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13/11/2015 | FRANCE | N°15MA00416

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2015, 15MA00416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 09021251 du 20 septembre 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société en nom collectif (SNC) LIDL tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section d'inspection des Pyrénées-Orientales a annulé les décisions du médecin du travail des 26 septembre et 12 octobre 2007, et déclaré Mme A... " apte au poste de caissière employée libre service sous réserve d'un aménagement ergonomiqu

e pour la manutention de charges supérieures à 10 kg " et de la décision du 12 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 09021251 du 20 septembre 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société en nom collectif (SNC) LIDL tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section d'inspection des Pyrénées-Orientales a annulé les décisions du médecin du travail des 26 septembre et 12 octobre 2007, et déclaré Mme A... " apte au poste de caissière employée libre service sous réserve d'un aménagement ergonomique pour la manutention de charges supérieures à 10 kg " et de la décision du 12 janvier 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspection du travail.

Par un arrêt n° 10MA04253 du 13 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la SNC LIDL tendant à l'annulation de ce jugement et de la décision du 8 septembre 2008.

Par une décision n° 365124 du 21 janvier 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt précité du 13 novembre 2012 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille pour qu'il y soit statué.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2011, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 octobre 2012, la SNC LIDL, représentée par Me B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2010 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2008.

Elle soutient que :

- Mme A... était salariée de la SNC LIDL en qualité de caissière employée libre-service depuis le 29 mai 2006 et a été placée en arrêt de travail pour cause d'accident du travail le 28 février 2007 ;

- les 26 septembre et 12 octobre 2007, dans le cadre de visites médicales de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de l'intéressée au poste de caissière employée de libre-service ; la SNC LIDL a procédé à des recherches actives de reclassement de Mme A... et lui a proposé un poste à Rennes ; en l'absence de réponse positive de Mme A... sur cette proposition, et d'autre possibilité de reclassement, la SNC LIDL a procédé à son licenciement ;

- alors que la SNC LIDL n'avait pas été informée que Mme A... entendait contester l'avis d'inaptitude du médecin du travail, elle s'est vue notifier une décision du 8 septembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a annulé la décision du médecin du travail et déclaré Mme A... apte au poste de caissière-employée de libre service sous réserve d'un aménagement ergonomique pour la manutention de charges supérieures à 10 kg ;

- la procédure suivie n'a pas été contradictoire, car la SNC LIDL n'a pas été informée de la contestation de l'avis d'inaptitude ; en vertu du principe général du contradictoire, l'inspecteur du travail aurait dû informer la SNC LIDL de sa saisine et la mettre en mesure de faire valoir ses observations ; et l'administration n'a adressé aucune convocation à cet effet à la société ;

- en considérant que les visites médicales étaient intervenues à l'initiative de l'employeur, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'illégalité car c'est Mme A... qui en a été à l'origine après avoir été informée de sa consolidation prochaine par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM);

- l'inspecteur du travail a annulé l'avis du médecin du travail au motif que les deux visites auraient été couvertes par un arrêt de travail, alors qu'il ne peut se prononcer qu'en tenant compte de considérations médicales ; en outre, le contrat de travail de Mme A... n'était plus suspendu et les avis d'inaptitude délivrés par le médecin du travail étaient réguliers ;

- en méconnaissance de l'article L. 4624-1 du code du travail, la décision de l'inspecteur du travail sur l'aptitude médicale reconnue n'est pas motivée ;

- la saisine de l'inspecteur du travail par Mme A... était tardive, car son licenciement était déjà intervenu et l'état de santé d'un salarié près d'un an après l'avis d'inaptitude n'est pas le même.

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2011, présenté pour le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Il conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le médecin inspecteur-régional du travail a accompli les démarches nécessaires pour rencontrer l'employeur et l'entendre sur la contestation de l'avis d'inaptitude de la salariée ; et l'employeur ne s'est pas rendu à la convocation adressée par le médecin inspecteur ;

- l'instruction d'un recours administratif n'implique pas, sauf dispositions particulières, le respect d'une procédure contradictoire ;

- l'inspecteur du travail n'a pas méconnu le champ de sa compétence ;

- la procédure d'inaptitude était irrégulière car intervenue alors que le contrat de travail était suspendu.

