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24/11/2015 | FRANCE | N°15MA00841

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24 novembre 2015, 15MA00841


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 février 2015, la société Propav, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de la création, à Montpellier, d'un magasin d'enseigne " Super U " de 2 200 m² de surface de vente et d'un drive ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à un réexamen de sa demande

d'autorisation d'aménagement commercial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versem...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 février 2015, la société Propav, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de la création, à Montpellier, d'un magasin d'enseigne " Super U " de 2 200 m² de surface de vente et d'un drive ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à un réexamen de sa demande d'autorisation d'aménagement commercial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial n'était pas compétent pour ce faire en méconnaissance des dispositions des articles L. 751-6 et R. 751-8 du code du commerce ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une grave erreur d'appréciation en considérant que le projet dont la réalisation était sollicitée devait être refusé au regard des critères de l'article L. 752-6 du code du commerce ;

- les motifs retenus dans la décision contestée sont erronés ;

- le projet dont s'agit ne méconnaît pas les objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le projet comprend la réhabilitation d'un bâtiment vétuste ;

- l'insertion paysagère a été réalisée sur la base d'un magasin existant ;

- les voies d'accès pour les livraisons ne sont pas dangereuses ;

- les accès piétons ne sont pas limités ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial aurait dû procéder à la délivrance de l'autorisation sollicitée compte tenu des effets positifs du projet au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2015, la société CSF, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Propav la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2015, la SAS Distribution Casino France, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Propav la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la SAS Distribution Casino France.

1. Considérant que, par une décision du 9 août 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault, a autorisé tacitement la société Propav à procéder à la création, à Montpellier, d'une part, d'un supermarché à l'enseigne " Super U " d'une surface de vente de 2 200 m² et, d'autre part, d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail, commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile de trois pistes de ravitaillement et de 29 m² d'emprise au sol ; que sur recours de la SAS Distribution Casino France, de la société CSF et de la SAS Atac, la Commission nationale d'aménagement commercial, par une décision du 27 novembre 2014, a refusé le projet de la société Propav ;

2. Considérant d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi " ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ;

3. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

5. Considérant, en premier lieu, s'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire, que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé, pour refuser l'autorisation de création d'un supermarché d'une surface de vente de 2 200 m² à l'enseigne " Super U ", que l'accès des véhicules de livraison au site du projet était difficile et dangereux, et que les accès piétons étant limités, les flux automobiles s'en trouveraient augmentés ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet se situe à proximité de secteurs dédiés à l'extension urbaine par le schéma de cohérence territorial, qu'il répond à l'objectif de structuration des nouveaux quartiers autour des lignes de transport en commun ainsi qu'aux prescriptions de la zone 2UI-9fw du plan local d'urbanisme destinée à accueillir des logements, des équipements et des activités ; que notamment, trois zones d'aménagement concerté doivent être construites à proximité du projet tandis que la clinique Saint Roch, située face au projet, est en cours de construction ; que la desserte routière est satisfaisante ; qu'en particulier, s'agissant des véhicules de livraison, ceux-ci emprunteront l'avenue du Colonel Pavelet, la rue Gaston Bachelard puis la rue Ferdinand Barre, parcours qui n'apparaît ni difficile ni étroit ; que le site est desservi par plusieurs cheminements destinés aux piétons et aux cyclistes ; que si la zone de déchargement réservée aux véhicules de livraison implique que les camions doivent faire une marche arrière sur une partie de la voie publique - la rue Ferdinand Barre en l'espèce -, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée alors que tout risque de conflit d'usage avec les véhicules stationnant sur les deux parkings réservés à la clientèle de la surface commerciale est évité, que la manoeuvre ne concernera que neuf véhicules par semaine et que la rue Ferdinand Barre ne dessert que le projet et un petit lotissement ;

6. Considérant, en second lieu, s'agissant de l'objectif de développement durable, que la Commission nationale d'aménagement commercial a retenu que le projet s'inscrivait dans un bâtiment vétuste qui est dégradé et que l'insertion paysagère était insuffisante au regard des constructions avoisinantes et de la zone boisée classée sur le terrain d'assiette ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet de la société Propav consiste en la reprise d'un bâtiment existant, construit en 2008, qui se dégrade rapidement, anciennement occupé par une jardinerie qui a cessé son activité en mai 2013 ; que ce projet comporte la réhabilitation du bâtiment laissé vacant, qui constitue à ce jour une friche commerciale ainsi que la réalisation de dispositifs en faveur de l'environnement permettant notamment l'insertion paysagère du projet, la maîtrise des consommations énergétiques ainsi que la gestion de l'eau et des déchets ; qu'est en particulier prévue la création sur l'aire de stationnement à l'arrière du bâtiment de 242 m² d'espaces verts supplémentaires, ces espaces devant être plantés de petits bosquets de même nature que la zone boisée classée afin de maintenir une continuité paysagère ; que dans ces conditions, le projet en cause ne peut être regardé comme méconnaissant l'objectif de développement durable posé par la loi ;

7. Considérant qu'il suit de tout ce qui a été dit ci-dessus que la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de commerce en infirmant l'autorisation que la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault avait tacitement accordée ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Propav est fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale lui refusant l'autorisation qu'elle avait sollicitée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que la Commission nationale d'aménagement commercial procède à un nouvel examen de la demande dont elle se trouve à nouveau saisie ; qu'il y a lieu d'enjoindre un tel réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Propav d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Propav qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 27 novembre 2014 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande de la société Propav dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Propav une somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société CSF et de la société Distribution Casino France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Propav, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société CSF, à la société Distribution Casino France et à la société Atac.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,

- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 novembre 2015.

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N° 15MA00841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00841
Date de la décision : 24/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-24;15ma00841 ?
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