Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 7 janvier 2010 par lequel le ministre de l'intérieur a décidé de le muter dans l'intérêt du service à la circonscription de sécurité publique de Marseille à compter du 1er février 2010, d'enjoindre audit ministre de procéder à sa réintégration à la circonscription de sécurité publique de Pertuis et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement n° 1001687 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M.B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2014 ainsi qu'un mémoire et des pièces enregistrés le 26 octobre 2015, M.B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité rendu le 6 mars 2014 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du 7 janvier 2010 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration à la circonscription de sûreté publique de Pertuis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 82 284,54 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 730 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- que la mutation dont il a fait l'objet est constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée et qu'il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que l'intérêt du service n'est pas démontré ;
- qu'il n'a pas été muté sur un poste de niveau comparable à celui qu'il occupait précédemment en méconnaissance des dispositions de l'article 25 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ; qu'il a exercé ses nouvelles fonctions dans des conditions matérielles indignes s'apparentant à un harcèlement moral ;
- qu'il a subi un préjudice moral et un préjudice financier ;
- que ses conclusions indemnitaires sont recevables.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2015 par télécopie et le 18 mars 2015 par Télérecours, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M.B... ;
Il soutient :
- que les conclusions indemnitaires de M. B...sont, à titre principal, irrecevables, faute de liaison du contentieux ;
- qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des hypothèses prévues aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
- que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de M.B....
1. Considérant que M.B..., capitaine de police exerçant alors ses fonctions à la circonscription de sécurité publique de Pertuis a, par l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 7 janvier 2010, été muté dans l'intérêt du service à la circonscription de sécurité publique de Marseille à compter du 1er février 2010 ; qu'il interjette appel du jugement en date du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette mutation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort d'une lettre du directeur central de la sécurité publique adressée au directeur de l'administration de la police nationale le 24 septembre 2009 que la mise en cause pénale de M.B..., soupçonné de s'être approprié un scooter stationné dans la cour du commissariat, de l'avoir fait réparer, de l'avoir assuré, puis remis à sa fille, faits qu'il a reconnus lors du conseil de discipline du 9 septembre 2009 et pour lesquels il a été sanctionné, par arrêté du 7 octobre 2009, par une exclusion temporaire de fonctions de 15 jours avec sursis, avait engendré, en dépit de ses bonnes évaluations au titre des années 2007 et 2008 et de l'estime qu'avait pu conserver à son égard son supérieur hiérarchique direct, le commandant Daveau, une perte de confiance du directeur départemental et, plus généralement, de ses autres supérieurs hiérarchiques ; qu'elle avait également fait perdre à M. B..., alors chef d'unité de la brigade de sûreté urbaine qui avait sous ses ordres 9 fonctionnaires, toute crédibilité et autorité au sein de son service ; qu'en outre, il est également constant que, par une décision en date du 30 avril 2009, le Procureur général près la Cour d'appel de Nîmes, estimant qu'en l'absence de toute confiance désormais envers M.B..., qui avait exercé ses fonctions à Pertuis pendant de longues années, il n'apparaissait plus possible de maintenir son habilitation à l'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire, a procédé au retrait de ladite habilitation, ce qui ne lui permettait plus d'exercer, dans cette circonscription, les fonctions qui lui étaient antérieurement dévolues ; que, dans ces conditions, la décision litigieuse, bien que prise à une date rapprochée de celle de la sanction disciplinaire dont a fait l'objet l'intéressé, était motivée par la nécessité de préserver la sérénité et l'efficacité indispensables à la bonne marche du service ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 25 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée sont applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. / Toutefois, lorsque l'intérêt du service l'exige, le fonctionnaire actif des services de la police nationale peut être exceptionnellement déplacé ou changé d'emploi. Dans ce cas, les dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article ne sont pas applicables aux fonctionnaires actifs de la police nationale. / Le fonctionnaire est préalablement informé de l'intention de l'administration de prononcer sa mutation pour être à même de demander communication de son dossier. / La mutation est opérée sur un poste de niveau comparable " ; que s'il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient M.B..., qu'il n'a pas été affecté sur un poste comparable à celui qu'il exerçait auparavant et a perdu des responsabilités dès lors que ne lui ont plus été confiées des missions d'encadrement, le ministre de l'intérieur expose sans être sérieusement contredit que de telles missions ne pouvaient plus lui être confiées dès lors, d'une part, qu'il était, depuis un grave accident du travail qui s'était produit en 2003 et d'une rechute de celui-ci, interdit de voie publique, désarmé et nécessitait un poste aménagé et, d'autre part et surtout, qu'il n'avait plus, en raison des faits qu'il avait reconnus avoir commis et qui avaient entraîné une perte de confiance à son égard, d'habilitation pour exercer les fonctions d'officier de police judiciaire ; que ladite perte de responsabilités est ainsi justifiée par les circonstances particulières de l'espèce ; que, par ailleurs, si M. B...fait état de pertes financières liées aux trajets supplémentaires entre son domicile et son nouveau lieu de travail, il est constant que sa rémunération est restée identique ; qu'en outre, s'il fait également état de pertes de revenus liées à un placement à temps partiel thérapeutique, il n'est pas établi que ledit placement intervenu du 19 mai 2011 au 11 avril 2012, présenterait un lien de causalité direct et certain avec la mutation litigieuse intervenue plus d'un an auparavant ; que M. B...n'est donc pas fondé à alléguer que sa mutation aurait eu pour conséquence d'entraîner une perte de rémunération ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, quelles que soient les conditions dans lesquelles M. B...a, par la suite, exercé ses fonctions à Marseille qui sont sans incidence sur la qualification et la légalité de l'arrêté attaqué, que doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'il aurait fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée et de la méconnaissance du principe non bis in idem ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté portant mutation dans l'intérêt du service en date du 7 janvier 2010 ainsi que, par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin de ses prononcer sur leur recevabilité, les conclusions aux fins d'injonction de réintégration à la circonscription de sécurité publique de Pertuis ;
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Considérant que M. B...présente des conclusions tendant à la réparation, d'une part, des préjudices moral et financier consécutifs à l'arrêté de mutation en date du 7 janvier 2010 et, d'autre part, d'un harcèlement moral qu'il estime avoir subi dans le cadre de sa nouvelle affectation à Marseille ;
6. Considérant que, sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision ;
7. Considérant, d'une part, que la demande introduite par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi n'avait été précédée, avant que les juges de première instance ne statuent, par aucune demande ayant cet objet présentée à son employeur et rejetée par lui ;
8. Considérant, d'autre part, que l'Etat n'a, devant le tribunal administratif, défendu au fond qu'à titre subsidiaire et a, à titre principal, invoqué l'irrecevabilité des conclusions de M. B... ; que, par suite, les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille étaient, faute de décision préalable, irrecevables ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. B...la somme réclamée sur ce fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- Mme E..., première conseillère,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2015.
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N° 14MA020074