en anglais ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si M. C...se plaint de retards de visites d'inspection, sans au demeurant se prévaloir d'aucun texte instaurant une périodicité déterminée, il ne ressort pas des pièces du dossier que les inspections auxquelles il a été procédé le

13 octobre 2005 et le 18 mai 2010 auraient été tardives ou auraient constitué un frein à son avancement ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...ne donne pas à la Cour suffisamment d'éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de l'argument selon lequel il n'aurait pas obtenu de bonification pour l'exercice de son activité en zone rurale fragile au titre de l'année 2011 ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que si M. C... fait état de ce qu'il n'a pas obtenu l'habilitation aux fonctions de directeur d'école en 2013 alors qu'il l'avait obtenue précédemment, il ressort des pièces du dossier que ce refus était justifié par le fait que le requérant, lors de l'entretien qu'il a eu avant qu'il ne soit statué sur sa demande, n'a fait état d'aucune autre motivation que celle de se rapprocher de son domicile et n'a pas répondu de manière satisfaisante aux questions qui lui ont été, à cette occasion, posées ;

12. Considérant, en sixième lieu, que s'il est constant que M. C... a été affecté, en cours d'année scolaire 2006/2007, sur un poste itinérant pour l'enseignement de l'anglais, il résulte de l'instruction qu'il avait, par une lettre en date du 13 novembre 2006, fait part, à défaut d'un rattachement à l'école de Saint-Martin Vésubie, de ce qu'il restait à disposition de son administration pour " des interventions ciblées telles que l'apprentissage de l'anglais dans les écoles de la Vésubie " ; que cette affectation, malgré les conditions d'exercice difficiles qu'elle impliquait eu égard à la fréquence des déplacements journaliers, répondait ainsi à l'un de ses voeux ;

13. Considérant, en septième lieu, que M. C... fait valoir que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont il a fait l'objet le 19 janvier 2011 ayant été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du

11 avril 2011, il devait être réintégré physiquement dans ses fonctions alors qu'il a été immédiatement et de nouveau, suspendu le 15 avril 2011 ; que, néanmoins, la suspension, pour un motif de légalité externe, de la sanction dont avait fait l'objet M. C... pouvait être suivie d'une nouvelle décision le suspendant de ses fonctions dans l'intérêt du service ;

14. Considérant, en huitième lieu, que s'il résulte de l'instruction que l'administration a refusé, à plusieurs reprises, d'accorder à M. C... la protection fonctionnelle qu'il avait sollicitée à la suite d'altercations avec plusieurs parents d'élèves, et l'a sanctionné d'une exclusion temporaire de fonctions de deux années puis d'un déplacement d'office, il ressort des pièces du dossier que ces refus de protection fonctionnelle et les sanctions qui lui ont été infligées étaient justifiés par son comportement ; qu'il résulte en effet de l'instruction qu'il tenait régulièrement des propos grossiers, dévalorisants et humiliants à l'égard de certains de ses élèves ; qu'il en résulte également qu'il se montrait parfois agressif et avait une attitude irrespectueuse à l'égard de certains collègues de travail voire même des directeurs d'établissements au sein desquels il a exercé ses fonctions ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C..., du fait de son comportement, n'établit pas avoir fait l'objet d'un harcèlement moral ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. C...la somme réclamée sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Gonzales, président de chambre,

- M. Renouf, président assesseur,

- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2015.

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N° 14MA026223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02622
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : VIELH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-08;14ma02622 ?
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