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2011, présenté pour Mme A... par la SCP d'avocats Raynaud et Associés ;

Elle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la compétence de l'inspecteur du travail pour se prononcer sur l'avis du médecin du travail doit être appréciée à la date de l'avis contesté ;

- aucun délai n'est imparti au salarié pour exercer un recours devant l'inspecteur du travail contre l'avis d'inaptitude ;

- l'instruction d'un recours administratif n'implique pas, sauf dispositions contraires, le respect d'une procédure contradictoire ; en outre, l'employeur ne s'est pas rendu à la convocation adressée par le médecin inspecteur du travail ;

- en l'absence de stabilisation de l'état de santé de la salariée, la déclaration d'inaptitude du médecin du travail était inéluctable.

Par un courrier du 12 mars 2015 adressé en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2015, la SNC LIDL conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Elle demande en outre à la cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un avis d'audience portant clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, a été notifié aux parties le 5 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- et les conclusions de M. Roux , rapporteur public,

1. Considérant que Mme A... a été engagée, le 29 mai 2006, par la SNC LIDL en qualité de caissière employée libre-service ; qu'elle a été placée en arrêt maladie suite à un accident de travail le 28 février 2007 ; que, le 26 septembre 2007, en application de l'article R. 241-51-1 du code du travail, alors en vigueur, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude temporaire de Mme A... à l'exercice de ses fonctions ; que, le 12 octobre 2007, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme A... à l'emploi de caissière employée libre-service ; que, saisi sur recours de la salariée, l'inspecteur du travail de la 2ème section des Pyrénées-Orientales a annulé, le 8 septembre 2008, les décisions du médecin du travail et déclaré Mme A... apte à l'emploi de caissière employée libre-service, sous réserve d'un aménagement ergonomique de son poste de travail ; que, sur recours hiérarchique formé par la SNC LIDL, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a confirmé la décision de l'inspecteur du travail le 12 janvier 2009 ; que, par un jugement du 20 septembre 2010, dont la SNC LIDL relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 8 septembre 2008 de l'inspecteur du travail ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail : "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (...). " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979: " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...). " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " ;

4. Considérant que la décision de l'inspecteur du travail infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et déclarant Mme A... apte, sous certaines réserves, à occuper son emploi de caissière employée libre-service, n'a pas été prise sur une demande de l'employeur, mais sur recours de Mme A... ; que, compte tenu de la portée que lui donne l'article L. 4624-1 du code du travail, une telle décision doit être regardée comme imposant des sujétions dans l'exécution du contrat de travail ; que, dès lors, elle ne pouvait intervenir, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu'après que l'employeur eut été mis à même de présenter ses observations ; que si tant le ministre du travail que la salariée font valoir que la SNC LIDL a été convoquée par l'inspecteur du travail pour présenter ses observations sur le recours formé par Mme A..., la réalité d'une telle convocation ne ressort pas des pièces du dossier ; que la violation du principe du contradictoire a privé la SNC LIDL d'une garantie, puisqu'elle n'a été mise en mesure de présenter ses observations ni sur l'aptitude de Mme A... à son poste de travail, ni sur les circonstances dans lesquelles le médecin du travail a été amené à émettre un avis sur l'aptitude de l'intéressée ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SNC LIDL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'est est, dès lors, fondée à demander l'annulation tant de ce jugement que de la décision susvisée du 8 septembre 2008 ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par la SNC LIDL et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2010 et la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section d'inspection des Pyrénées-Orientales du 8 septembre 2008 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la SNC LIDL fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la SNC LIDL, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à MmeC....

Copie en sera adressée au directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle Midi-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Buccafurri, présidente,

M. Portail, président-assesseur,

Mme Busidan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.

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N° 15MA00416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00416
Date de la décision : 13/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-03-03-01 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - Forme et procédure. Procédure contradictoire. Caractère obligatoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRUNET-RICHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-13;15ma00416 ?
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